Adapter sa foulée pour réduire le risque de blessure ?

La relation entre la cadence de foulées et l’augmentation du risque de déclenchement d’une blessure fait l’objet de nombreux débats. Faut-il plutôt adapter une foulée ample ou en fréquence ? Avec la réponse la plus souvent apportée : une foulée ample et peu fréquente augmenterait les contraintes et donc les dommages déjà importants que peut occasionner la course à pied. Notre expert Anaël AUBRY tente d’y voir plus clair.

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Une foulée plus longue est-elle synonyme d’impacts au sol plus violents ?

En course à pied, la longueur de la foulée est inversement corrélée à sa fréquence. Ainsi, plus on privilégie une foulée ample (longue), plus la cadence de nos foulées (leur nombre) diminue lorqu’’il s’agit de maintenir une vitesse de déplacement similaire.

Lorsque l’on court en privilégiant une grande amplitude de foulée plutôt qu’une grande cadence de foulée, on estime généralement que la violence de l’impact au sol s’en trouve augmentée. En effet, lorsque l’on joue davantage sur l’amplitude que sur la fréquence, le temps de vol augmente et l’énergie que l’on emmagasine lors de la phase de suspension est plus grande. Chaque contact au sol doit alors absorber une plus grande quantité d’énergie, ce qui se répercute sur la chaussure mais également sur nos os, nos muscles et nos tendons.

On serait dans cette logique tenté de conclure qu’il existe un lien entre la cadence de foulée que l’on adopte spontanément et le risque de blessure. On parierait ainsi volontiers que les coureurs possédant une grande amplitude de foulée présenteront un plus grand risque de se blesser.

 

Un pic de charge élevé lors du contact au sol est-il un facteur déclenchant de blessures ?

Une étude, réalisée dans une clinique du Massachussetts, a récemment remis en question ce raisonnement. Menée sur 125 coureurs expérimentés répartis en 93 blessés et 32 coureurs sains, elle a d’abord consisté à comparer la cadence de foulées des deux groupes.

Contrairement à ce que l’on pouvait penser, aucune différence claire ne fut constatée : le groupe des coureurs blessés révélait même une cadence de foulées légèrement plus élevée que celle du groupe sain (164 contre 161 pas par minute) !

Les scientifiques de Nouvelle Angleterre évaluèrent ensuite le pic de charge généré par le contact du pied au sol — un révélateur de la manière dont nos pieds frappent le sol lorsque l’on court. Contrairement au constat rapporté concernant la cadence de foulée, les résultats furent là nettement plus discriminants : ainsi, le groupe des coureurs blessés démontrait un pic de charge à l’impact en moyenne 28% plus élevé que le groupe sain. Autrement dit, si le risque de se blesser n’était pas associé à la cadence de foulée (amplitude Vs fréquence), il semblait en revanche clairement augmenté face aux chocs  engendrés par la technique personnelle de course de l’athlète.

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Quelques astuces pour rendre une foulée moins contraignante

Aucun lien ne fut en revanche constaté entre la fréquence/amplitude de foulée et le pic de charge au sol. Les coureurs qui avaient spontanément tendance à courir avec une grande amplitude de foulée et une faible cadence de pas n’étaient ainsi pas nécessairement ceux qui avaient la foulée la plus traumatisante.

En fonction de la manière dont le bassin oscille par rapport à l’horizontale durant la course, de la manière dont le pied attaque le sol et de la manière dont on le déroule durant l’appui, il n’est en effet pas certain qu’une foulée plus ample soit nécessairement synonyme d’une foulée plus traumatisante. Les coureurs qui « tricotent » ne révèlent à l’inverse pas toujours une foulée moins contraignante. Le problème est plus complexe que cela.

Au final, il semble important de retenir de ces résultats que ce n’est pas la cadence de foulée qui détermine à elle seule le risque de se blesser mais davantage un ensemble de paramètres qui rendent une technique de course contraignante.

Pour les coureurs qui se blessent régulièrement, la meilleure stratégie semble être d’identifier si leurs pieds « tapent » le sol et d’explorer, le cas échéant, l’ensemble des solutions susceptibles de réduire la contrainte pour leurs muscles, tendons et articulations. Une modification de la technique de pose du pied au sol, une réduction de l’effet « yo-yo » par un programme de renforcement musculaire ou une correction de la position du buste peuvent contribuer à rendre une foulée moins traumatisante, sans nécessairement imposer une réduction de la cadence de foulée.

Si vous prenez le parti d’améliorer votre technique de course, il ne faudra en aucun cas vouloir du jour au lendemain ressembler à des coureurs de haut niveau à la technique de course affirmée. Après avoir cerné vos points faibles, plusieurs options pourront y remédier :

  • Travail de force en salle de musculation.
  • Travail de puissance en salle de musculation.
  • Exercices de pliométrie et de réactivité de pied.
  • Gammes éducatives.
  • Travail de placement.
  • Travail de vitesse maximale.

A  vous de jouer ! Pour rappel voici quelques exemples de séances de renforcement musculaire  Ce sera ensuite à vous d’être inventif et surtout de ne pas tomber dans le confort et donc d’être inventif et ne pas avoir peur de travailler vos points les plus faibles. N’oubliez pas qu’en plus de diminuer le risque de blessures, vous augmenterez conjointement votre qualité de pied donc votre capacité à être plus économique et à courir plus vite.

Par Anaël AUBRY.

Pour suivre l’actualité d’Anaël AUBRY sur Twitter : @AUBRYANAEL et Facebook : http://facebook.com/Anael.AUBRY.Sport.scientist

 

3 réactions à cet article

  1. Pourriez-vous nous fournir le lien vers l’étude en question ? Merci.

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  2. Merci pour cet article qui tente de démêler de nombreuses idées reçues et donne des pistes de progrès et de travail personnel. Toutefois, une donnée essentielle manque à la plupart des études qui opposent fréquence vs amplitude, c’est la corrélation de tout cela avec la vitesse de déplacement qui elle va induire une contrainte d’impact différente. Ainsi, 180 foulées par minutes à 10km/h génèrera de moindre contraintes que 180 à 16 ou 17km/h. Et pour s’en rendre compte, il n’est qu’à quitter ses chaussures et faire l’expérience soi même à différente allures!

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  3. L’article pourrait ajouter que le pic de charge est largement corrélé avec le point de contact du pied au sol par rapport au centre de gravité du coureur. Un point de contact proche du bassin (et non pas loin devant le coureur) réduira le pic de charge (et surtout la vitesse d’impact (c’est à dire la violence du choc)).

    C’est la raison pour laquelle très généralement lorsqu’on conseille aux coureurs d’augmenter leur cadence pour atteindre une fourchette de 170 à 190, leur foulée devient moins traumatisante en terme de force d’impact au sol. Ils réduisent la longueur de leur foulée et viennent pose leur pied près de leur bassin.

    Une différence entre 161 et 164 foulées/mn aura logiquement un effet beaucoup plus marginal sur le pic de charge.

    S. Séhel

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