Donnez-moi ma dose : Partie 2 – La force

Article écrit par Cyril Granier

Dans le précédent article, nous avons essayé de vous apporter des conseils sur la quantité minimale d’activité que l’on pouvait faire, afin de maintenir ses capacité maximales aérobies, en termes de fréquence, volume et intensité d’entraînement.
Pour les retardataires, c’est par ici (https://www.lepape-info.com/entrainement/entrainement-cyclisme/donnez-moi-ma-dose-partie-1-lendurance/).
Aujourd’hui nous allons opérer le même schéma d’analyse mais cette fois-ci avec la qualité de force.

Désolé de bousculer les croyances, d’étaler des clichés mais le cycliste lambda lorsqu’il fait du renforcement musculaire (ce n’est pas le cas de tout le monde), se contente simplement de le faire en période de reprise de l’entraînement en hiver et arrête ensuite toute séance spécifique de musculation.

Je vous épargne « la musculation, non moi jamais, pas besoin, je fais du vélo… » ou le « tu es fou, je vais prendre du poids et j’avancerai plus… ».

 

Certes, il est bien d’avoir au moins fait ce travail durant la période hivernale mais ne plus rien refaire ensuite, c’est perdre tout le bénéfice de ce que vous avez gagné auparavant. Dès lors, des douleurs réapparaissent sur le vélo notamment au niveau du dos plus précisément dans la région lombaire. Incriminez aussi en partie vos psoas, prenez soin d’eux.

Outre ce constat, allons voir une nouvelle fois ce que nous propose la métanalyse effectuée par Spiering, Mujika, Sharp et Foulis, quant au nombre de séances que nous devons faire, afin de maintenir notre potentiel de force, lorsque l’on ne souhaite plus le développer mais simplement l’entretenir.

 

 

Maintien de la force

Spiering et ses collègues ont cherché à voir l’évolution de la charge maximale que pouvait lever une personne, la contraction isométrique maximale que cette personne était capable de réaliser, ainsi que le volume musculaire avant entraînement, après entraînement et suite à la phase de « déconditionnement ».

La charge maximale en musculation peut se déterminer de différentes manières, sous appareils, ou avec des poids libres comme cela est le cas en haltérophilie. Généralement, après un échauffement spécifique, on va chercher à atteindre le poids maximal que l’on peut soulever, en un minimum de tentatives.

Vous êtes par exemple au développé couché, vous chargez la barre avec 40 kg et vous réalisez 6 répétitions.

 

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Exemple de test isométrique effectué sur un appareil Biodex 3. Crédit photo: Kabacinski J, Murawa M, Mackala K, Dworak LB (2018) Knee strength ratios in competitive female athletes. PLoS ONE 13(1): e0191077.

 

Vous prenez 3 à 5 min de repos et vous faite une nouvelle tentative avec 50 kg. Cette fois vous ne soulevez la barre que 2 fois. On tente une dernière fois mais avec 54 kg et la une seule répétition est réalisée et vous obtenez ce que l’on nomme la répétition maximale ou 1 RM.

En préparation physique, c’est très souvent cette appellation de RM qui est utilisée. Si par exemple, un sportif lève une charge 15 fois et qu’il se retrouve dans l’impossibilité de la lever une 16ème fois, on dira que l’athlète à réaliser 15 RM soit 15 Répétitions Maximales.

Pour la contraction maximale isométrique imaginez un siège sur lequel vous vous asseyez. On vous positionne l’articulation du genou à une angulation déterminée, avec la jambe rattachée à un dynamomètre qui va imposer une résistance (cf photographie). Cette résistance va s’accentuer pour que l’angulation de votre jambe soit toujours la même et ainsi un pic de force pourra être mesuré. Bien sûr vous devez résister contre cette force.

 

Les chercheurs ont analysé 9 études différentes, qui ont de nouveau cherché à manipuler la fréquence, le volume et l’intensité d’entraînement.

La fréquence correspond ici au nombre de séances effectuées dans la semaine. Le volume quant à lui, correspond au nombre de séries exécutées multipliées par le nombre de répétitions d’effort pour chacune des séries. Pour l’intensité, fut retenue la charge levée relative à la charge maximale que l’individu est capable de soulever.

Ces recherches ont proposé différents protocoles, compris entre 8 et 16 semaines pour la phase d’entraînement, consistant à réaliser au rythme d’une à 4 séances/semaine, 1 à 4 séries de 4 à 12 RM. Pour la période de baisse de la quantité d’entraînement, les 9 études ont réparti la durée sur 8 à 32 semaines selon les recherches, au rythme de 0 à 4 séances/semaine, de 0 à 4 séries, de 4 à 12 RM.

 

 

Quel impact a la diminution de la fréquence d’entraînement sur les capacités de force ?

Les équipes du professeur Ronnestad (1) ont montré par le passé que réaliser une séance de force maximale par semaine, au lieu de 2 à 3 séances/semaine suffisait pour maintenir (voire améliorer son 1 RM), alors que la mise en place d’une séance toutes les deux semaines suffirait à peine à entretenir nos capacités maximales de force mais il y a davantage de risque d’avoir une baisse de performance.

Donc, une session par semaine durant 8 à 32 semaines suffirait à conserver sa force maximale.

Pour ce qui est de la force isométrique maximale, plusieurs recherches ont montré qu’une séance toutes les 4 semaines serait suffisante, afin de maintenir nos capacités maximales, sur une durée maximale de 12 semaines, dans la mesure ou le volume et l’intensité sont maintenus (2).

Il serait donc plus prudent de mettre en place une séance de force maximale par semaine afin de conserver ses capacités maximales de force (1 RM) et de ne pas se concentrer sur la capacité de contraction isométrique maximale, qui sera de toute façon plus difficile à mesurer pour le commun des mortels, sauf si vous possédez un appareil isocinétique.

Pour ma part, lorsque je fais du maintien de force, je propose à mes athlètes de faire un rappel tous les 10 jours et visiblement cela fonctionne plutôt correctement. Je n’ai en tout cas jamais constaté de baisse de performance sur cet aspect de force ni en salle de musculation, ni sur le vélo.

Concernant la masse musculaire et sa fonte, la distinction se fait en fonction de l’âge des sujets. Pour des sportifs ou sportives entre 20 et 35 ans, seulement 1 séance/semaine est nécessaire pour maintenir sa masse musculaire.

Pour des personnes plus âgées, il semblerait qu’il faille à minima en rajouter une de plus.

Cette conclusion est d’autant plus intéressante car dans mon quotidien d’entraîneur, se sont souvent les coureurs les plus âgés, qui sont les plus réticents à la mise en place des cycles de musculation… Allez les gars on en prend double dose, ce n’est pas moi qui le dis… c’est la science !

 

 

Quel est l’impact de la diminution de la fréquence et du volume d’entraînement sur les capacités de force ?

Une étude mené par Bickel et ses collègues (3) avait pour objet d’identifier l’impact du passage de 3 à 1 séances par semaine, avec baisse du volume de 3 séries à seulement 1 série par exercice, sur un total de 32 semaines. L’intensité des séances avait été conservée, avec 8 à 12 RM.

Résultat ? des améliorations du 1RM et des maintiens de la masse musculaire, de nouveau chez les jeunes participants (ayant moins de 35 ans) mais pas chez leurs ainés.

Une autre étude mise en place par Tavares et ses collègues (4), a opté pour une méthodologie proche, en faisant sur 8 semaines, passer leurs « cobayes » de 2-3 séances par semaines à seulement 2, tout en réduisant le nombre de séries de 3-4 à 2, pour une intensité semblable de 6 à 12 RM.

Ils obtinrent des résultats similaires à l’étude précédente, avec une conclusion identique pour les personnes plus âgées, montrant qu’elles avaient besoin de plus de séances, pour avoir les mêmes résultats que les plus jeunes.

En conclusion, nous pouvons dire que la mise en place d’une séance par semaine de force, associée à 1 série unique par exercice, serait suffisante pour maintenir notre force maximale et conserver notre masse musculaire. Par contre chez les sujets plus âgés, il conviendra de conserver 2 séances par semaine, de 2 à 3 séries par exercice, pour entretenir cette même qualité.

 

 

Quel est l’impact de la diminution de l’intensité d’entraînement sur les capacités de force ?

Spiering et ses collègues au cours de leur métanalyse n’ont répertorié qu’une seule étude faisant varier l’intensité de l’effort. Cette étude, concluait sur le fait que la baisse de l’intensité n’était pas la solution et qu’il faut dans la mesure du possible conserver un niveau d’intensité équivalent à celui utilisé au cours des séances de développement de la force.

 

Pour conclure, retenez bien qu’il s’agit ici de la dose minimale d’entraînement qu’il faut pour maintenir vos acquis de force. Cela suppose, comme le montrent chacune des études, que vous ayez développé ces aspects auparavant.

L’avantage d’avoir ces informations en tête est la suivante, je vous donne un exemple avec les athlètes que je suis à l’entraînement. Lorsque nous mettons en place un cycle de musculation avec pour but de faire de la force maximale, je me débrouille pour que ce cycle se finisse 2 mois avant l’objectif majeur de saison.

Dans le but de maintenir les acquis, je propose un rappel toutes les semaines voire tous les 10 jours, en me basant cette fois sur les travaux de Bent Ronnestad effectués auprès de cyclistes (1).

Quels avantages ? Un maintien des capacités de force maximale et surtout du temps de dégagé, soit pour travailler d’autres qualités physiques, soit simplement et c’est le plus important en entraînement, avoir du temps complémentaire accordé à la récupération. Sans récupération, il n’y a pas de progression en sport.

Mais n’oubliez pas ami(e)s cyclistes, la musculation se pratique toute l’année mais une dose minimale parfois suffit, pour être en capacité de conserver les niveaux de force atteints plus tôt dans la saison.

 

 

Pour aller plus loin : Spiering BA, Mujika I, Sharp MA, Foulis SA. Maintaining Physical Performance: The Minimal Dose of Exercise Needed to Preserve Endurance and Strength Over Time. J Strength Cond Res. 2021 Feb 24. doi: 10.1519/JSC.0000000000003964. Epub ahead of print. PMID: 33629972.

 

(1). Rønnestad BR, Nymark BS, Raastad T. Effects of in-season strength maintenance training frequency in professional soccer players. J Strength Cond Res 25: 2653–2660, 2011.

(2) Tucci JT, Carpenter DM, Pollock ML, Graves JE, Leggett SH. Effect of reduced frequency of training and detraining on lumbar extension strength. Spine (Phila Pa 1976) 17: 1497–1501, 1992.

(3) Bickel CS, Cross JM, Bamman MM. Exercise dosing to retain resistance training adaptations in young and older adults. Med Sci Sports Exerc 43: 1177–1187, 2011.

(4) Tavares LD, de Souza EO, Ugrinowitsch C, et al. Effects of different strength training frequencies during reduced training period on strength and muscle cross-sectional area. Eur J Sport Sci 17: 665–672, 2017.

 

 

Cyril GRANIER

Docteur en sciences du sport

Entraîneur Cyclisme, Trail, Triathlon

Bike Fitter, Level 2 IBFI

www.cgperformance.fr

Facebook : @CyrilGranierPerformance

Instagram : cyrilgranierperformance

1 réaction à cet article

  1. Je viens tout juste de relire votre article ce matin, c’est très édifiant et aussi très clair. Votre grande capacité de communicateur nous permet de tirer des conclusions nous permettant de nous entrainer en tenant compte de données scientifiques. Je vous en remercie!!!

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