Mieux respirer pour mieux performer ?

La respiration est l’acte automatique qui permet l’entrée de l’air, et donc de l’oxygène, dans le corps humain. Existe-t-il une technique respiratoire qui permette d’améliorer l’oxygénation cellulaire avec comme finalité une amélioration de la performance via une comburation accrue des substrats énergétiques ? La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît et nous nous y pencherons par le biais de 2 articles.

Naturel mais facilement contrarié

 

L’acte de respiration (inspiration-expiration) étant automatique, nous y prêtons finalement rarement attention. Pourtant, en situation de stress (compétition, travail …), la difficulté à respirer est l’un des premiers symptômes qui conduit parfois au sentiment d’oppression, et nous fait prendre conscience de la force vitale liée à cet acte simple.

D’un point de vue physiologique, la respiration est capitale car elle apporte l’oxygène à nos poumons puis à tout notre organisme via la circulation sanguine. In fine, cet oxygène va dégrader les substrats énergétiques (glucides, lipides) au sein de nos cellules musculaires pour fournir l’énergie du mouvement. La respiration est également la seule fonction régulée par le système nerveux autonome sur laquelle on peut agir.

D’un point de vue psychologique, la relation respiration-psychisme est bilatérale : le psychisme influence la respiration (le cas du stress est flagrant), et la respiration influence le psychisme. Ainsi, toutes les techniques de yoga, relaxation, sophrologie, méditation… se basent sur des techniques respiratoires. Au repos, la maîtrise d’une ou de plusieurs techniques respiratoires (respirations abdominale et thoracique) permet d’apaiser les tensions physiques et psychiques et de reprendre le contrôle de soi.

 

Soyez cohérents

 

Lors d’un précédent article consacré à la variabilité de la fréquence cardiaque, nous avions évoqué la notion de cohérence cardiaque (ou arythmie sinusale respiratoire), un état dans lequel les systèmes nerveux sympathique et parasympathique fonctionnent en équilibre, où l’accélération et le ralentissement sont parfaitement équilibrés, et dans lequel la variabilité est maximale.  Cette cohérence s’obtient à un rythme respiratoire de 6 cycles par minute, soit une inspiration-expiration toutes les 10 secondes, ce qui nécessite un entraînement car la fréquence respiratoire naturelle est variable selon les individus, et se situe en moyenne autour des 9 cycles par minute. A 0.1 Hz, soit 6 cycles par minute, se produit l’effet Vaschillo, la mise en résonance des variations dues à la respiration (hautes fréquences) avec les variations dues à l’activité baroréflexe (basses fréquences). Cet état de cohérence cardiaque est recherché pour traiter les troubles psychosomatiques liés au stress au travail, mais aussi pour aider les sportifs à faire face aux stresseurs compétitifs.

 

 

Avoir du nez

 

En lisant cet article, consacrez quelques secondes à l’introspection. Comment êtes-vous en train de respirer ? Par le nez, par la bouche, régulièrement, avec des apnées respiratoires ? Il y a fort à parier que la majorité d’entre vous laisse faire dame nature puisque l’acte respiratoire est automatique. Pourtant, il y a tant à gagner à prendre conscience de sa respiration, à la développer, à imaginer le trajet de l’air dans l’organisme. Tout d’abord, intéressons-nous à l’inspiration, et toujours au repos. La bouche semble être la porte d’entrée idéale vers les poumons. Pourtant, c’est l’inspiration par le nez qu’il faut privilégier, et cela pour plusieurs raisons : le conduit nasal est tortueux, ce qui permet à l’air de se réchauffer et de s’humidifier ; les poils à l’intérieur du nez purifient l’air en retenant les poussières ; la muqueuse nasale secrète une enzyme antibactérienne. Une longue inspiration par le nez favorise également la respiration abdominale. Le ventre se gonfle, le thorax augmente de volume, le diaphragme se contracte et s’abaisse. A l’expiration, longue et progressive, le diaphragme se relâche et remonte doucement, le thorax reprend sa position initiale.

Au repos, la démonstration est claire, la respiration est un acte automatique sur lequel il faut reprendre le contrôle pour améliorer son fonctionnement physiologique et psychique. Mais qu’en est-il à l’effort ? Faut-il conserver la maîtrise, doit-on toujours inspirer majoritairement par le nez ? Existe-t-il des temps respiratoires calqués sur la foulée ? Tentons d’y voir plus clair !

 

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Sur le net, pour la course, des multitudes de techniques respiratoires fleurissent et identifient la respiration comme un acte identique pour tous. « Inspirer sur une foulée et expirer sur 3 foulées » par exemple. Or la physiologie nous apprend le contraire.

Au-delà des différences interindividuelles, comment un individu pourrait-il conserver la même technique, donc un même apport en oxygène, quelle que soit sa vitesse de course ? En effet, les besoins en oxygène augmentent proportionnellement à l’intensité de l’effort. Si l’on examine la consommation d’oxygène (appelée VO2) par l’organisme, on constate que celle-ci n’est pas linéaire et qu’elle présente des points de rupture jusqu’à atteindre finalement un maximum appelé VO2 max (ou consommation maximale d’oxygène). Ces points de rupture sont les fameux seuils ventilatoires dont la détermination est essentielle pour l’entraînement comme pour la capacité de performance. A ce stade, il est primordial de faire un focus sur la physiologie de l’exercice pour montrer le lien entre fonction respiratoire et consommation d’oxygène avec comme question sous-jacente : la respiration est-elle un facteur limitant de la consommation d’oxygène, auquel cas le développement d’une technique paraîtrait indispensable ?

 

POINT PHYSIO 

La ventilation n’est pas régulée directement par les besoins en oxygène mais par la production musculaire de dioxyde de carbone (CO2) et par le pH de l’organisme. A l’effort maximal, le débit ventilatoire (quantité d’air expirée et inspirée par minute) peut dépasser les 200 litres par minute chez les experts alors qu’il stagne à 110-130 l/min chez les sédentaires. Dans les 2 cas, la ventilation augmente principalement sous l’effet de l’accroissement de la fréquence respiratoire (nombre d’inspirations-expirations par minute). Toutefois, la question à se poser est la suivante : quelle fonction atteint en premier son maximum et vient limiter l’autre : la fonction respiratoire ou la consommation d’oxygène ? Les tests d’effort nous donnent une réponse claire. Le premier seuil, dit d’adaptation ventilatoire, se situe entre 55 et 70% du VO2 max. Il est principalement dû à l’augmentation de la quantité d’acide lactique dans le plasma. A ce niveau d’intensité, le flux glycolytique dépasse les capacités phosphorylatives oxydatives du muscle. L’acide lactique n’est plus éliminé efficacement et il libère des ions H+ dans le plasma. Ces ions sont tamponnés par les ions bicarbonates pour donner de l’acide carbonique qui se dissocie ensuite en eau (H2O) et en dioxyde de carbone (CO2). Cette production de CO2 stimule les centres respiratoires, induisant une augmentation de la ventilation. Si l’intensité de l’exercice continue à augmenter, une deuxième cassure intervient. On parle de seuil d’inadaptation ventilatoire, correspondant à une production accrue d’acide lactique. Cette fois-ci, en plus du CO2 produit, les ions H+ viennent stimuler directement les centres respiratoires, ce qui augmente fortement la ventilation. Ce 2ème seuil témoigne de l’aptitude du sportif à utiliser un pourcentage élevé de VO2 max sans accumuler de lactates. Il est donc déterminant pour l’évaluation de la performance dans de nombreux sports à dominante aérobie, et tout spécialement dans la course à pied. Si l’intensité de l’exercice continue à augmenter, on atteint assez rapidement la consommation maximale d’oxygène et un débit ventilatoire correspondant. Chez l’athlète non pathologique, si on réalise une hyperventilation volontaire au repos, on démontre que le débit ventilatoire peut-être supérieur de plus de 30% à celui obtenu lors de l’effort maximal. Ainsi, la ventilation n’est pas un facteur limitant pour l’exercice musculaire, et donc pour la course à pied.

 

Débit ventilatoire atteint de 180l/min pour un VO2 max absolu de 4.32 l/min

 

 

La semaine prochaine, nous verrons les implications de ces données scientifiques sur l’adoption éventuelle d’une technique de respiration à l’effort.

 

3 réactions à cet article

  1. Bonjour Pascal, et merci pour ce nouvel article.
    En attendant la suite, je me permet de déjà te poser une question, même si ce point sera peut-être abordé cette semaine.
    Il existe sur le marché des accessoires vendus justement pour améliorer les capacités respiratoires du sportif, comme l’HYPOX par exemple. Quid de ces produits? Pur marketing ou réel intérêt pour le sportif?
    Merci et bonne semaine!

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  2. Bonjour kevin, j’avais répondu à cette question ici.
    http://www.lepape-info.com/equipement/les-masques-de-simulation-daltitude-utiles-ou-non/

    Cordialement

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