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Pourquoi faire de l’activité physique (AP) en situation de perte d’estime de soi, de confiance et d’apathie ? Ou plutôt… pourquoi pas ?
Avant même les médicaments, l’option automatique devrait effectivement être comportementale. Cela tombe bien car contre les symptômes dépressifs l’exercice a de bons arguments à faire valoir !

La dépression est l’une des plus grosses problématiques de santé actuelle. D’un point de vue économique, c’est la principale cause d’invalidité dans le monde, elle touche environ 322 millions de personnes et son traitement pourrait générer une économie de 230 milliards de $US d’ici 2030.

D’un point de vue santé, elle représente un facteur de risque de morbidité et de mortalité cardiovasculaires. Il ne s’agit clairement pas d’un phénomène anodin.

 

Bien que le rapport corps-esprit n’ait pas toujours été aussi soudé qu’aujourd’hui, l’idée d’un lien entre dépression et AP n’est pas récente. Il y a environ 400 ans déjà, le chercheur Robert Burton reconnaissait le manque d’exercice comme « le fléau du corps et de l’esprit … et la seule cause de la mélancolie ».

 

De nos jours, l’idée n’est pas moins soutenue puisque plus de 40 méta-analyses confirment les avantages de l’exercice comme thérapie contre la dépression, et ce plus particulièrement :

– chez les patients dépressifs

– chez les malades chroniques, manifestant peu à peu des symptômes dépressifs

– avec des effets allant de faibles à modérément importants

 

Malgré un tel constat – insuffisamment connu, il faut l’avouer – on ne sait toujours pas si le moindre risque de dépression est lié à la quantité de pratique ou au simple fait de pratiquer.

 

Pour répondre à cette question, 3 chercheurs (USA, Irlande) ont entrepris une très large revue de littérature en ciblant les études dans lesquelles :

les adultes n’étaient pas dépressifs au début de l’étude (diagnostic clinique)

le niveau d’activité physique était évalué dès le départ

il existait un suivi précis de l’adulte dès lors qu’un symptôme dépressif émergeait

 

À l’inverse, si une étude reportait l’utilisation d’antidépresseurs, que les symptômes se manifestaient dans le cadre d’une grossesse, que l’AP était noyée parmi d’autres interventions ou que les mesures de l’état dépressif étaient douteuses, alors elle était exclue de l’analyse.

 

À partir de cette démarche, 111 études portant sur plus de 3 millions de personnes ont finalement été retenues. À l’issue de l’analyse, les résultats convergeaient avec les attentes des chercheurs puisqu’ils révélaient une association entre un risque plus faible de dépression et :

  1. une pratique modérée/élevée d’AP (ex: une pratique au moins conforme aux recommandations de santé publique) ;
  2. la pratique croissante d’AP dans le temps (ou au moins son maintien sur des périodes longues par exemple supérieures à 10 ans)

 

Les résultats renforçaient donc le fait qu’il existe bien une association entre l’AP et la prévention de la dépression. Mais ce n’est pas tout. Ils soulignaient surtout que cette association a une dimension temporelle à considérer.

 

Que cela signifie-t-il ?

Tout d’abord, cela indique que l’AP offre une « protection » contre les symptômes dépressifs – on est donc ici dans une démarche préventive. En effet, le syndrome de dépression étant un continuum entre une fonction normale et une fonction pathologique, il serait possible de prévenir la dérive de l’individu le long de ce continuum par la pratique régulière d’AP – notamment chez les personnes qui oscillent spontanément vers des états dépressifs.

 

Par ailleurs, les résultats mettaient en évidence un rôle de « traitement » par l’AP pour les individus récemment touchés par des symptômes dépressifs. Ainsi, qu’il s’agisse d’une prédisposition à ces symptômes ou d’une manifestation nouvelle (ex : survenue d’un événement traumatisant), l’AP pourrait se positionner comme un outil pour endiguer l’installation de cet état dépressif et la dérive vers un état pathologique et/ou durable.

 

Ensuite, de façon importante, les résultats révélaient l’existence d’une relation de dose-réponse entre l’AP et les symptômes dépressifs. Autrement dit, les adultes pratiquant le plus (même au-delà des recommandations publiques) étaient les moins à même d’être touchés : « plus je pratique, mieux je me sens. »

Si cette information raisonne quand l’on pense à notre entourage propre, elle doit surtout inciter à dynamiser nos objectifs (ex: +5% à +10% de temps d’AP tous les mois) – les mécanismes impliqués pouvant être multiples : nouvelle fixation de but, sentiment de compétence accru, activation physiologique/hormonale, meilleure condition physique…

 

Enfin, il est bon de souligner que tous ces résultats positifs étaient évidents quels que soient la région du monde, l’âge et le genre de l’adulte, ou encore la durée de la période de suivi.

 

Avec tout ceci en tête, une question se pose alors : Et si finalement ce n’était pas l’inverse ?

Et si c’était plutôt la hausse des symptômes dépressifs qui entraînait une baisse d’AP ? On observerait alors les mêmes comportements, les mêmes résultats…

Il y a peu de chances que cela soit le cas dans la mesure où la méta-analyse discutée ici impliquait spécifiquement certains protocoles durant lesquels les symptômes dépressifs étaient relevés après une modification du niveau d’AP. En d’autres termes c’était bien l’AP qui entraînait un changement de l’état dépressif (en l’occurrence, une baisse de cet état), et non l’inverse.

 

Les preuves cumulées soutiennent donc l’idée que l’AP est précieuse contre les symptômes dépressifs. Des preuves qui commencent donc à devenir suffisantes pour pouvoir encourager des recommandations plus précises en matière d’AP dans la prévention de la dépression chez les adultes, à commencer par le fait que « l’AP modérée à vigoureuse est associée à des risques plus faibles que l’AP légère. »

 

Source : Dishman, McDowell & Herring BJSM, Jan. 2021

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