Sommeil et performance : mieux dormir pour mieux récupérer – Partie 2

Découvrez le second extrait du chapitre rédigé par l'expert et sportscientist Cyril Schmit consacré au sommeil et à la performance, extrait du livre "Objectif Marathon" de notre coach Jean Claude Vollmer.

Découvrez la partie 1 

 

Routine du soir, bonsoir !

 

Les astuces pro-sommeil visent toutes un seul et unique but : faciliter la désactivation de l’organisme. Si les propositions ci-dessous peuvent alors suggérer des comportements a priori distincts, elles convergent néanmoins toutes vers la recherche d’un état psychologique et/ou physiologique de relaxation.

Pour plus d’intuitivité dans leur approche, ces propositions sont présentées selon un déroulement typique de fin de journée, dans lequel chacun peut puiser pour se faire son idée.

 

  • 20h – Dîner 

 

Si vous vous êtes entraîné juste avant le dîner, il est fort probable que vous sortiez de la séance avec l’appétit coupé (ceci est lié à une baisse des niveaux de ghréline dans le sang, l’hormone de la faim) – notez que cette sensation coupe-faim est proportionnelle à l’intensité de l’entraînement. Dans le cadre du sommeil, cette sensation n’est pas de bon augure puisqu’en phase de récupération, votre organisme a besoin de reconstituer (voire surcompenser) ses réserves d’énergie. Le scénario qui se présente « réserves d’énergie faibles + hausse du métabolisme » vous place donc dans une posture inconfortable : vous risquez de vous réveiller en pleine nuit sous l’effet de gargouillis d’estomac. Pour limiter ce risque, prévoyez un laps de temps de 45 minutes entre la fin de la séance et le début de votre dîner, soit en repoussant le dîner, soit en démarrant l’entraînement plus tôt. Cet intervalle sera suffisant pour restaurer votre niveau de satiété et sécuriser un apport alimentaire convenable pour la nuit. 

 

En termes de composition d’assiette au dîner, les aliments gras sont à proscrire, si possible. En effet, de par leur composition et la latence nécessaire à leur digestion, ils ont tendance à maintenir l’organisme en activité et contrecarrent ainsi la baisse de température nécessaire au corps pour s’endormir. À l’inverse, les aliments à index glycémique élevé (pâtes, pommes de terre, riz blanc) sont favorables à la présence de tryptophane dans le cerveau, un acide aminé propice à l’endormissement.

 

En termes de boisson, les excès d’alcool sont à éviter – dans le cadre du sommeil comme ailleurs. Alors que cette consommation peut s’accompagner d’une sensation de confort comparable à un état de relaxation, elle possède aussi un effet diurétique à court-terme et déshydratant à moyen-terme, sur l’organisme. Ainsi, boire plus de 2 verres au dîner peut favoriser les réveils nocturnes, au moment même où nos cycles de sommeil les plus importants interviennent. Par ailleurs, la consommation d’alcool induit une fragmentation de notre sommeil et limite ainsi la régénération musculaire – un double phénomène délétère pour la récupération nerveuse et physique du sportif.

 

  • 21h – En attendant son heure

 

Après le repas, si vous optez pour une activité, évitez celles stimulantes physiquement et/ou émotionnellement. À l’image de l’exercice physique, la libération d’adrénaline dans le corps est en effet incompatible avec l’état de relaxation. En revanche, un film reposant, une lecture calme ou une musique d’ambiance sont de bons moyens de promouvoir l’assoupissement de l’organisme – contrairement aux films à sensations.

 

L’utilisation du smartphone n’est pas recommandée, nous l’avons vu, même si son usage devient systématique au quotidien. En cas d’utilisation inévitable, songez alors à activer le mode Nuit (Shift mode) du téléphone, ainsi qu’à réduire la luminosité de l’écran, et ceci au moins deux heures avant le coucher. En effet, ces deux actions ont l’intérêt de limiter la diminution de mélatonine induite par les écrans à ondes bleues, de ~50% en moins à seulement ~15% en moins. 

 

Alors que la relation café-sommeil mène la vie dure, sachez qu’en réalité seulement 50% de la population subit les effets nerveux excitants de la caféine, en raison d’une prédisposition génétique à ses stimulants. S’ils sont effectifs, ses effets peuvent toutefois perdurer plus de 6h, ce qui explique que sa consommation tend à être prohibée après le dîner, voire durant l’après-midi. Pourtant, la propension indiquée de 50% souligne que la consommation de café est plutôt à soumettre à l’expérience personnelle avant d’être cataloguée comme néfaste. Pour leur part, les tisanes (celles à base de passiflore ou valériane), le jus de cerise, ainsi que le lait chaud au miel, sont connus pour faciliter le sommeil lorsqu’ils sont consommés une demi-heure à une heure avant le coucher – encore une fois pour leur rôle auprès de l’hormone du sommeil. Prudence toutefois à ne pas vous sur-hydrater ; cela pourrait mener à des réveils nocturnes.

 

Lorsqu’il s’agit de la gestion de la thermorégulation du corps en soirée, deux dimensions peuvent être prises comme repères. Puisque l’organisme doit baisser en température pour s’endormir (d’où nos difficultés à dormir l’été), il est d’abord judicieux de rafraîchir notre chambre (entre 16 et 19°C) avant le coucher. Mieux vaut en effet une ambiance thermique douce et une couette épaisse, que l’inverse. Pour faciliter cela : ouverture des fenêtres, ventilateur + serviette humide, climatisation, ou simple extinction des chauffages en hiver. D’autre part, si vous n’êtes pas encore douché au moment d’aller au lit, vous pouvez vous glisser sous une douche froide et brève, ou sinon une douche chaude et prolongée. Les mécanismes derrière ces situations diffèrent, mais les enjeux physiologiques sont comparables : une meilleure dissipation de la chaleur du corps sur la durée, donc une thermolyse plus efficace, donc un premier cycle de sommeil facilité.

 

  • 22h – Au lit ! 

 

Cet horaire est évidemment anodin, chacun possédant ses propres rythmes et besoins en sommeil. Dans cette logique, notons que les heures passées au lit avant minuit ne comptent pas double, tel que l’idée reçue le véhicule. En revanche, le facteur déterminant pour la récupération en plus de la quantité de sommeil est la régularité de l’horaire du coucher. Une habitude que le corps prend vite en effet (3 à 7 jours), puis qu’il nous impose ensuite en manifestant nos cycles de sommeil. Devenir coutumier d’un horaire précis possède donc l’avantage de pouvoir se préparer aux signes précurseurs du sommeil (indiqués plus haut). Cette récurrence – telle un argument d’autorité sur nos choix – suppose alors d’accepter de stopper toute activité en cours.

 

Arrivé dans votre chambre, deux facteurs comptent particulièrement pour la qualité de votre nuit (en plus de la température de la pièce évoquée plus haut) : l’obscurité et le silence. Chacun d’eux joue un rôle important dans la profondeur vs. superficialité du sommeil, et donc dans l’efficacité d’un sommeil dit réparateur. Ainsi, retenons qu’en termes de récupération, il s’avère plus néfaste de réaliser une longue nuit fragmentée par des sources sonores ou lumineuses, que d’avoir une nuit courte mais paisible. À cet égard, dès que la nuit s’annonce particulièrement courte, les masques pour les yeux et boules Quies peuvent représenter de véritables accompagnateurs de rêves, et donc des facilitateurs de récupération.

 

Une fois au lit, si le sommeil ne survient pas malgré toute votre bonne volonté à adhérer à une hygiène de sommeil cohérente, pas de panique ! Essayez d’abord de « décrocher » des préoccupations en cours pour profiter du moment présent. Un moment calme. Sans contrainte. Le vôtre. Rares sont ces moments aujourd’hui… Les techniques de relaxation, autohypnose, méditation, imagerie ou de ventilation peuvent devenir les garantes d’une meilleure connaissance de soi et, après quelques utilisations, d’un sommeil plus rapidement trouvé. Tout le paradoxe de ces techniques consistera à trouver votre propre objet de focus (pro-activité) favorable à l’apaisement (pro-passivité), ainsi qu’à automatiser leur usage pour réduire l’effort d’attention. Les massages possèdent aussi un effet relaxant puissant, lorsque bien réalisés.

 

En revanche, si après 20 minutes vous êtes encore bel et bien éveillé, la solution ne viendra probablement plus en restant au lit à compter les moutons… Dans de telles circonstances, certains s’inquiètent alors de ne pas trouver le sommeil, ce qui les inscrit dans une optique de stress inverse à celle de relaxation. D’autres retournent à leur téléphone… Les conseils ici restent simples : vous pouvez reprendre votre lecture, sans culpabiliser, en patientant jusqu’à l’arrivée du prochain cycle de sommeil. Quitte à ne pas dormir, en effet, autant se donner matière à rêver…

 

  • À échéance régulière

 

Sur des intervalles rapprochés (>3 fois par semaine), tenir un carnet de sommeil collectant vos heures de coucher, de lever, les réveils nocturnes et/ou une note sur la qualité de vos nuits, peut devenir une ressource précieuse. En effet, plus ce type de suivi est réalisé, plus le nombre d’éléments objectifs ET subjectifs capables d’être croisés pour identifier les actions les plus-à-mêmes d’induire, chez vous en particulier, un sommeil de qualité, est important. Cette démarche, utilisée en masse lors de protocoles de recherche, n’en devient que plus pertinente à votre propre échelle. Une bonne dizaine de mesures (au moins 2 à 3 semaines) est ainsi souhaitable avant d’entreprendre une quelconque interprétation. Et évidemment, le plus sera le mieux. 

 

De façon toute aussi récurrente, les siestes sont recommandées. Aujourd’hui, on en entend d’ailleurs de plus en plus parler dans le milieu sportif certes, mais aussi professionnel. Étrange ? Pas vraiment, si l’on se reporte à l’amélioration du niveau de vigilance et de concentration dont un individu peut effectivement faire preuve au retour d’une « power nap ». Une vingtaine de minutes suffisent en réalité pour bénéficier de ce regain d’efficacité tout en s’évitant de plonger dans un sommeil plus profond dont le réveil léthargique pourrait s’avérer limitant. Pour être certain de repartir sur des bases dynamiques, vous pouvez boire un café en amont de la sieste (puisque les effets de la caféine se déclenchent en moyenne après 45 minutes), vous rincer le visage puis vous exposer pleinement à la lumière. Quelques exercices (pompes, fentes, flexions…) pourront aussi accélérer votre activation. La sieste est donc un précieux allier en cas d’accumulation de fatigue, mais pas que…

 

En cas de coucher tardif la veille, en effet, il est démontré qu’il est plus utile de réaliser une sieste après le déjeuner plutôt que de faire une grasse matinée. Contre-intuitif, non ?! Pourtant la raison est simple : passé une heure d’écart avec votre horaire de lever habituel, il survient un risque de dérèglement de votre horloge biologique. C’est, par exemple, à partir de ce dérèglement que l’on rationnalise les conseils sur la gestion du décalage horaire avant un voyage à l’étranger : une heure de sommeil en plus / moins par jour de préparation, de manière à s’adapter progressivement à la future time zone.

 

À échéances moins régulières, mais de façon toute aussi importante, retenez enfin que la qualité de la literie conditionne votre confort nocturne. Ainsi, même si notre corps est capable de s’habituer à un matelas qui devient de plus en plus mou, la posture progressivement adoptée n’en devient que plus néfaste en raison des tensions musculaires imposées au corps. La récupération en devient donc dégradée. Il est ainsi recommandé de tourner nos matelas tous les trimestres, de même que de renouveler nos oreillers tous les 18 mois. Cette démarche vigilante permet de préserver des postures saines et ainsi de limiter l’apparition de douleurs supplémentaires à celles déjà induites par l’entraînement.

 

 

 

Conclusion

 

Ce que l’on nomme « hygiène du sommeil » se veut donc être aussi étendue que personnalisable. Découvrir et mettre en place sa propre routine suppose d’abord d’identifier les scénarios à risque avant d’engager une démarche proactive à l’égard des comportements favorables à l’endormissement. Ces comportements concernent autant la programmation horaire de son entraînement que la composition de son dîner, les activités pré-coucher que les techniques de relaxation une fois au lit. La panoplie du bon dormeur est donc une panoplie à s’approprier, et celle-ci n’est nullement réservée aux mauvais dormeurs – d’excellents dormeurs peuvent s’y sensibiliser efficacement en vue de périodes difficiles.

 

S’il est un conseil que nous pourrions globalement soumettre au lecteur, c’est donc celui exposé en introduction : raisonnable > inflexible. Ce conseil ne suppose pas de viser chaque soir la routine parfaite. Au contraire, cette ambition en deviendrait stressante donc contre-productive. L’idée serait davantage de s’approprier une « base » personnelle efficace (heure du coucher, type d’activité, repas adapté, environnement propice…) et souple. Souple, autant à la hausse (agir pour plus de sommeil) qu’à la baisse (gérer un faible volume de sommeil). Les différentes idées abordées dans ce texte peuvent alors représenter des outils au service de cette flexibilité.

 

Enfin on le soulignait, les siestes et plus largement le sommeil sont aujourd’hui valorisés en raison de l’identification progressive de leurs bienfaits. De façon intéressante, les études scientifiques suggèrent ainsi des utilisations du sommeil hors du cadre de la récupération. Par exemple, une logique « préventive » de la fatigue consiste à exposer des sportifs à des phases de sommeil volontairement prolongée dans la perspective d’une privation de sommeil ponctuelle (exemple, en vue d’un trail sur plusieurs jours). Une cure de sommeil planifiée, en quelque sorte, pendant la phase d’affûtage pour démarrer l’épreuve avec des « réserves de sommeil » maximales. Une toute autre logique, moins sécure cette fois, consiste à volontairement raccourcir ses nuits dans le cadre d’une période d’entraînement intense. Objectif : amplifier la difficulté de l’effort ressenti par le sportif afin d’entraîner le cerveau à des sensations extrêmes ! À gérer avec minutie, on s’en doute… Ces perspectives sont encore naissantes mais les promesses qu’elles supposent sont intéressantes, dès lors qu’elles savent s’imbriquer correctement dans la cartographie de l’entraînement.

 

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