Cardiofréquencemètre : intérêts et limites

Votre « partenaire » d’entraînement

Pourquoi utiliser un cardiofréquencemètre lors de vos entraînements ou en compétition ? Et quelles peuvent être les failles de cet outil technologique ? Découvrez les réponses du docteur Thierry Laporte, cardiologue, marathonien, et co-auteur du « Guide du cardiofréquencemètre ».

Un outil efficace pour l’entraînement

Un programme bien conduit entraîne une progression de la VO2max et de la VMA.

Ainsi si le programme d’entraînement est efficace pour une même valeur de la Fréquence Cardiaque (FC), votre vitesse de course sera supérieure.
Ceci à  condition de réaliser le test de comparaison dans les mêmes conditions environnementales et sur le même parcours ou piste. Il suffit donc de réaliser une séance d’une dizaine de minutes à intensité constante (par exemple zone de FC correspondant à 80% de la FCmax , en respectant une montée progressive dans cette zone sur les trois premières minutes, inutile de commencer à 80% de votre FCM…. au risque de fausser le test) et de noter votre vitesse et/ou votre temps de passage au tour de piste pour constater ou non vos progrès.

Un outil pratique pour déterminer les zones d’entraînement

Toutes les études montrent que l’entraînement ne modifie pas de façon significative les valeurs de FCmax à l’échelon individuel. Et comme la relation pourcentage de VO2max / pourcentage de FCmax reste identique au cours du temps, une même « zone de FC » représentera toujours le même pourcentage de FCmax, et donc toujours le même pourcentage de VO2max (qui, elle, évolue en valeur quantitative !).

En pratique, cette évidence permet, en réalisant les séances dans les mêmes zones de FC, de travailler toujours à la même intensité « aérobie », c’est-à-dire au même pourcentage de sa capacité aérobie maximale. Ce qui permet d’éviter d’avoir à réévaluer régulièrement la VMA par un test de terrain.

Des repères individuels

S’agissant d’un véritable coach individuel, une « calibration personnalisée » du « cardio » est indispensable avant toute pratique. Le futur adepte du cardiofréqencemètre doit au préalable pratiquer un test d’évaluation :

  • soit en laboratoire sur un ergomètre adapté au sport pratiqué, idéalement couplé à une mesure des échanges gazeux et au calcul des seuils ventilatoires.
  • soit en plein air lors d’un test de terrain pendant lequel il utilisera le cardiofréquencemètre pour le recueil des données.

Dans le cas d’un test complet en laboratoire avec détermination « directe »des seuils, 5 zones « métaboliques » sont programmées.
La première correspondant aux phases d’échauffement ou de récupération active.
La deuxième, dite d’endurance fondamentale, utilisée lors des sorties longues, débute environ 15 battements en dessous de la valeur de FC retrouvée au premier seuil, avec une plage d’utilisation de 10 /min.
La troisième correspond à la zone du premier seuil dénommée « endurance active » , la plage d’utilisation utilisée correspond à l’amplitude de variation de la FC entre le début du « palier » ou se produit ce seuil et la fin de celui –ci ,généralement une dizaine de battements /min.
La quatrième ou « résistance dure » correspond au deuxième seuil classique « seuil anaérobie » des sportifs. Là aussi, la plage d’utilisation est définie par l’amplitude d’accélération de la FC sur le palier qui déclenche ce seuil. Cette zone est utile pour des séances répétées en « fartlek long » sur des durées de 10 minutes.
La cinquième et dernière correspond à la VO2max et à la FCmax , celle-ci n’étant pas utilisée pour des raisons physiologiques expliquées plus loin. Seul la vitesse aérobie maximale (VAM) ou la puissance aérobie maximale (PAM), retrouvées lors du test, serviront de repères pour des séances en fractionné court.

Dans le cas d’un test de laboratoire « sans VO2 » ou d’un test « de terrain », les « seuils » seront extrapolés indirectement à partir d’un pourcentage de la FCmax réellement atteinte par le candidat en fin de test. Cette valeur est une donnée purement individuelle qui peut s’écarter nettement des valeurs déterminées par la formule classique « 220 moins l’âge ».
Cette dernière formule est à proscrire absolument à l’échelon individuel, car entachée d’un écart type (15 à 20 battements /min) trop important !

A partir de ces données il faudra tenir compte du niveau initial de condition physique et de préparation du sportif.
Pour un sujet déconditionné ou « débutant », le premier seuil sera « estimé » à 70-75% de la FCmax, et le second à 80%.
Pour un sujet déjà bien préparé il est possible de lui faire travailler son premier seuil entre 80 et 85% de sa FCmax et le second entre 90 et 95 % !

Connaître les limites et pièges d’utilisation du cardiofréquencemètre

  • L’inertie de la filière aérobie

Au début d’un effort, la mise en route du système de transport de l’oxygène de l’air ambiant (où il est prélevé) jusqu’aux muscles (où il est consommé), nécessite un certain délai incompressible. Pendant ce temps, l’apport énergétique est assuré par les autres filières énergétiques, dites anaérobies, et pour lesquelles on sait que la FC n’est pas un bon reflet. Ce n’est donc que lorsque la filière aérobie est opérationnelle que la FC reflètera l’intensité réelle de sa sollicitation.

Ce délai d’activation est d’autant plus long que l’effort réalisé est intense, il est compris entre 2 et 4 minutes. Ceci exclut l’utilisation d’un cardiofréquencemètre pour les séances très intenses et de durée brève (inférieures à 3 minutes), ce qui est par exemple le cas de toutes les séances réalisées à 100% de VO2max qui généralement sont de type « 30/30 » (30 s vite / 30 s lent), voire au maximum sur des 400 m.

  • La dérive cardiaque à l’effort prolongé

Il s’agit là d’une adaptation physiologique inéluctable lors d’un effort d’intensité stable et de durée supérieure à  30 minutes environ.
La principale cause se situe au niveau de la baisse du volume sanguin circulant, phénomène engendré d’une part par la mise en route de la thermorégulation (permettant de diminuer la chaleur interne dégagée par l’effort) et d’autre part par l’apparition d’une déshydratation (d’autant plus précoce et importante qu’il fait chaud et humide, et que le sujet ne se réhydrate pas suffisamment).

L’augmentation de la FC pour une même vitesse de course (« dérive vers le haut ») va compenser cette baisse du volume sanguin, ce qui permet de maintenir le même débit de la pompe cardiaque et donc un apport constant d’oxygène vers les muscles sollicités.

Une tolérance d’une dizaine de battements /min peut donc être acceptée et utilisée comparativement aux valeurs préétablies dans des conditions standards, car le pourcentage de FCmax restera le même. En effet, si elle était évaluée dans ces conditions « particulières » (déshydratation, chaleur), la FCmax serait certainement supérieure d’au moins 10 battements à celle retrouvée soit en laboratoire soit sur le terrain dans les conditions standards.

Cependant, si l’effort est de durée prolongée (généralement a partir de 90 min), il peut aussi se produire une réelle fatigue musculo-tendineuse (parfois aussi du muscle cardiaque). Cette fatigue peut provoquer une majoration du « cout énergétique »de l’effort (majoration du pourcentage de VO2max consommé), dont l’élévation de la FC sera un reflet précis. Ce phénomène doit inciter à ralentir un peu pour éviter de « travailler en sur-régime ».

Lors d’une séance ou en compétition, à l’échelon individuel, la part respective de l’une ou l’autre des deux causes décrites est difficile à vraiment évaluer ! En pratique, il faut donc « tolérer » une dérive, mais à condition qu’elle reste raisonnable. Une valeur de 10 battements semble pour tous correcte.

Thierry Laporte, cardiologue

Le « Guide du cardiofréquencemètre », par Thierry Laporte et François Carré, est disponible aux éditions Frison-Roche.

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