Le 30/30, ça sert à quoi au juste ?

Le 30/30, un type de travail considéré depuis des années comme déterminant pour la progression du coureur à pied. Jean-Claude Vollmer expose son point de vue et remet en cause la valeur ajoutée de cette séance d'entraînement ! Attention, le débat est ouvert !

piste avec chrono

Le 30/30 (30 secondes courues à allure VMA puis 30 secondes de récupération) a été popularisé dans les années 2000 . Longtemps considérée comme la séance clé pour le travail de VO² max (et du développement de la VMA) , elle a été intégrée dans de nombreux programmes d’entraînement suite aux travaux de Billat qui ont montré que ce type de séance était particulièrement plus efficace car avec ce type de séance un coureur est capable de maintenir sa VO ² max plus longtemps. Ainsi un coureur peut rester à VO ² max de la 5 ème à la 18 ème minute d’effort, donc sur un temps 3 fois supérieur au temps qu’un coureur pourrait tenir au cours d’un travail à VMA en course continue.

La déclinaison des multiples avantages de cette forme d’entraînement a été très vite parée de toutes les vertus :

  • C’est moins dur que les séances classiques de développement à intervalles longs ( type Astrand 5 x 3s), 
  • On tient plus longtemps à VO² max, 
  • On produit moins d’acide lactique, 
  • La séance est moins stressante,
  • Elle est facile à réaliser, 
  • C’est plus ludique, 
  • On progresse plus vite

N’en jetez plus !

Une méthode avec de nombreuses contraintes
Observons d’abord les contraintes de mise en place d’une telle séance :

  • Première difficulté : il faut déterminer la bonne allure pour les 30 secondes d’effort donc connaître sa vitesse à VO² max (vvo²) ou à défaut sa VMA (sur quelle base de test est-elle établie ? ) puis déterminer la vitesse de ces temps d’effort : à 100% , à 102 % , à 105 % , à 110 %… ? En effet, de nombreuses études ont montré que l’allure efficace pour atteindre VO² max lors de ce type d’effort était plutôt aux alentours de 105 %.
    Le risque est grand à partir d’un test sous-évalué ou sous-estimé d’être très vite en surrégime ou totalement en dessous de l’allure cible lors d’une séance de 30/30.
  • Deuxième difficulté : organiser la séance et étalonner la distance à parcourir pendant ces 30 secondes puis fixer l’allure de récupération (ce n’est pas du trot, car Billat démontre que cette allure doit être aux environs de 50 % de la vvo² pour éviter une chute trop importante de la vo² lors de l’arrêt des efforts de 30 secondes). Donc si on veut être rigoureux, on ne peut pratiquement faire ces séances que sur piste.
  • Troisième difficulté : définir le nombre de répétions à réaliser. Sachant qu’il faut au minimum 5 minutes de travail de type vite – lent pour arriver à environ 95 % de la VO ² max, le travail ne sera efficace qu’à partir de la 6ème répétition de 30 secondes. Pour arriver à maintenir un haut niveau de consommation d’oxygène pendant une durée suffisamment longue, il faut donc faire au moins une douzaine de répétitions (12 x 30s à 105 % vvo² et une récupération à 50 % vvo²) ! Et ce n’est pas aussi facile qu’on veut le dire.

D’ailleurs le taux de lactate à la fin de 20mn de ce type de travail est aussi élevé que lors de séances types de vo² en côtes sur 1mn30 à 85 % de VMA ou de 6 x 600 m à 102 % VMA sur piste (travaux de Hanon publiés en 2002) .

Des séances plus longues pour une meilleure progression
A une séance de 30/30, je préfère des séquences d’effort plus longues du type : 1mn/45s de récupération (10 fois en 2 séries ) ou des 1mn30 /1mn ( 8 fois en 2 séries ) ou encore des 2mn/1mn30 ( 6 fois) et des 3mn/2mn ( 5 fois) ou même plus longues encore. Des séances qu’il est tout à faite possible voire conseillé de faire en nature.

Bien sûr pour progresser, il est indispensable de faire régulièrement des séances plus intensives, mais croire qu’avec une séance par semaine de quelques minutes de 30/30, on va changer de niveau est une douce illusion.

Le 30-30 est certes un excellent moyen d’introduction à l’entraînement plus intensif surtout pour des débutants mais il ne faut pas s’y arrêter et croire que c’est une séance miracle serait totalement erroné.

Progresser en course à pied est un processus complexe qui demande du temps et beaucoup de patience.

Dans un premier temps, il faut analyser le type de coureur que vous êtes, déterminer sur quelle distance vous voulez courir et fixer la performance que vous visez.

Une fois ces fondamentaux posés, le processus d’entraînement peut être construit et mis en œuvre .

La progression, un processus complexe
S’il est vrai qu’il faut avoir une bonne VMA pour réaliser des performances en courte distance et que la relation VMA /performance est vraie dans des groupes hétérogènes (ainsi celui qui a une VMA de 17 km/h ne battra pas celui qui en une de 20 km/h sur un 10 km par exemple), cette relation n’existe pas si vous prenez 10 coureurs possédant des VO² max proches (entre 70 ml/min/kg et 75) ou des VMA identiques. Le résultat ne se fera ni sur la VO² ou la seule VMA mais sera le produit de processus bien plus complexes intégrant un très large ensemble de paramètres physiologiques et bio – mécaniques régulés par le système nerveux central.

Il faudrait par ailleurs interroger le concept même de la VO² max en tant que paramètre incontournable (la VO² max est considérée des principaux facteurs limitant la performance selon de nombreux chercheurs) pour les progrès en course à pied, mais ceci mériterait un développement qui ne peut être abordé que dans un autre article.

En conclusion, il faut toujours se méfier de ces nouveautés scientifiques, vite reprises, vulgarisées et qui se révèlent, confrontées à la pratique (la vraie réalité , celle du terrain) n’être guère plus qu’une mystification.

Il faut être extrêmement prudent et ne pas hésiter à être critique envers des résultats de données issues de résultats basés sur des protocoles scientifiques étudiant l’évolution de l’un ou l’autre des paramètres constitutifs de la performance en l’isolant d’autres paramètres.
Ces résultats sur des groupes bien identifiés (niveau) ne doivent pas être généralisés ni pris pour argent comptant. Bien évidemment, des coureurs de faible niveau qui ne font que de l’aérobie à faible allure pendant des mois et à qui ont fait faire 8 semaines de travail intensif avec 3 séances de 30- 30 vont montrer une amélioration de leur VO² max mais ils amélioreraient probablement aussi leur VO² max avec du travail de tempo sur des temps d’effort de 6 à 15mn, du travail de côtes ou des intervalles de 2 à 3mn.

Il n’y a pas de séance miracle
L’entraînement ne se réduit pas à une séance miracle mais à l’accumulation de séances de différentes durées et différentes intensités. Bref à beaucoup de variétés de séances destinées à balayer un large spectre d’efforts et ainsi solliciter régulièrement l’ensemble des adaptations physiologiques nécessaires à l’amélioration et au maintien d’un niveau.

Rappelez vous : l’objectif de l’entraînement n’est pas d’améliorer sa VO² max ou tout autre paramètre mais bien sa performance sur une distance donnée !

Il est probable qu’après le 30-30, on verra bientôt fleurir sur nos stades, le nouveau concept révolutionnaire : la séance de 10s/20s/30s très en en vogue aux Etats Unis, vu les résultats que les chercheurs lui attribuent (gains importants en temps de course sur un 5 kilomètres tout en diminuant de moitié le volume d’entraînement ).

Cette séance consiste à travailler à 30% (faible vitesse) / 60% ( allure modérée) / 90% (allure rapide) sur respectivement 10, 20 et 30 secondes pendant des intervalles de 3, 4 et 5 minutes avec 2 minutes de récupération.

Succès garanti, paraît-il !

Et dire que des générations d’entraîneurs n’y ont jamais pensé !

7 réactions à cet article

  1. Cet article me conforte dans ma façon de faire (a mon ptit niveau) a savoir les exercices de fractionné sur tapis de course avec du 30/30 ou en alternant avec du 200m/200m . pour le reste sortie longue et dénivelé je cours en extérieure.cordialement

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  2. Super: ça me rassure sur ma façon de fractionner en adaptant justement les séances en fonction de l’objectif. C’est utile de comprendre aussi pourquoi on fait un exercice.
    Merci pour les conseils argumentés!

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  3. Bonjour

    En effet, il faut ce méfier des certitudes et prendre en compte divers paramètres. Comme vous le dites vo2 max et vma sont importants mais la technique de course et la forme du moment associés à des facteurs physio et bio mécaniques sont tous aussi importants. Toutefois je voudrais revenir sur le fait qu’il est également nécessaire non seulement de travailler la vma courte ( donc séance de 30/30 opportune) et la vma longue (séance ou l’intensité de course est élevée sur un temps plus long 1 à 3 min comme vous le précisé).
    Le secret c’est la variété des séances non seulement pour progresser mais aussi ne pas s’installer dans une certaine monotonie. Avec en ligne de mire l’objectif à atteindre.
    Merci pour tous vos articles qui éclairent vraiment tous les runners dont je fait partie.
    Cordialement
    Adil

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  4. Je trouve le test 30/30 très intéressant mais je voudrai comprendre la formule qui détermine la distance à parcourir lors des entraînements après le test Cooper de 6 mon supposant que j ai fait 1km 5 donc j applique la formule suivante 1.5/10 égale 15″1000 égale 15000que je divise par 120 qui donne 125 m ma question est la suivante que représente le chiffre 120 dans la formule 1500/120 =125

    Merci

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    • 120, c’est pour retrouver les 30 secondes de l’exercice. Et les heures. 30″x2x60

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  5. A 70 ans on me dit que le fractionné sert plus a grand chose.
    Quand pensez vous?
    Merci

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    • J ai 73 ans, 4 séances par semaine dont 2 fractionnés
      En court 15×200, 10×400,iu8x500
      En long, 5×1000 recup 1’15 ou 4×1500 recup 1’30
      Plus 1ou3sortie vélo ou marche

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