Les bâtons : Dois-je les utiliser ou pas ?

Si la problématique est résolue pour la grande majorité des traileurs experts, cela demeure une interrogation pour tous les débutants.
Faut-il prendre les bâtons lors d’un trail ? Est-ce une question de distance, de dénivelé, de technicité ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Nous avions traité ce sujet dans un précédent article en 2015, et nous allons y apporter quelques compléments.

https://www.lepape-info.com/entrainement/entrainement-running/entrainement-trail/batons-ou-pas-batons-comment-savoir-si-je-dois-les-prendre/

Traction et propulsion

Les bâtons sont majoritairement utilisés en trail à des fins de traction et de propulsion en montée (et parfois à plat), de freinage et d’équilibration en descente.

Ces actions permettent de soulager le travail des membres inférieurs (Foissac, Berthollet, Seux, Belli, & Millet, 2008) au détriment du coût énergétique puisqu’une plus grande masse musculaire est mise en action et que l’athlète doit porter un poids supplémentaire (Perrey & Fabre, 2008), même si ce poids est à présent négligeable.

Toutefois, aux vitesses de déplacement réduites en trail, ce poids additionnel et la demande supplémentaire en oxygène au niveau des membres supérieurs sont moins dommageables à la performance.

Ainsi, le choix des traileurs se porterait instinctivement sur la protection du capital musculaire au détriment de l’économie de course, afin d’optimiser la fraction F de O2max pouvant être soutenue sur la durée de l’épreuve.

Cela avait été très bien souligné par Guillaume Millet dès 2012. Pour lui, la performance en ultra-trail nécessite un compromis entre la préservation des membres inférieurs et l’économie de déplacement.

GI, gastrointestinal; NM, neuromuscular
Sacrificing economy to improve running performance—a reality in the ultramarathon? G. Y. Millet et al., JAP 2012

Notons toutefois que l’impact de l’utilisation des bâtons ne se mesure pas qu’en poids et en coût. C’est toute la biomécanique de la locomotion qui est modifiée.

En effet, si l’ascension sans bâtons nécessite une bonne utilisation du balancier des bras avec les coudes proches du tronc et les avant-bras qui restent fléchis et dans le sens du déplacement, la prise d’appui par les bâtons va mettre en jeu la co-contraction du grand dorsal et du grand pectoral pour tracter le corps vers l’avant. Le centre de masse se retrouve projeté en bas et en avant (en dehors du volume corporel), ce qui favorise la stabilité de l’individu.

Ainsi, la problématique de la course avec ou sans bâtons ne se limite pas au conflit coût énergétique-protection des membres inférieurs, mais intéresse bien toute la biomécanique de la locomotion. L’optimisation du rendement mécanique de la marche et de la course avec bâtons passe donc par un véritable apprentissage suivi d’un entraînement régulier.

Sur le terrain, le constat est clair : la très grande majorité des pratiquants évolue avec des bâtons. Pour autant, est-ce utile sur tout type de compétition ?

Cela dépend en fait du type de parcours et de votre vitesse de déplacement. Plus vous allez vite et moins les bâtons sont utiles. Idem si le parcours est très technique ou avec beaucoup de singles et que leur usage est complexe. Bien entendu, on peut les replier et les sortir sur les portions adéquates.

Par contre, en course longue de montagne, ils deviennent presque indispensables même s’il faut savoir s’en passer sur des épreuves comme le Grand Raid de la Réunion où ils sont interdits.

En 2019, le chercheur Nicola Giovanelli s’est intéressé à l’usage des bâtons dans les montées marchées. Pour rappel, la marche est le mode majeur de locomotion dans les longues montées, quel que soit son niveau d’expertise.

Sur différentes pentes (7 pentes de 10 à 39°), son équipe a comparé les dépenses énergétiques en marchant avec ou sans bâtons, ainsi que les fréquences et amplitudes de pas. Du point de vue biomécanique, on observe une légère modification avec une réduction de la fréquence et une augmentation de l’amplitude de pas.

Sur le plan énergétique, l’utilisation des bâtons devient plus intéressante sur les 3 pentes les plus raides. Par contre, il faut noter que le ressenti d’effort est plus faible avec les bâtons sur pratiquement toutes les pentes.

Les auteurs en concluent que l’utilisation des bâtons pourraient décaler la survenue de la fatigue lors d’un effort prolongé bien que les économies d’énergie soient faibles.

Do poles save energy during steep uphill walking ? – Nicola Giovanelli et al., European Journal of Applied Physiology  (2019)

Et nous, que pouvons-nous en conclure ?

Qu’il ne faut prendre les bâtons que si leur apprentissage est maîtrisé dans toutes les situations et qu’ils constituent un outil dont il est difficile de se passer dans la recherche de la performance et de la préservation du capital musculaire.

Réagissez