Les sports collectifs ont aussi droit à leur affûtage !

Une fois n’est pas coutume, Lepape-info a choisi de ne pas parler de sports d’endurance, mais de sports collectifs ! En effet, une récente étude scientifique nous a alerté. Celle-ci avait pour objectif de tester l’intérêt d’une période d’affûtage pour des athlètes de sports collectifs. Lepape, 1er sur l’info, vous propose de décrypter ces résultats avec son expert Anaël AUBRY.

Un casse-tête pour les entraîneurs. Le manager de sports co devra prendre en compte une combinaison de multiples facteurs d’entraînement pouvant jouer sur la performance de ses athlètes en compétition : le physique, la physiologie, la psychologie, la technique et la tactique. Un vrai rubix-cube ! Si nous ne prenons que le « physique-physiologique », l’entraîneur et le préparateur physique devront jouer entre autres sur les capacités de vitesse, d’accélération, de puissance, d’endurance ou encore d’agilité de leurs joueurs. Préparer une course d’endurance en deviendrait finalement presque simple. Et par-dessus le marché, alors que nous nous prenons déjà la tête pour quelques objectifs dans la saison, eux devront multiplier les matchs, entre 30 à 80 suivant les sports, les saisons, les résultats, les postes, les victoires/défaites. Un vrai travail de chef d’orchestre devant sans cesse travailler dans l’adaptation et l’individualisation.

 

Mais pourquoi s’affûter ? Dans l’article « s’entraîner moins pour performer », (lien) nous avions vu l’intérêt de réduire ses charges d’entraînement à l’approche des objectifs prioritaires. Mais, avec toutes ces compétitions comment s’y prendre en sports collectifs (co’) ? Les entraîneurs/préparateurs physiques privilégieront le plus souvent ces périodes de « respiration » à la fin de la lourde période de préparation de présaison ou pour quelques matchs et/ou tournois clés. Le concept sera assez semblable à celui des sports d’endurance, à savoir réduire le volume de 40-60% tout en maintenant l’intensité, la fréquence et les sources de sollicitations de l’entraînement. La durée ? 10-15 jours reste la valeur sure, mais le pic de performance pourra se produire en amont ou en aval de cette période, il faudra donc apprendre à se connaitre !!!

Dans les sports co ?  Quelques études menées notamment sur des rugbymans et rugbywomans ont confirmé ces gains de performance sur des qualités isolées comme des exercices de musculation, des sprints répétés, des sauts ou encore des efforts intermittents. Malheureusement, il est difficile de tirer des conclusions sur la durée optimale de l’affûtage en sport co, car chaque étude ne réalisait ses tests qu’à un instant T, par exemple après 7, 14 ou 21 jours de réduction de la charge d’entraînement. Par ailleurs, ces résultats mettaient en avant une très forte variabilité interindividuelle entre les sportifs. Toutes ces constations renforçaient le besoin d’aller plus loin sur la question de l’affûtage dans les sports collectifs ! Une équipe de chercheurs décida de s’y pencher. L’équipe de recherche de la Fédération Française de Rugby, très dynamique dans sa prospection de leviers pouvant potentiellement permettre d’améliorer les performances de ses équipes mis en place un projet de thèse sur le sujet. Celle-ci menée par Bruno Marier, sous la direction des très reconnus Yann Le Meur, Jean-Benoît Morin et Christophe Hausswirth commence à livrer ses premiers résultats.

Rugby à 7 quèsaco ? Celle-ci est plus spécifiquement menée auprès de l’équipe de France de rugby à 7. Vous avez tous vu cette discipline spectaculaire aux derniers Jeux Olympiques. Un grand terrain de rugby à XV ou deux équipes de 7 joueurs s’affrontent. Les règles sont relativement les mêmes qu’à XV. Les différences se trouvent surtout dans le type de jeu qui y sera plus dynamique, avec notamment beaucoup plus de courses que d’affrontements au sol, en raison de la faible densité de protagonistes sur le carré vert. Autre différence, des mi-temps de 7 à 10 minutes, avec une pause entre les deux de seulement 1 à 2 minutes. Le jeu sera donc beaucoup plus athlétique avec la multiplication de sprints « longs », entrecoupés de peu de temps de récupération. Par ailleurs, les compétitions se dérouleront sur une à deux journées avec le plus souvent une poule, puis des matchs à élimination jusqu’à la finale ou pour établir un classement. L’effort sera donc d’une part très intense en match et les joueurs devront d’autre part posséder une grande capacité à encaisser la multiplication des matchs. Cela demandera donc une condition physique optimale. Cela tombe assez bien, les tournois s’enchaineront moins que dans d’autres sports co’ avec par exemple des pauses de 5 semaines entre les tournois du World Series ou une période « creuse » de 10-12 semaines avant les JO de Rio. Le préparateur physique aura donc de vraies fenêtres pour développer les qualités physiques de ses joueurs et placer des périodes d’affûtage et parfois même individualiser leurs durées.

Quels résultats ? 10 joueurs de l’équipe de France Olympique de rugby à 7 ont pris part à l’étude. Pour être au plus proche de la préparation « classique » liée au calendrier de compétition, un programme d’entraînement de 4 semaines était réalisé. Puis la charge d’entraînement était réduite par une baisse du volume de 30% durant 3 semaines. 3 types de tests étaient réalisés :

  • Un sprint sur 30 m (sprint)
  • Un exercice de musculation (peak force)
  • Une succession de sprints répétés (Mean PO).

 

Voici les résultats des tests :

aubry test

Quels résultats en tirer ?

  • Les performances en sprint, en répétition de sprints et en force maximale sont sensibles à l’affûtage chez le joueur de rugby à 7.
  • Un affûtage de 7 à 14 jours semble optimal, même si une minorité de joueurs pouvait encore bénéficier des gains de l’affûtage après 21 jours.
  • La performance en sprint déclinait plus rapidement que celle réalisée en musculation ou dans l’exécution des répétitions de sprints.

Comment interpréter ces résultats ? Tout d’abord ces résultats viennent légitimer l’intérêt de l’affûtage dans un sport co’ comme le rugby à 7. En cas de fort objectif, il sera donc primordial comme le ferait un coureur de demi-fond de diminuer sa charge d’entraînement, afin de tirer tous les bénéfices de l’entraînement mené en amont. Ces gains seront d’environ 7% sur les mesures de sprints, ENORME ! Il faudra également retenir que 2 semaines seront optimales, mais que 20% de sportifs connaitront tout de même leur pic en 3ème semaine d’affûtage. Donc s’il l’est possible, il sera nécessaire d’individualiser la durée de l’affûtage.

Ces résultats viennent donc appuyer l’intérêt pour le joueur de sport co’ de faire varier sa charge d’entraînement en fonction des objectifs qui lui seront fixés, afin d’être au top de sa forme dans les grands matchs.

 

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