Précédemment, nous avons parlé d’échauffement, c’est-à-dire d’élévation globale de la température interne de l’organisme à l’exercice, dans le but de préparer le corps à l’effort. Mais il faut bien comprendre que l’organisme continue à produire de la chaleur une fois le corps chaud, et que passée une certaine limite, cette chaleur est un frein à la prolongation de l’exercice. Le rendement mécanique de la locomotion humaine témoigne de ce phénomène. En effet, 75% de l’énergie issue de la dégradation des substrats énergétiques se transforme en chaleur dont il va falloir évacuer la majeure partie. Les 25% restants sont utilisés pour le déplacement. On comprend donc aisément que la capacité à évacuer la chaleur [la THERMOLYSE] est un paramètre important de la performance, qui plus est en conditions chaudes.

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Thermolyse : Ensemble des systèmes mis en jeu par les organismes homéothermes pour dissiper les surplus de chaleur et maintenir la température interne stable (37 °C pour l’être humain). 

Dans la zone de confort thermique (environ 21°C pour l’être humain) la chaleur produite par le métabolisme compense exactement les pertes de chaleur par radiation, convection, conduction et perspiration (sudation insensible).

 

 

 

 

 

La thermolyse (destruction de la chaleur) s’oppose donc à la thermogénèse (production de chaleur), ces 2 processus de thermorégulation (fig 1) ayant pour but de maintenir une température centrale stable. Elles sont bien entendu dépendantes des conditions environnementales et de l’activité du sujet. Notons bien que même au repos, le corps reste actif (métabolisme basal) et produit de la chaleur dite endogène.

image1
les processus de thermorégulation

 

Les 2 sources de chaleur – interne et externe – influent remarquablement sur notre organisme à l’effort avec pour conséquence finale une dérive cardiovasculaire que nous allons détailler par la suite. Mais soyons bien clairs, nous parlerons ici de dérive uniquement dans le cas d’un exercice à intensité constante, car pour tout exercice dont l’intensité augmente progressivement (exercice dit ‘’triangulaire’’), de nombreux paramètres évoluent (dérivent ?) vers des valeurs maximales qui signent la fin de l’exercice.

Loring Rowell en 1993 fut l’un des premiers à étudier les flux sanguins chez l’individu au repos et à l’exercice et à permettre une meilleure compréhension du phénomène de dérive cardiaque. En effet, chacun a pu constater avec son propre cardiofréquencemètre, qu’en courant à intensité régulière, il arrive un moment où les fréquences cardiaques augmentent, témoignant d’une élévation de la consommation d’oxygène. Parfois, le phénomène de fatigue, surtout périphérique –musculaire– provoque l’effet inverse et vient masquer cette dérive des fréquences cardiaques qui ne peut plus être effective après quelques heures d’effort. De même, sur les efforts d’ultra endurance, la variation des volumes plasmatiques entraîne une augmentation du volume plasmatique (et donc du volume d’éjection systolique) dont la conséquence est une baisse des fréquences cardiaques. Mais revenons aux efforts de durée limitée.

Pourquoi les fréquences cardiaques ne restent-elles pas stables pour une même intensité d’effort, et pourquoi cette dérive est-elle bien marquée en conditions chaudes ? Rowell a montré que l’origine de cette dérive est due à la re-distribution de la circulation sanguine et notamment à l’augmentation du flux sanguin cutané.

Prenons le cas d’un même exercice réalisé en conditions de températures normales (normothermie) ou en conditions chaudes (hyperthermie). Sur les figures 2 et 3, nous observons respectivement en conditions chaudes une dérive cardiaque plus marquée ainsi qu’une baisse plus importante du volume d’éjection systolique. En d’autres termes, cela veut dire que les fréquences cardiaques augmentent (mais pas la vitesse ni l’intensité) et que la quantité de sang envoyée dans l’organisme à chaque contraction cardiaque est plus faible. Si il y a moins de sang envoyé, il y a par conséquent moins d’oxygène. Pour conserver une même intensité d’exercice, les muscles, principalement, ont besoin d’une même quantité d’oxgène. Par conséquent, le débit cardiaque va s’intensifier grâce à l’augmentation du nombre de battements par minute, la dérive cardiaque est à l’œuvre.

 

dérive cardiaque
Dérive cardiaque pour un même exercice à intensité constante en conditions tempérée et chaude

 

 

Volume d’éjection systolique (ml/battement) pour un exercice à intensité constante en conditions tempérée, et chaude
Volume d’éjection systolique (ml/battement) pour un exercice à intensité constante en conditions tempérée, et chaude

 

L’origine du phénomène de la dérive cardiaque est due à 3 facteurs qui peuvent se conjuguer : la chaleur extérieure (et le degré d’humidité), la production de chaleur endogène, la déshydratation. Dans chaque cas, il est nécessaire et vital de refroidir l’organisme. Pour ce faire, le flux sanguin cutané (vers la peau) est fortement augmenté (refroidissement liquide, ce qui entraîne un déplacement de fluides à partir du plasma sanguin vers le tissu cutané). Il en résulte en cascade une baisse de la pression artérielle pulmonaire et une diminution du volume d’éjection systolique. Pour maintenir le débit cardiaque (Débit = FC x VES), le rythme cardiaque doit augmenter.

 

Tenue claire, hydratation, entraînement

La physiologie étant une science fort subjective, nous ne sommes pas égaux dans notre capacité à produire et à dissiper la chaleur (thermogénèse et thermolyse), et cela constitue une clé majeure de la performance. Par une surface cutanée relative plus grande, nos frères africains de l’Est ont une thermolyse plus efficace. Contre cela, on ne peut lutter. Par contre, on peut agir en facilitant l’évacuation de la chaleur par notre organisme et en favorisant son refroidissement. Ainsi, chacun doit adapter sa tenue vestimentaire à sa propre physiologie pour trouver un équilibre entre température extérieure et production de chaleur interne. Rappelons que la pratique sportive en conditions chaudes peut mener au coup de chaleur d’exercice que nous avons décrit dans un précédent article, avec une incidence de la mortalité non négligeable. Ensuite, il faut veiller à une bonne hydratation, avant, pendant et après l’effort, hiver comme été. La déshydratation lors d’un trail blanc est très rapide en raison de l’air sec et de port de vêtements souvent mal-adaptés. Prudence également à tous ceux qui vont courir à l’étranger et qui subissent un brusque changement de température. Une  déshydratation sévère pouvant mener à une rhabdomyolyse d’effort, pathologie gravissime.

En conclusion, la température conditionne la performance. Cela est moins visible en trail où la performance chronométrique ne compte guère, mais c’est flagrant en marathon où les meilleures performances se font au printemps ou à l’automne avec des températures avoisinant les 15° C.

 

1 réaction à cet article

  1. Cette dérive de la fréquence cardiaque avait été également l’objet de travaux de Georges Gacon (Entraîneur-chercheur à Dijon et entraîneur national DTN) dans les années 90.

    Pour la température, j’ai souvenir de Vincent Rousseau (Marathonien Belge en 2h07’20 ») ne prenait pas départ si il faisait plus de 20°c , ce qui est déjà beaucoup !

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