De la trottinette pour courir plus vite et de la proprioception pour rouler plus longtemps…Une blague ? NON !

La base de l’entraînement dans les sports d’endurance, les séances énergétiques : sorties longues, seuils, fartlek, VMA, etc… Jusque-là vous êtes dans le vrai. Le développement du système cardio-vasculaire prend du temps, le travail est fastidieux mais il sera votre principal facteur de performance. Certain(e)s prendront aussi le parti d’aller à la salle de musculation, parfait car jusqu’à preuve du contraire toute activité sportive demande une contraction musculaire, il y aura donc tout intérêt à rendre nos muscles plus efficaces et plus robustes. Et puis ? Il faut encore transmettre cette énergie. Que ce soit pour la course ou le vélo cela se passera au niveau des pieds.
Suivez le guide !

Rendons à César ce qui appartient à César, cet article nous a notamment été permis grâce au travail de deux chercheurs français Pierre Samozino et Jean-Benoit Morin, respectivement des Universités de Savoie Mont-Blanc Chambéry et de Sophia-Antipolis Nice, spécialistes mondialement reconnus pour leurs travaux à connotation sprint, sports collectifs, actions explosives et de vitesse.

Pourtant, cela a également du sens dans les sports d’endurance.

Et comme l’on apprend toujours mieux par soi-même et en testant, voici une anecdote.

Il y a quelques années alors je travaillais au service recherche à l’INSEP, Jean-Claude Vollmer m’a demandé de faire passer en test maximal aérobie ses 3 athlètes : Morhad Amdouni, Hassan Chadhi et Bryan Cantero. Quel coureur à pied ne serait pas impressionné par leurs références (respectivement champion d’Europe du 10 000m, 2h10 au marathon et 3’36 sur 1500m). A la lecture des résultats aucun des 3 ne présentait des valeurs physiologiques stratosphériques au niveau VO² max par exemple. Bien entendu, pour le commun des mortels ils étaient exceptionnels, mais comparé à d’autres sportifs élite d’autres sports ou même de très bons amateurs, rien d’extraordinaire.

Pourtant, les vitesses associées à VMA ou aux seuils, elles, l’étaient.

Vous ne nous suivez pas ? C’est pourtant enfantin.

Un sportif d’endurance est assez simple à comprendre.

De façon simpliste et grossière :

  • 1 moteur : l’aérobie, la sacro-sainte VO2max, la capacité maximale de votre corps à extraire de l’oxygène pour la transformer en énergie.
  • A laquelle il faudra associer la capacité à transporter cet oxygène.
  • Toute cette énergie aura pour objectif d’alimenter nos muscles permettant l’action demandée, ici le déplacement.
  • Enfin, la transmission, toute cette énergie produite devra être transmise, au sol pour la course et aux pédales pour le cyclisme.

En résumé et de façon grossière un athlète endurant possède un moteur auquel il devra associer des transporteurs (son système cardio-vasculaire), des usines (ses muscles) et une transmission de cette force pour pouvoir avancer : sa qualité de pied.

Ces athlètes élite possèdent donc visiblement toute la panoplie. Si leur moteur n’est pas meilleur que celui des autres, mais que leur test maximal va plus loin, il y a fort à parier que leur transmission est extrêmement efficace.

Un moyen simple de s’en rendre compte à la lecture de leur test l’a été au travers du résultat  de leur économie de course. L’économie de course peut être définie comme la consommation d’énergie pour une intensité donnée (  la vitesse en course, la puissance en vélo).

Et c’est précisément dans ce domaine qu’il se sont avérés être exceptionnels

Il leur faut s’approcher des 20 km/h pour qu’il commence réellement à se passer quelque chose sur le plan métabolique.  Cette allure physiologique correspond à celle que vous avez lors de vos footings faciles, cette allure où l’on peut discuter.

Donc, si le premier seuil arrive bien plus tard que pour les autres (celui où le système lactique vient prêter main forte pour apporter un surplus d’énergie), nécessairement, le second sera également décalé, au même titre que la VMA, le moment où l’on est en 5ème vitesse, pied au plancher.

Jean-Claude Volllmer m’a alors invité à prendre part à quelques séances dites de gammes athlétiques. Vous savez, ces séquences avec les classiques talons-fesses, montées de genoux et autres courses jambes tendues.

Oui, mais en vieil entraineur expérimenté, qui a plus d’un tour dans son sac, il a sorti une grande panoplie d’exercices. 10 minutes plus tard, il m’a demandé d’arrêter, et rendez-vous la semaine prochaine : « C’est bon pour toi gamin, on en reparle demain ».

Et le lendemain ? Des douleurs musculaires à des muscles que je ne connaissais même pas, comme s’ils avaient poussé dans la nuit. Visiblement j’étais loin d’être prêt pour ces jeux.

 

Comment savoir si on a du pied ?

 

Vous allez peut-être rire, mais un bon moyen pour se rendre compte de sa qualité de pied est de faire de la trottinette. Pas pour se balader mais pour aller vite !

Sur votre trottinette, cherchez à aller de plus en plus vite.

Naturellement, votre mouvement se rapprochera de celui de la course, mais à une vitesse bien plus élevée grâce à l’inertie de l’engin. Il faudra alors des ischios-jambiers et fessiers très solides. Comme souvent en pareil essai, ce seront d’ailleurs les muscles producteurs de vitesse qui fatigueront le plus car pour compenser la faiblesse du pied, vous forcerez sur ces muscles.

Pourtant, les plus rapides sur la trottinette seront ceux qui auront le plus de pied pour la transmission finale de la force au sol. C’est-à-dire ceux capable à cette haute vitesse de griffer le sol.

Si à l’inverse votre appui est faible au sol, vous allez perdre en force, celle produite par vos usines musculaires. De la même façon, si vous pistonnez de façon verticale comme un amortisseur vous produirez vers le haut, de façon verticale. Or, l’objectif est d’avancer, il faut donc un pied fort au sol, solide et qui transmette vers l’avant.

 

La transmission se passe donc au niveau du pied !

 

Autant cela est frappant en course à pied, car si l’on s’écrase au sol, on se bat mais on n’avance pas ou du moins, on pourrait avancer bien plus vite en dépensant moins d’énergie.

Cette qualité de pied on la trouve naturellement dans les catégories jeunes et il n’est pas rare lorsque l’on se rend sur un cross scolaire, d’entendre à l’arrivée du premier : « il court comme un gazelle », « on dirait un kényan », « quelle légèreté », « quelle vitesse naturelle » et rarement « il a la caisse » etc.

Chez les jeunes, le rapport taille -poids est particulièrement favorable mais, en dehors des « pistards » ou des athlètes élite sur route, qui prend le temps de travailler sa qualité de pied ? Peu de coureurs ou même très peu.

 

Faut -il aussi du pied  en vélo ?

 

En cyclisme, cela saute moins aux yeux, car l’action musculaire prendra un peu plus de place dans la réalisation de la performance.

Mais, en fin de course ou lors d’une sortie longue dans des situations aboutissant une importante fatigue, notamment musculaire, celle-ci engendrera également un problème à la cheville et au pied, car ne peut plus appuyer correctement sur la pédale, le pied a tendance à flancher (le talon allant vers le bas), donc on perd l’efficacité de son coup de pédale. Le coureur n’arrive plus, tout simplement à maintenir la force, la résistance, à résister à la déformation de la cheville.

Même si les quadriceps sont toujours là pour pousser sur la pédale, la transmission finale est affaiblie. Donc deux solutions : soit on ralentit et l’on saute du groupe soit on s’accroche, mais au prix d’un effort musculaire et donc d’un engagement énergétique augmenté.

Il y a donc encore transmission de la force sur la pédale, grâce notamment au quadriceps, (les watts du capteur de puissance en témoignent), mais l’efficacité de la transmission est amoindrie.

 

Une illustration que Jean-Benoît Morin aime donner dans ses interventions est la suivante : « Prenez un objet quel qu’il soit, mais suffisamment lourd pour qu’il soit difficile à bouger. Donnez de l’élan à votre bras et percutez le meuble de toutes vos forces…mais avec une main molle. Vous allez vous faire mal à cette dernière, mais l’objet n’aura pas bougé d’un centimètre. Maintenant, gainez votre poignet, mettez moins de force et elle devrait bouger. Votre main était forte ! Donc si la main ne se déforme pas, j’ai besoin de beaucoup moins de puissance »

En course à pied ou en cyclisme ce sera identique, ce sont les muscles des jambes qui produisent la force, mais la transmission se fait sous l’avant-pied. Donc même avec une importante force au sol, si la transmission est faible…

Quelles solutions ?

La musculation est essentielle aux athlètes d’endurance, nous y avons consacré de nombreux articles. Travail de force et/ou d’explosivité et/ou de pliométrie devront donc être inclus à vos programmes d’entraînement. Mais, il manquera encore une pièce au puzzle…  

Laquelle ?

Autre image souvent utilisée par Jean-Benoît et ses collaborateurs : « Une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible ». Vous aurez beau être le plus fort, si le maillon faible est la transmission, la performance sera abaissée.

 

Alors comment travailler son pied ?

 

Cela se travaille de façon très spécifique. Pour cela deux types d’exercices seront à privilégier. Un travail de gammes athlétiques et de proprioception.

Plutôt que donner de longues explications allez piocher dans cette formidable vidéo mise en ligne par le duo Hassan Chahdi – JC Vollmer : https://www.youtube.com/watch?v=Z8G_1sVoakA .

3 étapes pour les gammes athlétiques :

  1. Concentrez-vous sur la qualité des mouvements dans une premier temps quitte à en faire beaucoup moins et beaucoup moins vite. Pour ce type d’exercice un œil extérieur sera le bienvenu pour vous corriger et assister. Votre indicateur seront vos courbatures post 1ère séance. Ajustez pour les suivantes, l’objectif n’est pas d’être obligé de descendre les escaliers en marche arrière pendant une semaine.
  2. Soyez inventif et n’ayez pas peur du ridicule. L’objectif ne sera pas d’être champion du monde du griffé ou du déroulé talon-pointe. Mais d’aller toujours chercher la nouveauté. Il existe de nombreuses variantes d’exercice et il y a de quoi faire. Si vous y prenez goût, ce sera ensuite à vous d’être inventif en fonction des points faibles identifiés. Changez les vitesses d’exécution, ajoutez des challenges, jouez avec le mobilier urbain ou naturel, changez de sol, etc.
  3. Enfin, quand vous serez fin prête sur le plan de la réalisation et de la maîtrise des exercices il faudra y aller ! En effet, à l’inverse des muscles travaillés en salle de musculation qui sont des muscles moteurs que l’on peut fatiguer vite, ceux travaillés ici sont posturaux et équilibrateurs, ils sont continuellement sollicités lors de la marche, en position debout. Il sera donc intéressant lorsque l’exécution sera propre de parfois aller jusqu’à la fatigue musculaire tolérable, d’autant que ces muscles ont une capacité de récupération rapide.

 

Que se passe -t-il au niveau du pied ?

 

Lorsqu’un athlète court, il y a une pré-activation musculaire : il lève l’avant du pied, réalise une flexion de cheville, il « arme « son pied. Son pied n’est pas encore au sol, il va y arriver, mais son système neuro- musculaire sait déjà qu’il va y avoir une force à appliquer au sol, donc les muscles stabilisateurs de la cheville sont pré-activés.

Un bon moyen pour se rendre compte est de regarder une photo zoomée d’un coureur en suspension avant que sa jambe ne rentre en contact avec le sol. On y distingue une contraction des muscles posturaux, alors même que la jambe ne touche pas encore le sol.

Un autre bon moyen d’améliorer la transmission de la force sera le travail dit de proprioception, le travail que chacun a, un jour, réalisé chez son kiné. Ce travail est réalisé avec des coussins en caoutchouc ou sur des plateaux instables lorsque vous êtes blessé à la cheville. Objectif :  réaliser un travail de gainage en situation d’instabilité de la cheville. Logique car ce sont des muscles qui sont hyper impliqués dans le contrôle neuro-musculaire.

Malgré votre blessure, le kiné vous fera réaliser, répéter et répéter des exercices, faisant travailler fortement vos muscles au point de ne plus pouvoir marcher en sortant.

Il utilisera un appui unipodal, augmentera l’instabilité, vous fixera des challenges (fermer les yeux, attraper une balle, se retourner, etc.).

L’objectif de votre praticien sera de remuscler votre cheville blessée.

Alors pourquoi ne pas faire ce travail toute la saison, aussi bien en préparation qu’en période compétitive maintenant que vous connaissez l’importance de cette qualité de transmission aussi bien pour votre performance en course à pied que celle en vélo.

Pour résumer, plus votre cheville sera indéformable, plus ce sera positif pour l’efficacité de votre mouvement.

Avec un pied qui n’est solide, les actions de forces seront moins bien transmises, il y aura absorption et donc perte d’énergie.

Il faut transmettre la force !

Pour le sprinter travailler ce secteur coule de source. Mais cela a également tout son sens dans les activités d’ultra endurance ou l’énergie économisée à chaque mouvement sera bénéfique pour la suite de l’épreuve.

 

Bon travail de pied et de cheville à tous !

 

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

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