Renforcement musculaire & endurance : amis ou ennemis ?

Article écrit par Cyril Schmit

Alors qu’elle ravit les adeptes du muscle, elle effraie aussi beaucoup de sportifs d’endurance – dont vous, peut-être… La musculation reste engluée, en effet, dans ce « Culte du corps » qu’elle autorise certes, mais qu’elle ne vise pas exclusivement. Tout comme des séances de running à haute et basse intensité entraînent différents effets physiologiques, une pratique raisonnée de la musculation peut s’avérer propice pour les sports d’endurance. Voyons comment.

De prime abord, répondons à l’interrogation principale : la musculation détériore-t-elle la performance en endurance ? Cela dépend… Comme souvent dans les pratiques d’entraînement, en effet, les circonstances conditionnent le résultat. Si vous prenez 3kg de masse musculaire grâce à (ou « à cause de ») un programme de musculation, il y a peu de chances que vous vous en trouviez plus rapide sur un semi-marathon1.

Par contre, si vous devenez plus fort suite à ce programme (sans prise de masse exagérée), il y a de très fortes chances que votre performance s’en fasse ressentir et que vous répétiez la fructueuse méthode. 

 

Cette « méthode » implique quelques principes de base que nous allons souligner. Sous réserve de leur bon respect, la pratique de la musculation n’entraîne alors pas/peu de hausse du poids et ne détériore pas la performance en endurance – elle l’augmente même quasi-systématiquement. Étonnez-vous donc, sceptiques que vous soyez ! D’ailleurs, chose assez rare en sport pour être soulignée, cette amélioration vaut pour tous les sportifs quel que soit leur niveau de départ : débutant, initié, confirmé, expert, celui qui introduit raisonnablement le renforcement musculaire dans sa préparation en sort plus performant.

 

Pour nous fondre directement dans la séance : après échauffement, réalisez entre 4-6 séries de 4-6 répétitions avec une charge que vous n’êtes capable de supporter que 7-8 fois d’affilé2. Ceci garantit que c’est lourd, et c’est un bon repère pour ajuster la charge au fil de vos progrès. Misez toujours sur un mouvement de qualité (pour votre sécurité) et très intense dans sa réalisation ; c’est crucial pour une mobilisation neuro-musculaire maximale. Reposez-vous au moins 3’ entre les séries pour pouvoir repartir à bloc et aussi pour désengorger les muscles (ce qui mènerait à l’hypertrophie). Tout ceci favorise un travail en force.

 

La force maximale est, en effet, le mode de travail le plus efficace pour le sportif d’endurance3. En termes de mouvement, favorisez ceux qui mobilisent quadriceps, ischio-jambiers, fessiers, mollets. Voici quelques exemples à réaliser avec des charges après avoir automatisé la bonne posture et le bon trajet. À noter, il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser des charges pour créer une tension musculaire importante (ex : exercice n°1 pour les ischios, exercice n°2 réalisé sur une seule jambe pour les fessiers). Autrement dit, aller dans une salle n’est pas indispensable.

 

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Si l’on prend maintenant un peu de recul sur la séance, il faut retenir que le plus longtemps votre programme de renforcement sera adopté, le mieux vous vous en porterez. En effet, il existe une relation quasi-linéaire entre le nombre de séances de renforcement réalisées et les gains générés, de telle sorte que 8 semaines d’entraînement semblent un minimum et 24 semaines un optimum

 

Ces gains ont toutefois le vice de rester discrets : le sportif les sent dans la qualité de sa foulée plus légère, dans son confort ventilatoire car il dépense moins d’énergie à courir, dans la résistance de ses jambes à la fatigue des séances longues. À croire que la musculation rendrait presque heureux… Elle améliore en fait le coût énergétique de 2 à 8% (sans effet sur la VO2max). N’oublions pas aussi le facteur fréquence : 2 séances par semaine pour transformer les jambes en ressort (3 au max), 1 séance par semaine en phase de récupération.

 

Certains sportifs sont très ambitieux et s’adonnent à 2 séances d’entraînement sur la même journée (endurance + musculation). Si tel est le cas, il faut savoir qu’il existe des influences réciproques entre ces modes de travail et qu’alors, pour un sportif d’endurance, il sera préférable de réaliser le cardio avant la musculation. Cela permettra de préserver la qualité de la foulée et d’éviter la blessure, car la séance de musculation crée de la fatigue. Elle réduit les réserves d’énergie, fragilise les fibres musculaires, accroît les douleurs, ce qui n’est pas judicieux pour démarrer sa séance de running ou de cyclisme (a priori). De plus, contrairement à la course à pied, les mouvements de musculation ont l’avantage de pouvoir être réalisés sur place sans à-coup, ce qui augmente leur contrôlabilité et la sécurité quand on est fatigué.

 

Dans ce contexte, si l’on recense les points positifs du renforcement musculaire : réalisable rapidement (20’ à 45’), séance à la maison possible, pas/peu de prise de masse, amélioration du coût énergétique quasi-assuré, protège de la blessure. 

Peu de méthodes peuvent se vendre aussi bien… alors pourquoi y résister ?

 

 

1 Cette image du corps parfait, c’est celle encore diffusée par les médias au détriment d’une approche fonctionnelle centrée sur le muscle et ses ressources.

2 Si vous débutez ce type d’entraînement, il sera raisonnable de commencer avec moins lourd (50% du max) et plus de répétitions (10-12) de façon à maitriser le mouvement à réaliser sans vous mettre en danger. La récupération, elle, reste longue.

3 Il est aussi possible de travailler l’explosivité avec des charges plus légères à déplacer très rapidement, ou la pliométrie avec des enchaînements de mouvements.

 

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