Natation : Il est temps de faire un point sur l’utilité du matériel

La pratique de la natation est sujette à de nombreux commentaires, un des adages les plus entendus est le très connu « les nageurs passent leur temps à compter les carreaux ».

La monotonie de l’entraînement en piscine est l’un des principaux freins à sa pratique. Pour autant, quelques moyens ludiques viennent contrer cette routine. Aujourd’hui, nous nous penchons sur l’utilisation du matériel en natation. Lorsque l’on observe bien les nageurs de compétition, on peut constater qu’aucun ne se sépare de son « filet », qui comporte tout un tas d’objets, parfois très étranges d’ailleurs. Or, l’utilisation de ce matériel fait parfois débat. Certains techniciens luttent contre leur utilisation car ils nuiraient à la didactique de l’apprentissage de la natation. D’autres y ont recours afin de travailler de manière différente et de renforcer certaines qualités, techniques ou musculaires notamment. Il est donc temps de faire un point sur l’utilité de ce matériel…

La planche :

La planche est sans doute le matériel de natation le plus utilisé sur la planète. Qui ne s’est jamais saisi de ce petit rectangle pour peaufiner ses jambes ? Du nageur de haut niveau au nageur de dimanche, la planche se retrouve un peu partout. Elle est très largement utilisée pour réaliser un effort uniquement centré sur les jambes. Certains l’utilisent pour récupérer tranquillement, avec la tête hors de l’eau. D’autres réalisent des séquences à très haute intensité pour augmenter leurs qualités musculaires des membres inférieures.

Les entraîneurs accordent une place plus ou moins grande au travail de jambes. Dans la littérature scientifique, l’usage seul des jambes permet d’atteindre environ 60 à 65% de la vitesse maximale d’un nageur en utilisant son corps en entier (Bucher et al., 1975). En revanche, il a été constaté et validé que les jambes, par leur volume musculaire important, sont plus coûteuses en énergie. Rodriguez et al. (2015) ont montré que lors d’un 100m maximal, la puissance anaérobie lactique était plus haute pour un 100m réalisé en jambes seules, que sur un 100m en nage complète ou nagé seulement sur les bras. Le volume d’O2 maximal quant à lui, était également plus conséquent pour le 100m réalisé en jambes plutôt que réalisé sur les bras.

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En résumé, l’isolation des mouvements de jambes implique un coût énergétique important pour une vitesse relativement faible. Toutefois, leur contribution reste importante pour la performance, en particulier sur les épreuves de sprint. Elles peuvent également être utilisées pour récupérer d’un effort violent. Elles facilitent la récupération en améliorant la circulation sanguine par le retour veineux.

Le pull buoy :

Ce fameux petit bout de mousse est bien connu des nageurs qui sollicitent majoritairement leurs bras pour avancer. Ce mot signifie en anglais « bouée pour tirer ». En fait, c’est une sorte de petite bouée placée entre les jambes, qui permet d’améliorer sa flottaison de quelques Newton. Son usage facilite donc un meilleur avancement par une diminution des résistances du corps dû au tangage du corps. La traction des bras pour se propulser est alors plus aisée.

En nageant uniquement à l’aide bras, les meilleurs nageurs arrivent à atteindre 90% de leur vitesse en nage complète sur des efforts maximaux. Sur des intensités plus faibles, la vitesse peut même être supérieure pour la nage avec pull buoy. En effet, les nageurs qui ne flottent pas très bien bénéficient d’un fort avantage en utilisant cet ustensile. Ils ont donc un meilleur rendement, un coût énergétique plus faible. Sur une certaine distance, ils sont donc capables d’aller plus vite avec un pull buoy. Nous estimons que l’utilisation d’un pull buoy peut permettre d’abaisser sa fréquence cardiaque d’environ 10 à 15 battements par minute, en comparaison avec la nage complète.

En résumé, le pull buoy est un bon moyen pour s’aider artificiellement à mieux nager, avec un effort moins important. En revanche, au niveau musculaire, aucune étude scientifique n’a encore prouvé que l’usage de pull buoy induisait une amélioration de la puissance.

Le recours aux palmes est également très connu sur les bords de bassin. Bien que la taille et la forme des palmes puissent varier de manière importante, leur usage est très fréquent dans les groupes d’entraînement. Beaucoup de nageurs en sont d’ailleurs friands. En général, les nageurs affectionnent les palmes pour nager encore plus vite sans pour autant fournir un effort très conséquent.

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Zamparo et al. (2002) ont montré que pour des vitesses comparables, l’usage de palmes permettait de réduire d’environ 40% son coût énergétique comparé à la nage complète. Aussi, pour une même intensité d’effort, l’usage de palmes induisait une augmentation de 0,2 mètres par secondes. Elles ont également une influence sur la façon de réaliser ses battements ou ses ondulations de jambes. Il a été estimé que la fréquence de battements diminuait de 40% avec palmes, associée à une diminution d’environ 10% de l’amplitude de battements. Ces diminutions sont bien évidemment expliquées par l’augmentation de la surface des pieds couverte par les palmes.

En résumé, il paraît opportun pour chacun, de trouver ses palmes idéales. Il est nécessaire de trouver le meilleur compromis (surface, rapport fréquence amplitude, etc…) pour aller le plus vite possible. Nous ajoutons que l’utilisation des palmes permet également de solliciter fortement les chevilles, qui représentent un facteur important de la propulsion des jambes en natation.

Les paddles :

Ce sont des plaques généralement en plastiques, qui sont attachées sur la paume de la main du nageur, afin d’assurer un bon contact et une bonne solidité. Elles peuvent être de tailles et de formes différentes. Bien entendu, plus la taille est grande, plus le niveau de difficulté est élevé. Communément, l’usage de paddles est réalisé dans le but de développer sa puissance musculaire dans l’eau. La surface de la paddle est plus grande que la main, cela entraîne donc une plus grande résistance qui doit être surpassée par le nageur.

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Gourgoulis et al. (2006) ont montré que cette surface plus grande entraînait une amélioration de la performance (notamment grâce à l’augmentation de la propulsion). Avec les paddles, le nombre de coups de bras diminue. Il est associé à une plus grande amplitude de nage et une baisse de la fréquence, mais la vitesse augmente. Au niveau physiologique, les niveau de lactatémie et de fatigue perçue semblent similaires avec le recours ou non de paddles, à toutes les intensités, sauf à intensité maximale. Lorsque l’exercice est sévère, les paddles induisent un effort moindre que sans ce matériel puisque nous observons des lactatémies et des niveaux de fatigue plus importants dans le groupe de nageurs sans paddles. Pour la fréquence cardiaque, Messinis et al. (2014) n’ont pas trouvé de différences significatives.

En définitive, nager avec des paddles implique de nager à une intensité moins soutenue que nager sans paddles. L’intensité demandée lors d’un entraînement doit donc être adaptée et ne peut se baser sur les mêmes références que pour une série sans paddles. L’utilisation des paddles pourrait empêcher la production totale de lactates lors d’efforts maximaux. Enfin, les paddles semblent utiles durant des efforts sous-maximaux, dans le but de réduire sa fréquence et augmenter son amplitude sans coût énergétique supplémentaire.

Le tuba :

Le tuba est sans doute le moins utilisé des matériels présentés dans cet article. Toutefois, son utilité n’en est pas des moindres. D’abord utilisé afin de pouvoir respirer tout en ayant la tête sous l’eau, il peut servir à d’autres aspects.

Pour la plupart des entraîneurs, le tuba sert d’abord à bien fixer sa tête. Il n’est plus obligé de respirer devant ou sur le côté pour inspirer de l’oxygène, puisque le tuba le permet. La tête, regard dirigé vers le bas, est alors fixe, l’alignement du corps est favorisé. Cette amélioration technique facilite un meilleur équilibre de nage, puisque la non respiration n’altère plus les mouvements du corps. Par exemple, beaucoup de nageurs arrivent à mettre en place un battement de jambes régulier, alors qu’ils n’y arrivent pas lorsqu’ils doivent respirer hors de l’eau. C’est aussi un bon moyen de se fournir un peu moins en oxygène pour améliorer sa capacité aérobie.

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Il est important de noter que la qualité du tuba est très importante pour l’utiliser de façon optimale. Il doit impérativement être frontal pour une meilleure tenue de la tête. Il doit également être suffisamment rigide pour ne pas se défaire lors de la culbute au mur. Enfin, il doit permettre de bien expirer tout en pouvant inspirer de l’air et non pas de l’eau.

En conclusion, nous avons vu que le matériel utilisé en natation ne sert pas qu’à une simple lutte contre la monotonie. Les vertus ludiques, pédagogiques mais aussi physiologiques et biomécaniques de ces outils favorisent l’efficacité de l’entraînement. Il reste d’autres matériels que nous aurions pu citer comme les élastiques de survitesse, le pince nez, les parachutes de résistance, etc… L’important semble que le nageur bénéficie d’une aide supplémentaire qui lui permette d’améliorer sa performance et/ou son plaisir de nager.

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