Course à pied : pensez à votre cœur pour bien vieillir

Quelles limites pour protéger sa santé ?

Au-delà des bienfaits de l'activité physique pour la santé, doit-on s'imposer des limites pour ne pas tomber dans une pratique "à risques" pour son coeur ? Yannick Guillodo, médecin du sport, répond aux questions que se posent - ou devraient se poser - bon nombre de coureurs.

coeur

Nous avons vu dans l’article « Coureurs : pensez à vos articulations pour bien vieillir » que  le coureur à pied, âgé de plus de 45 ans, doit vérifier l’intégrité de ses articulations porteuses (hanche, genou, cheville). Ceci est encore plus vrai s’il court plus de 30 km par semaine depuis plusieurs années et s’il a souffert d’un traumatisme aigu dans sa jeunesse.

Deux éléments sont donc  importants, pour l’appareil locomoteur du coureur :

  • La notion d’âge : avant et après 45 ans.
  • La notion de seuil d’activité : quantité de sport à ne pas dépasser si l’on veut que le sport reste un médicament (30 km par semaine).

Ces limites s’appliquent-elles pour l’appareil cardio vasculaire ? La question est légitime puisque les appareils cardiovasculaire et locomoteur sont au centre de toute activité physique. Cœur et articulations du sportif : même combat ?

Notion d’âge (cœur et sport)

Par rapport à l’appareil locomoteur, la transition entre le jeune et le vieux sportif est, pour l’appareil cardio vasculaire, plus précoce. En effet, on estime cette transition à 35 ans pour les hommes et 45 ans pour les femmes. Au-delà de cette limite, l’athérome (plaque qui bouche l’artère) est le danger à dépister.

Souvent, le sportif pense que sa pratique physique le « vaccine » contre toute maladie. Il est vrai que la communication faite, depuis de nombreuses années par les médecins du sport,  sur la lutte contre la sédentarité et le sport santé,  va dans le sens de cette protection « salvatrice ».

Mais le sport reste une activité à risque notamment chez ce sportif de plus de 35 ans qui peut développer une pathologie coronarienne (plaque d’athérome sur les artères du cœur).  L’accident cardio vasculaire, telle la mort subite sur le terrain de sport,  révèle un « cardiaque » qui s’ignore, dans de nombreux cas. La prévention est indispensable d’autant que le coureur à pied, parfois, minimise les petits signes d’alerte livrés par le corps : douleur dans la poitrine, dyspnée (essoufflement), palpitations,  …

Passé 35 ans, il faut donc dépister une maladie coronarienne chez le sportif asymptomatique (c’est-à-dire qui ne se plaint de rien). Ceci est encore plus vrai pour le sportif symptomatique (toutes manifestations anormales d’effort), pour le sportif ayant des facteurs de risque (tabac, bilan lipidique anormal, hypertension artérielle, antécédents familiaux coronariens …) et pour le sportif qui veut poursuivre des entraînements poussés et participer à des compétitions exigeantes.

Malgré les apports récents de nouveaux examens complémentaires (scintigraphie cardiaque, Pet Scan, …), l’épreuve d’effort cardiologique, faite par un cardiologue dans un milieu médical sécurisé, reste l’examen incontournable pour détecter une maladie des coronaires. Malheureusement, dépister n’est pas toujours éviter. Il existe des limites à tout examen médical. Comme l’explique l’article sur les crampes musculaires (lire « comprendre les crampes musculaires d’effort »), la machine humaine,  à l’effort, est physiologiquement complexe mais le sportif, dans les efforts extrêmes, peut devenir « scientifiquement inexplicable».

En conclusion, la mort subite du sportif est une réalité, la prévention s’impose. L’épreuve d’effort  cardiologique doit être la règle chez le coureur à pied de plus de 35 ans. En pratique courante, en France, on attend souvent 40 ans pour faire cette première épreuve d’effort. Cet examen doit être refait tous les 3 ans chez un coureur qui reste asymptomatique mais systématiquement au moindre signe anormal, lors de la pratique sportive (baisse inexpliquée des performances, fatigue importante, douleurs thoraciques, palpitations, malaise, …).

La notion de seuil d’activité

La pratique sportive régulière a montré tous ses bénéfices, en premier, sur les maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle, cholestérol, athéromatose, …). Inutile de revenir sur ces bienfaits connus de tous.

Donc faire du sport, c’est préserver son cœur mais est-ce vrai pour toutes intensités et/ou quantités ?

Outre le fait qu’un effort brutal et intensif peut déclencher une mort subite (voir plus haut), l’accumulation de sport, à un niveau élevé, peut-elle abîmer le cœur, accélérer le vieillissement cardiaque ? En d’autres termes, les effets bénéfiques d’une activité sportive régulière et modérée, sur l’appareil cardio-vasculaire, seraient-ils annulés par une pratique intensive et longue ?

Cette notion, avancée par certains médecins depuis de nombreuses années, manquait de preuve car les populations étudiées étaient restreintes. Or, depuis quelques années,  de nombreux sportifs amateurs s’adonnent à un entraînement digne du haut niveau des deux à trois décennies passées. Les populations de sportifs s’entraînant beaucoup et intensivement deviennent importantes. Ces cohortes permettent aux médecins d’observer des éléments troublants :

  • Des altérations du myocarde (muscle du cœur) existent, parfois, chez ces sportifs. Ces lésions peuvent entraîner des troubles du rythme  cardiaque. Ainsi, les anciens marathoniens ont plus de risque de faire, avec l’âge, une arythmie cardiaque que le sportif « du dimanche ».
  • Même sur la maladie athéromateuse, la pratique intensive du sport peut être un accélérateur. Le coureur à pied qui poursuit une activité intensive pendant de nombreuses années a plus de risques de boucher ses artères coronaires que le sédentaire ; un comble !

Quelle est cette limite entre la bonne quantité et la quantité à risque ?

Il semble qu’il ne faille pas dépasser 45 minutes de sport par jour. Au-delà, on peut entrer dans la zone à risque, possiblement délétère à long terme sur le cœur, sans certitude bien sûr.

Il reste difficile de conseiller précisément le coureur à pied sur la gestion quantitative et surtout qualitative de son entraînement hebdomadaire, mensuel, annuel … dans ce cadre de protection cardiaque. On pense que le cœur, comme tous muscles (voir l’article sur les muscles et les DOMS), subit des microlésions, à l’effort, qui nécessitent du repos et du temps pour les réparer. Dans le cas contraire, l’accumulation de ces microlésions d’effort entraîne de réelles lésions myocardiques,  source de problème cardiaque.

On voit bien, là, une similitude avec l’appareil locomoteur : le corps (cœur, articulations) se rappelle de tout, il « mémorise », sans rien dire, pendant plusieurs années, l’ensemble de ces contraintes (micro lésions cardiaques, micro traumatismes articulaires) jusqu’à un certain seuil  (barrière entre ce qui est bon et mauvais pour la santé).

Le coureur à pied, en bonne santé, qui s’entraîne beaucoup et intensément doit s’interroger sur  l’accélération possible :

  • du vieillissement cardiaque
  • du vieillissement articulaire

Conclusion

La barrière d’âge se situe aux alentours de 40 ans (35 ans pour l’athérome des coronaires et 45 ans pour les lésions arthrosiques des articulations). A partir de cet âge, un bilan médical sérieux (cardiaque et articulaire) s’impose pour le coureur à pied qui désire poursuivre une pratique intensive.

La barrière quantitative est de 30 km de course à pied par semaine entre 30 et 50 ans (« usure » des articulations) et de 45 minutes maximum de course intensive par jour (« usure » du cœur). Ces deux limites sont des connaissances récentes en médecine du sport et seront probablement affinées (ou contredites !) dans les mois et années à venir.

Il s’agit, donc,  de recommandations médicales, générales, pour la gestion à long terme de « sa carrière sportive ». Chaque coureur doit être informé et adapter, s’il le juge utile, sa pratique en fonction de son contexte personnel et de ses objectifs sportifs.

9 réactions à cet article

  1. C’est très instructif cet article. Je suis âgé de 61 ans et je pratique régulièrement la cap depuis 7 ans, environ 50 km par semaine. Jusqu’au début de cette année, je me sentais toujours bien physiquement. Je suis tombe malade en février (hépatite A) qui a dure 45 jours. J ai repris la cap en avril a raison de 30 à 50 km par semaine sans trop de difficultés jusqu »à ce début septembre où j’ai augmente le kilométrage 14 à 16 km par séance à raison de trois a cinq séances par semaine. J ai ressenti une fatigue et une douleur à hauteur du coeur: difficulté à l’inspiration. J ai réduit les séances et la durée des séances : la douleur et la fatigue ont disparues. Je me demande si je dois consulter un cardiologue ?

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    • Bonjour
      Il nous semble fort judicieux de consulter votre médecin puis d’aller voire un médecin du sport ou un cardiologue afin de faire un examen poussé afin de voir si vous êtes apte la pratique de la course à pied.
      Mieux vaut prendre quelques précautions
      cordialement

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  2. Bonjour, Tout à fait , il est impératif de consulter devant toute douleur à l’effort ( poitrine, bras ou gastrique), et notamment quand il y a des facteurs de risque ( dont l’âge , Hta , cholestérol Diabete , ….etc). Par ailleurs l’article est intéressant , j’ai malheureusement connu deux sportifs au delà de 50 ans qui ont eu des attaques cardiaques à l’effort durant l’activité sportive.

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  3. du calme , du calme ……
    Tant d’affirmation ..
    Cardiologue , médecin du Sport , traileur , 100 bornard et marathonien depuis ..pfui !!!
    je suis un peu au courant (pas de jeu de mot facile !!)
    Beaucoup d’informations tout a fait justes dans ce billet
    Efectivement , « le point » statistique d’évènement coronarien est de l’ordre de 40-45 ans ..
    Et donc un bilan légitime s’impose
    Mais ..la pratique du test a l’efort systématique , chez quelqu’un affranchi de toute symptomatologie est a prendre avec dicernement , disons , faute de mieux …
    L’élément principal reste encore une fois statistique , et une évaluation de l’ensemble des facteurs de risque , un sportif a pu un jour être un fumeur en surpoids !

    Concernant la « course a pied médicament  » !!!!!!!!! non …elle reste une activité dynamique humaine ancestrale , bénéfique et a recommander
    Les médicaments restent pour nos pauvres patients malades
    Quand a « limite » a ne pas depasser …foutaise …article très contreversé de 2013 d’une équipe néerlandaise qui disait tout l’inverse il y a quelques années
    Objectivement , y a t’il des hecatombes parmis les traileurs de l’ultra ???
    Non !
    C’est au contraire le coureur debuttant de 50 ans , se lançant un challenge sur marathon qui est le plus a risque …et paradoxalement a encourager !
    C’est nôtre mode de vie , notre sédentarité , notre surpoids et mal bouffe qui occupent nos lits aux soins intensifs !

    Très amicalement
    Laurent

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    • votre article m’a rassénéré car je suis un homme de 68 ans qui court une cinquantaine de kilomètres par semaine en 3 séances en forêt, avec le même parcours de 16 à 17 km et un gain d’altitude de 500 mètres… Et je n’ai pas de douleurs à la poitrine, seulement un peu aux jambes le lendemain de chaque sortie…Alors, en lisant certains articles, je me disais que j’étais un miraculé qui avait risqué la mort subite depuis une quinzaine d’années, date à laquelle j’ai recommencé à courir. Je ne cours pas vite, à 8 km/heures à peu près, et je fais cet entraînement spécifique pour recourir le col de Vence et le Mont Chauve à Nice l’année prochaine, comme je l’avais fait il y a dix ans… Et surtout, s’il m’arrive quelque chose de fâcheux, en courant, j’estime que j’aurai eu une belle vie grâce au sport, et personne ne m’empêchera de courir tant que je n’aurai ni essoufflement exagéré, ni douleurs dans la poitrine. Alors merci vraiment pour votre article.

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  4. Bonjour
    Un article intéressant et probablement assez juste bien que l’on puisse discuter les distances ou les temps critiques. J’ai 58a et je pratique la cap depuis plus de 30 ans (avant je courrais après un ballon!). Vers 45ans, je me suis mis au trail de manière de plus en plus soutenue. En accumulant activité professionnelle plus activité sportive intensive (40-50 km/sem), j’ai fait un gros accident cardiaque (trouble du rythme) sans aucun signe avant-coureur. Après cet accident sans aucune séquelle, j’ai eu droit à tous les examens possibles et aucun trouble notable détecté. J’ai donc très rapidement repris le sport progressivement (un besoin pour moi) et depuis 2 ans, j’ai réussi à convaincre mon cardio de me donner l’autorisation de refaire de la compétition après un test à l’effort probant. Pour le moment, tout va bien et je ne me sens pas fatigué même après un gros trail. Mon cardiologue me conseille de ralentir ainsi que quelques légers problèmes articulaires qui apparaissent , mais j’ai beaucoup de mal. Il est clair qu’un bon suivi s’impose même si ce n’est pas une garantie! Affaire à suivre.
    Bonne course…
    Philippe

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  5. Bonjour,
    Âgé de 64 ans, j’ai fait une coronarographie et le cardiologue m’a confirmé la présence de petites plaque ! Il m’a indiqué que pour tout coureur de plus de 60 ans, la F.C. à l’entrainement ne devrait jamais dépasser 135. Impossible de monter des côtes.
    Faut-il interdire systématiquement de prendre un dossard après 60 ans ?
    Merci pour vos réponses.
    Bien cordialement,
    François BERTHELOT

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  6. Moi jai 60ans, je pratique le sport depuis tout petit, je viens de reprendre la course a pied depuis peu, mes pulsations a l effort meme faible, etait anormales, je suis quelqun qui depasse sans fatigue et longtemps les 200! jai mis des chaussettes de contention, (tres mauvais retour veineux) et jai baisse’ mes pulsations de pres de 20%! (145.) avant 166, a 10 kmh, cest pour moi l endurance fondamentale, resultat je suis beaucoup moins fatigue’

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  7. pour ma part 59 ans 1.70 m 72 kg 35 pulsations repos , 175 max , 69 Vo2max , tension entre 10.7 et 11.7
    tout roule nikel , mon but 120 ans

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