S’entraîner lentement (parfois)…pour être plus performant !

Peut-on voir nos performances en compétition s'améliorer en diminuant les intensités de ses efforts à l'entraînement ? Notre expert Anaël Aubry vous apporte ses explications précises.

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Le grand public avait l’image d’un Usain BOLT déroutant en compétition. Pourtant, ce qu’il nous a été permis de voir de ses prestations à l’entraînement montrait un tout autre visage, celui de la souffrance, des séances difficiles et à répéter plusieurs fois par jour. Il aimait d’ailleurs répéter cette phrase devant les caméras : « the work is behind the scenes, competition is the easy part », « le travail se déroule dans les coulisses, la compétition est la partie facile ». Les grandes marques ne s’y trompent pas, montrant nos champions dans la difficulté, suant jusqu’à n’en plus pouvoir. Le célèbre équipementier de la dernière star du demi-fond long Mo Farah marquetant sa souffrance au quotidien pour arriver à la victoire : https://www.youtube.com/watch?v=sWuwFPTN758.

 

Il n’y a pas de secret. Tous les athlètes performants à haut niveau présentent des prédispositions génétiques pour leur activité. Malgré cela, le talent ne suffira pas. Marc-Antoine Olivier et Aurélie Muller sont sacrés champions du monde d’eau libre cet été ? Ils sortent d’une longue et difficile préparation en Sierra Nevada, précédée par près d’un an de travail dans les bassins de Philippe Lucas. Vincent Luis gagne la grande finale mondiale ? Des semaines à travailler comme un ascète avec son groupe d’entraînement à Font-Romeu. Et cela suffit-il ? Non car évidemment ce sera l’aboutissement de longues années passées à s’astreindre aux exigences d’un entraînement régulier, plusieurs fois par jour, bien avant leur mise en lumière. Le haut niveau fait souvent rêver, mais comme Usain le dit le travail se fait dans les coulisses et il demandera une concentration de chaque jour où les heures d’entraînement s’empileront… Lever: entraînement, petit déjeuner , sieste/soins, entraînement, repas, sieste, entraînement, collation, soins, repas, coucher. Même si selon les «  équipes «   le déroulement de la journée différera, voici la  journée type du triathlète…toute l’année, toute sa carrière !

Pas si simple au quotidien.

NO PAIN NO GAIN ! Pourtant, le contenu des séances différera et le meilleur ne sera pas forcément celui qui aura réalisé les semaines les plus difficiles…Assez fréquemment nous pouvons constater d’importantes différences entre le niveau de performance et la charge globale d’intensité. Serait-ce alors une question de contenu(s) ? Pour beaucoup c’est entendu ! Chacun alors cherchera à défendre sa méthode qui pourrait transformer le plomb en or. Pourtant, il ne sera pas à l’abri l’année suivante de voir son athlète se fasse battre par un concurrent aux méthodes divergentes… Mince !  Il faudrait donc revoir la recette et appliquer la méthode du concurrent ? C’est évidemment excessivement plus complexe, puisque les paramètres seront très nombreux : technique, biomécanique, physiologie, psychologie, médecine, nutrition, génétique, etc., sans oublier la problématique de base : nous parlons d’humains et non de robots. L’individualité étant l’une des principales sources de questionnement. Ce qui fonctionnera parfaitement pour l’un ne le sera pas nécessairement pour l’autre.

Le plus simple pour bien s’entendre serait donc de quantifier les charges d’entraînement. Dans les manuels,  il nous est proposé la méthode « TRIMPS » (training impulses) que l’on obtient en multipliant la durée d’effort par son intensité. Assez logique puisque 1h de sortie vélo à basse intensité sera moins difficile que 10’ de fractionné à VMA… Mais, elle ne reflétera pas vraiment  le vécu de l’athlète qui, suivant sa formation,  n’encaissera pas la séance de la même façon. Des appareils plus précis comme les systèmes GPS, de puissance, la fréquence cardiaque (FC) ou la lactatémie tendront à affiner encore la quantification de la charge. Encore une fois, elles ne fourniront pas de renseignements sur la difficulté de l’effort ressentie par l’athlète et sur ses sensations du moment. Parfois, nous pouvons être très « facile »  à 150 battements par minute de FC, alors que d’autres fois ce sera un véritable calvaire. Pour sortir de cette impasse, certains spécialistes recommandent de relever en parallèle des variables dites psychométriques comme le fameux RPE (Rating of Perceived Exertion), à l’instar du Pr. Carl Foster de l’Université du Wisconsin. A la fin de chaque entraînement, il est demandé à l’athlète de quantifier la difficulté de l’effort ressenti sur l’ensemble de l’entraînement en lui attribuant une note allant de 0 (très facile) à 10 (très difficile).

A partir de ces données subjectives et objectives nous allons pouvoir définir 3 zones d’intensité. C’est assez simple, ce seront exactement les mêmes que celles que nous avions défini lors des tests d’effort : En quoi les tests réalisés par les athlètes élites peuvent-être utiles pour tous les niveaux de pratique ?

La zone 1 (Z1) va représenter une intensité de travail sous le premier seuil (SV1, seuil aérobie), soit un travail de faible intensité, très facile, où je ne serai pas au-dessus de ce fameux premier seuil où ma ventilation commence à s’accélérer. Ici, le passage au 1er seuil, le feu vert va passer à l’orange :

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La seconde zone (Z2) recouvre des intensités généralement définies par l’expression « sortie au seuil », « sortie au train ». Soit finalement grosso modo entre les deux seuils. L’allure est difficile, mais supportable, je peux facilement changer d’allure. Nous sommes en plein dans l’orange. Je passe dans l’orange foncé, le second seuil (SV2, seuil anaérobie) :

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La zone 3 (Z3) s’applique uniquement aux efforts intenses. Nous avons bien passé le second seuil, nous sommes finalement sur les efforts autour de la VMA :

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Comment choisir la part de chaque zone dans mon entraînement ? Nous pourrions essayer de répondre à cette question de façon scientifique en analysant les parts respectives des différentes filières métaboliques et l’effet d’amélioration apporté par chacune de ces trois zones. Mais il y a beaucoup plus simple et surtout beaucoup plus censé. Il faut aller voir comment font les meilleurs ! On oublie trop souvent que les entraîneurs experts ont forgé leurs expériences par la méthode dite des essais et des erreurs, ce qui leur a permis d’établir leur recette du succès et qui pourrait donc nous renseigner sur une base à suivre. Par chance, certains chercheurs ont pu investiguer ces méthodes d’experts pour en faire ressortir des explications et pas seulement des descriptions.

Les Néo-Zélandais furent les premiers à ouvrir leurs carnets. En 1991, un groupe de physiologistes et d’entraîneurs révéla ainsi les caractéristiques de l’entraînement de 13 coureurs de haut niveau, dont les distances de compétition allaient du 1500m au marathon. L’enregistrement de leurs FC permettait de connaître la répartition de leurs zones d’entraînement. De façon surprenante, on découvrit que ces athlètes passaient 77% de leur durée totale d’entraînement en zone 1, 19% en zone 2 et seulement 3% en zone 3. Surprenant de s’entraîner autant à basse intensité. Quelques années plus tard, la chercheuse française Véronique Billat confirma ce constat d’un important travail foncier. Pour un panel d’athlètes Portugais et Français préparant les sélections aux JO de Sydney en 2000, elle mesura un travail sous la vitesse spécifique du marathon de 78% ! A l’inverse le temps en zone 2 n’était ici que de 4%, lorsque 18% était passé à des vitesses égales ou supérieures à celles du 10km. Puis, elle poursuivit ses investigations auprès de quelques-uns des meilleurs coureurs kényans sur 5000-10000m, avec ici 85% dans les deux premières zones et le reste en zone 3.   

Puis, l’exploration s’affina encore. Une équipe espagnole analysa un millier d’enregistrements de FC chez des coureurs de très bon niveau (VO2max > 70 ml.kg.min). La répartition était la suivante : 71% en Z1, 21% en Z2, pour 8% en Z3. Soit une moyenne des intensités d’entraînement autour de 64% de VO2max, une intensité très facile donc. Ensuite ces chercheurs de l’Université de Madrid réalisèrent des opérations de corrélation. D’un côté le temps d’entraînement passé en Z1, de l’autre les performances sur des cross courts (4 km) et long (10 km). Stupéfaction, les performances étaient positivement corrélées avec le temps passé à basse intensité. Traduction : plus les athlètes passaient de temps à s’entraîner à basse intensité plus ils performaient…même lorsque les courses impliquaient de hautes intensités.


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Le Professeur Stephen Seiler, sommité de la recherche dans les sports d’endurance, a sorti en 2004, une étude comme seuls les Scandinaves en sont capables. Il a collecté les contenus d’entraînement (carnets d’entraînement, questionnaires, tests d’efforts, bilans physiologiques, etc.) des rameurs norvégiens sélectionnés aux championnats du monde et/ou JO de 1970 à 2001. Différents résultats et analyses ressortirent de ce travail de fond. Premièrement, les rameurs avaient augmenté leur volume d’entraînement de 20% en moyenne. Mais cela résultait essentiellement d’une forte augmentation du travail sous le premier seuil, puisqu’à l’inverse le volume à haute intensité avait était réduit d’un tiers, tout comme celui supérieur aux vitesses associées à VMA. A l’inverse le travail à des intensités hautes mais plus faibles (fractionné entre 85 et 95% de VO2max) avait lui augmenté, tout comme le nombre de stages en altitude. Cela se traduisait par des performances en compétition améliorées, associées à une augmentation moyenne de 12% de VO2max et de 10% des performances lors de tests maximaux aérobies. Seiler concluait qu’il semble falloir accorder une large place au volume à faible intensité dans les sports d’endurance. Il en ressorti le terme « polarisé » aujourd’hui démocratisé pour désigner ce type d’entraînement. Il décide donc de répartir nos 3 zones en deux pôles primordiaux.

La majeure partie à des intensités modérées (Z1) et principalement à base de sorties longues. Les entraînements intensifs consistants à pousser majoritairement le moteur dans des plages d’efforts relativement intenses (Z3), pour finalement passer un temps moins conséquent sur les entraînements au seuil (Z2). En résumé, il conseille d’alterner entre des séances « cools » et des séances « hard », saupoudrées de séance à moyenne intensité.

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Pour anticiper les commentaires sur ce graphique, les pourcentages avancés par Seiler étaient réalisés à partir du contenu d’entraînement de sportifs élites et de différentes disciplines. Il ne sera donc pas directement transposable à une pratique de niveau inférieure et différera suivant l’activité et les caractéristiques du sportif. Malgré tout, il vient nous apporter deux indications :

  • Le choix et la répartition des intensités d’entraînement.
  • Mais surtout que le progrès ne passera pas nécessairement par un travail toujours intensif. Mais qu’il sera une alternance entre séances très difficiles et des séances  beaucoup plus faciles, sans délaisser quelques séances de train qui auront également leur intérêt.

Seiler enfonça le clou avec une autre étude menée à nouveau sur des rameurs et pendant plusieurs années. Cette étude a porté sur des rameurs allemands au nombre de 36, tous internationaux, pendant la période précédant leurs championnats nationaux (en moyenne 37 semaines). 27 ayant déjà obtenu une médaille mondiale ou Olympique. A nouveau par l’intermédiaire de leurs enregistrements de FC, Seiler montra un très important temps de travail en Z1, ici de 95% !!! La part de travail en Z2 et Z3 étant en grande partie réalisée à l’approche de la compétition qualificative. Finalement, on s’aperçoit que presque tous les sportifs élites s’astreignent à de larges volumes d’entraînement à basse intensité. Cela semble visiblement un passage obligatoire.

De manière plus écologique, voici le volume d’entraînement de deux sportifs qui ont fait leurs preuves ces dernières années. D’un côté, Allistair Brownlee, titré lors des deux dernières campagnes Olympiques en triathlon.

Voici une semaine typique de sa fin de préparation hivernale :

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Pas de surprise, comme tout bon triathlète qui se respecte nous tournons autour des 35h/sem. Chose plus intéressante, en rouge les séances difficiles ne seront pas légions. Ici, 5 dans la semaine, auxquels il faudra ajouter deux musculations (S&C), soit finalement 7 séances « dures ». Les triathlètes de haut niveau en réaliseront 3 à 7 par semaine, suivant le moment de la préparation et les choix réalisés. Il y en aura finalement une par jour, pas plus et pas nécessairement tous les jours. Le reste du temps un très important volume dans les trois disciplines. Une semaine classique de triathlète de haut niveau, sera de 25-30km dans l’eau, 300-400 km à vélo et 110-130 km à pied. Pourtant, la part d’entraînement intense ne sera pas démesurée.

Mireia Belmonte, nageuse espagnole que l’on ne présente plus, 44 médailles internationales, 1ère nageuse espagnole titrée aux JO à Rio sur 400m 4 nages, elle, remportait de nouveau le même métal sur 200m papillon aux derniers mondiaux, tout comme l’argent sur 400m 4 nages et 1500m. Elle possède également 5 records du monde en petit bain du 200 m papillon (1’59’’61) au 1500m (15’19’’71). Sa palette est donc extrêmement large. Cela démontre de hautes qualités de vitesse (sa perf sur 200 papillon, ), magnifiées par une très forte base foncière (1500m, ≈90% aérobie). Avec son entraîneur Frédéric Vergnoux, ils ont fait le choix d’un fort volume d’entraînement, voici le résumé en kilomètres passées dans l’eau de ses semaines de préparation (à noter que chez eux également le travail de renforcement musculaire et de vitesse en dehors de l’eau aura une très large place) :

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Pourtant, comme on le voit, Mireia est également performante sur de « courtes » distances… Qu’il faille faire du volume pour une épreuve de 2h, soit ! Pour une de 15’ déjà plus difficile à comprendre, mais si celle-ci est à 90% permise par la filière aérobie, pourquoi pas…Mais un effort de 2 minutes !

La science peut-elle nous amener du grain à moudre ? Une étude a mesuré les caractéristiques physiologiques et d’entraînement de skieurs de fond spécialistes d’épreuves de sprint sur 1000 m et 1500 mètres (3-4’ d’effort). Elle distinguait un groupe de haut niveau et un autre de niveau international. Les résultats mirent en évidence que les plus performants se caractérisaient par un entraînement foncier nettement plus important, soit 445h contre 341 pendant 6 mois. En revanche, aucune différence sur le temps passé dans les autres zones (19h en Z3). Toutes les études semblent donc aller dans le même sens. L’essentiel de l’entraînement des champions se déroule à des intensités bien plus faibles que celles qu’ils rencontrent en compétition. Nous sommes donc loin du slogan marketing vers un travail spécifique permanent et continu.

Si les arguments scientifiques avancés jusqu’ici soulignent le bénéfice du travail foncier, il s’agit toutefois de prendre du recul. Prenons un triathlète qui réaliserait le matin une sortie vélo de 3h sans trop de variations d’allures avec ses partenaires, puis en soirée un traditionnel 10×400m sur la piste d’athlétisme. Le temps passé dans les intensités serait donc relativement faible, « environ 15 min », soit 5-7% de son temps global d’entraînement. Pourtant le soir venu l’athlète aura l’impression de s’être bien donné et d’avoir réalisé une belle journée d’entraînement. Il serait donc réducteur de s’en tenir à  un simple pourcentage de façon brute. Ces études semblent montrer que le travail foncier est essentiel à la progression.

Mais, une fois ce constat réalisé, il va falloir se demander quelle dose de travail en Z2 et Z3 permettra de maximiser les adaptations physiologiques. Visiblement, à haut niveau celles-ci ne doivent pas excéder 15-25% du temps total d’entraînement, ce qui est déjà important si l’on reprend la journée de notre triathlète. Pour monter le curseur, il aurait fallu qu’il tire de gros relais sur le vélo (30 à 45’ au minimum au seuil), ce qui aurait eu une incidence sur son état de fatigue et donc sur la bonne tenue de ses charges d’entraînement au fil des jours.

Il va donc être important de passer des méthodes scientifiques descriptives à des méthodes plus expérimentales de manipulation de la charge d’entraînement. En 2007, l’équipe du célèbre Professeur Alejandro Lucia a réalisé une expérience avec  des coureurs de niveau national (VMA : 21.5 km/h) qu’il a divisé en 2 groupes. Le volume de travail était le même pour les deux groupes. Le temps en Z3 était également le même (8%). Finalement il ne manipulait que le temps en Z1 (81% Vs 67%) et Z2 (11% Vs 25%). De façon intéressante le groupe bénéficiant de la charge globale la moins difficile (81/11/8) démontra une bien meilleure progression lors d’une épreuve de 10.4 km et d’un test d’effort vis-à-vis du second groupe qui passa plus temps au seuil (67/25/8).

Ce résultat fût plus récemment confirmé par Steve Ingham en charge de l’équipe de recherche de l’English Institute of Sport » qui a accompagné les athlètes britanniques lors des trois dernières olympiades. Pendant 2 saisons,  il a suivi un coureur de haut niveau spécialiste du 1500m (record personnel à 3’39’’ au départ). L’entraînement était basé sur un fort volume à basse intensité et un important travail à haute intensité, avec finalement assez peu de travail intermédiaire. Mais, l’athlète s’avéra trop joueur sur les sorties longues et footings et passa finalement énormément de temps dans la zone orange ! Il lui était donc demandé la seconde saison de rester plus tranquille sur les sorties foncière, mais à l’inverse de beaucoup plus s’impliquer sur les séances à très haute intensité, où il manquait de jus la première saison. Son temps de travail au-dessus des vitesses associées à 120% de VO2max était par exemple passé de 4 à 8%. Je vous laisse imaginer la violence de ce type de séance, tout en les doublant ! Pourtant la moyenne de son kilométrage hebdomadaire ne variait pas, passant de 111.8 km à 114.2 km sur l’ensemble de la saison.

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L’athlète porta son record à 3’32 l’année des JO de Londres. Sensationnel ! De façon intéressante, il réalisa 3 tests d’effort par saison, qui nous renseignent sur son évolution physiologique. Premier élément sa vitesse au premier seuil était augmentée de 2 km/h (16 Vs 18). Pourtant, il n’avait pas spécialement travaillé cette qualité, bien au contraire, puisque passant l’essentiel de son temps en-dessous. La vitesse associée à VO2max était elle augmentée de 20.4 à 23.1 km/h !! Tout comme la taille de son moteur, VO2max passant de 70.5 à 78.5 ml/kg/min. Nous sommes typiquement face à un athlète qui a tiré les extrêmes. La base, comme la pointe. Nous aimons prendre l’exemple d’une pyramide. Plus vous renforcer les fondations plus elle sera haute. Plus vous augmentez son toit, plus sa taille continuera à grandir. Il est en revanche plus compliqué de modifier le cœur de cette pyramide. Il semble donc qu’il faille se forger un solide socle de travail qu’il faudra entretenir et saupoudrer régulièrement de travail très intensif qui mènera à de fortes adaptations.

Nous avons donc particulièrement apprécié il y a quelques jours le tweet du grand miler Nick Willis. Mais, surtout de voir, l’important kilométrage pour une période de reprise et sur une distance qui au premier coup d’œil ne demanderait pas tant de volume (record 3’29’’66). Oui, mais ce serait également oublier que le 1500m devient à plus de 80% aérobie passé les 30 premières secondes d’effort et qu’il faudra donc que ce système soit efficace.  

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Mais à l’inverse que ce se passerait-il si nous faisions le choix inverse vers une forte part de travail intense ? Le Professeur Bangsbo de l’Université de Copenhague, célèbre pour ses travaux sur le travail intermittent et pour son implication auprès de nombreuses grandes équipes de football professionnel avait testé l’effet d’une réduction du volume d’entraînement de coureurs entraînés. Ceux-ci passaient de 45 à 15 kilomètres en ne réalisant que des séances de fractionné à haute intensité. Cela s’avéra un un véritable fiasco lors de la compétition sur 10 km. Pourtant, les semaines n’avaient pas été plus faciles à passer, bien au contraire. Un an plus tôt, cette fois-ci en Allemagne un groupe de nageurs devait réaliser un mois d’entraînement soit avec un fort volume facile, soit avec une forte dominante d’intensité… Aucune modification des perf sur 100 et 400m

Finalement il semble ressortir qu’il semble nécessaire d’alterner des séances « faciles » et avec des séances « dures » et ce qu’elle que soit le niveau. Evidemment, la part de foncier augmentera avec le niveau d’expertise du sportif (temps alloué couplé à la capacité à encaisser la charge d’entraînement) et inversement pour celle de l’intensité. Mais il faut retenir qu’il n’est pas nécessaire de monter dans les rapports à chaque entraînement. Qu’il faudra alterner ces séances difficiles source de forts progrès avec d’autres beaucoup plus faciles. Et que même à basse intensité où l’on a l’impression de ne pas faire grand-chose, le moteur tourne et amènera des adaptations indispensables.

En effet, cette alternance sera très utile car ces différentes filières sont parfaitement complémentaires et auront un impact sur différents gènes utiles à la performance en endurance : biogénèse mitochondriale (transformation de l’O2 en énergie), capillarisation (autoroutes sanguins permettant le transport de l’O2), augmentation de l’activité oxydative (transformation des nutriments « glucides – lipides » en énergie. La Z1 va par exemple permettre d’améliorer la capacité de notre organisme à produire de l’énergie à partir de l’oxydation des graisses et des sucres. Elle engendrera par ailleurs, une augmentation du nombre de mitochondries, véritables petites usines de production d’énergie, dans la cellule musculaire. Auquel il faudra ajouter un développement du réseau capillaire, ces micro-vaisseaux sanguins apportant l’oxygène nécessaire au système musculaire. Plus ils sont nombreux, meilleure sera l’oxygénation musculaire ! Et une augmentation du taux de myoglobine musculaire : cette protéine, qui transporte l’oxygène au sein du muscle. Plus elle est présente en quantité, plus l’oxygène arrive massivement au muscle. Par ailleurs, solliciter son cœur de manière longue et régulière, le rendra plus fort et efficace, vous deviendrez donc plus économiques.

Elle aura également un rôle primordial puisqu’elle permettra de limiter le niveau de fatigue induit par l’entraînement. Donc en augmentant son volume à basse intensité…on augmente sa capacité à supporter la charge = GENIAL ! On comprend mieux l’importance du travail foncier quel que soit la discipline. D’ailleurs les grandes entreprises ne se sont pas fait prier pour s’emparer de l’idée en faisant faire du sport à leurs employés. Car la charge n’est pas que sportive, elle peut également être mentale et répondra aux mêmes stratégies. Ce type d’entraînement renforce le système nerveux autonome qui nous aide à encaisser nos rudes journées sur le long terme. La Zone 3 bien qu’hyper sollicitante est à l’inverse source de fatigue, mais reste indispensable pour les différents phénomènes d’adaptation qu’elle pourra engendrer. A l’inverse, la Z2 aurait moins d’intérêts physiologiques forts.

Sur le terrain, nous savons également que travailler à basse intensité permet d’améliorer l’efficacité du geste, même à des vitesses inférieures à celles de course. De plus, le travail auprès du haut niveau nous montre que malgré ces très forts volumes, la charge globale sera beaucoup mieux encaissée. Ces entraînements à basse intensité pourront donc permettre de façon inverse de maximiser le travail à haute intensité et ainsi d’aller chercher les quelques secondes en moins par séries qui la rendront plus qualitative et donc source de plus grandes adaptations à l’entraînement et donc de PROGRESSION !

En tous les cas ces constats battent en brèche cette idée que le progrès passera nécessairement exclusivement par la qualité. Oui la qualité permettra de rapidement progresser, mais la stagnation sera ensuite très vite visible et le seul levier sera d’en rajouter encore, au risque de se blesser ou d’engendrer une trop importante fatigue. Par ailleurs, ce serait oublier que tout s’imbrique et que dans nos disciplines (de 1 minute 30 à plusieurs heures d’effort), les meilleurs athlètes seront toujours les plus complets et qu’un point faible empêchera toujours les points forts de s’exprimer complètement, aussi bons soient-ils. N’ayez donc aucun scrupules à réaliser des entraînements pépères, ils serviront à faire de vous de meilleurs sportifs et en plus vous permettront de sortir de meilleures séances de hautes intensités. Vous serez donc gagnant sur tous les tableaux. Petit bonus, le travail à basse intensité favorise un sommeil de qualité, ce sera donc un atout de plus à sa mise en place entre vos séances club au « carton ».

Pour suivre l’actualité d’Anaël AUBRY sur Twitter : @AUBRYANAEL et Facebook : http://facebook.com/Anael.AUBRY.Sport.scientist

 

 

 

 

 

 

 

15 réactions à cet article

  1. Pour exemple, Fred Belaubre passait près de 92% de son entraînement en-dessous ou au seuil anareobie et 22 à 25% entre le seuil aerobie et anaérobie

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    • Hello Patrick,

      Evidemment tu sais que nous nous rejoignons relativement sur ses sujets 😉

      A très vite.

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  2. que dire d’une corrélation avec l’âge ?

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  3. Excellent article.

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  4. Article complet et très intéressant. Trop de monde s’entraîne en quasi permanence en z2 et abuse des séances de VMA franco-francaise.

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  5. Bien des conneries. Lire des articles populaires des années 1960 qui prônait le LSD ( long slow distance) méthodes qui n’ont JAMAIS rien donné. Ne répétait pas des idioties du passé en pensant avoir trouvé le nirvana. Il n’y a pas moyen de devenir performant sans se faire tres mal et en courant proche du seuil une bonne partie du temps

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    • Bien au contraire, l’article est d’actualité aujourd’hui, et rejoint les méthodes actuelles des meilleurs entraineurs (daniel’s, salazar, canova, cottereau, hanson, et même plus anciens Lydiard) tout le monde se rejoint sur la proportion d’endurance fondamentale (75/80% du volume total). Dire que ça n’a jamais rien donné est complètement faux. Par contre certains entraineurs FFA de petits clubs de courses à la saucisse ont raconté des idioties aux gens en leur jurant de meilleurs perfs en courant moins de kilomètre mais plus vite.

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  6. Excellent article, qui résume l’état des connaissances. Je conseille la lecture des livres « the big book of endurance » et « run slower to go faster ».

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  7. J’ai presque tout lu et tout comprendu…
    en pleine préparation IronMan, je vais donc m’adapter et arrêter les séances type Z2 que j’aime bien 🙂
    sinon, depuis toujours, je suis adepte de la Z1.
    reste plus qu’a enfin essayer la Z3 en Nat, le plus dur en somme 🙂

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  8. Je suis d accord et je pratique deja cette methode sur une saison complete en akterne avec des reslutats interressants.

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  9. bonjour
    tres contradictoires ces articles, vous dites de s’entrainer le plus de temps en Z1 mais quand on lit l’article pour se preparer a faire un 5 kms a 14 km/h on doit faire des footings non pas a 75% de fcm mais a 12 km/h, c’est tout simplement une allure seuil tres dure a tenir, je ne comprend pas..

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  10. Bon, je ne dirai pas des « conneries » mais des choses bien floues qui ne démontrent strictement rien.

    Le plus drôle, c’est que l’article souhaite montrer que plus (+) on court lentement, plus on est performant mais que l’exemple le plus concret est celui du coureur de 1500 qui passe de 3’39 à 3’32 en , en, en, ….
    EN FAISANT PLUS DE HAUTES INTENSITÉS.

    M. l’auteur, vous avez loupé votre effet.

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    • Vous n’avez pas lu l’article en entier ou attentivement.

      C’est justement l’augmentation du volume à basse intensité et la diminution de celui fait aux allures intermédiaires qui permettent l’augmentation des intensités dans les allures intenses, laquelle influence les performances.

      On n’a pas à choisir entre travail en intensité et gros volume à faible intensité, ce sont les deux aspects d’un entrainement performant.
      Seuls certains cadres de la FFA croient encore à l’opposition du travail intensif et du gros volume à basse intensité et opposent « qualité » et « quantité », les deux axes nécessaires à l’amélioration des compétences..

      Depuis Lydiard, tout entraineur devrait savoir que la phase de travail sur les allures rapides fait progresser si elle est courte suit une grosse phase de volume à intensité plus basse. Seiler et les autres scientifiques qui ont analysé les relevés des entrainements des élites ne font que montrer que cette approche est plus pertinente que le débat faussé entre le fractionné comme unique source de progrès ou les long slow toujours et tout le temps.

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  11. Je veux vite préciser ce qui est vraiment flou et n’apporte rien.
    C’est quand l’auteur utilise des % pour quantifier un travail, par exemple en zone 1.
    Un %, c’est totalement relatif (relatif par rapport à quantité totale).

    Et si les résultats s’améliorent, ce n’est peut-être pas parce que le coureur a un pourcentage plus important en Z1 mais qu’il a simplement réduit la quantité en Z2 ou Z3. Et ces nouvelles quantités en Z2 et Z3 sont peut-être celles qui conviennent à ce coureur.

    Car oui, il n’y a pas que le % qui tienne.
    Il n’y a même pas de zone qui tienne.
    Ça, c’est du passé.

    Le présent et le futur, c’est :
    1) savoir quelles sont les allures de progrès
    2) Passer le JUSTE temps dans ces allures de progrès
    3) savoir récupérer au plus vite, d’une manière ou d’une autre de ces séances de progrès.

    Et là, les 2H sur marathon ne vont pas résister longtemps.

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  12. Bonjour,

    J’assimile la Z2 à l’allure 10km. Cette théorie de limitation du volume d’entraînement en Z2 suppose donc que le coureur va très peu habituer son organisme à courir à cette allure.
    Cela ne vous semble-t-il pas poser problème ?

    Merci

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