2 x 10 km, une séance pour ultra-runner

Poursuivons dans le partage des séances avec une session bien particulière : l’enchaînement de deux 10 km.
À première vue, cela paraît bien rébarbatif et volumineux, mais c’est justement ce qui est recherché dans un cadre bien précis que nous allons détailler.

Tout d’abord, rappelons bien la différence entre le volume d’entraînement et la charge d’entraînement. Le volume est une des composantes de la charge.

Ici, la charge sera d’autant plus importante que l’intensité de la séance sera élevée.

Ce dernier paramètre est donc à programmer avec grand soin. Si l’intensité est trop basse, les objectifs ne seront pas atteints et l’impact de la séance sera faible.

 

Si l’intensité est trop élevée, la séance sera soit impossible à réaliser, soit génératrice d’une fatigue difficilement récupérable, ce qui bien entendu n’est pas l’objectif d’une séance qui s’inscrit dans une suite de sollicitations physiques et mentales.

 

Ici, la séance se déroule sur la route, mais on peut tout à fait l’envisager en trail, en travaillant avec les fréquences cardiaques et les sensations.

 

Revenons aux intensités. Un 10 km en compétition se court statistiquement à 90% de sa vitesse maximale aérobie. Mais il s’agit ici d’une répétition de deux 10 kms en situation d’entraînement. Ainsi, 80% représente déjà une belle performance.

Par exemple, un athlète avec 15 km/h de cylindrée peut espérer courir à 12 km/h, soit 2 x 10 km en 50 min. Bien entendu, il faut ajuster en fonction des profils des individus et de l’effet recherché.

 

 

Le cas Erik Clavery, en route pour les 24 heures

Nous parlions de séance monotone. Dans le cadre de la préparation d’un 24h, l’athlète doit par moments s’astreindre à des séances monotones sur de nombreux plans : musculaire, articulaire, psychologique… Celle-ci est même relativement facile car il ne s’agit finalement que de 20 km. L’objectif n’est donc pas de réaliser une séance spécifique 24h, mais plutôt d’élargir le spectre de la filière aérobie, en reculant la vitesse du début d’apparition du lactate.

 

Voici quelques données de la séance :

  Temps demandé Temps réalisé Vitesse moy % intensité VMA
1er 10 km 36 min 35’40 16.8 km/h ~82%
2ème 10 km 36 min 35’47 16.8 km/h ~82%

 

La récupération entre les deux 10 km est de 1 km trot, et la VMA estimée d’Erik à ce moment de la saison est de 20,5 km/h. Elle sera optimisée à 21 km/h dans un deuxième temps. La séance est donc parfaitement validée.

 

SEANCE 2

 

Le cas Audrey Tanguy, de la TDS au 100 km route

Si pour Erik, cette séance est plutôt qualitative et faiblement monotone, ce n’est pas le cas d’Audrey Tanguy qui va disputer sa première course sur route, un 100 km, le 23 janvier prochain en Arizona. Pour elle, le plus important est de travailler à vitesse régulière et d’apprivoiser la monotonie des longs efforts sur la route. Là aussi, il ne s’agit pas de la vitesse spécifique du jour J, mais d’une allure plus élevée. Bien entendu, certaines séances seront réalisées à la vitesse-cible du 100 km afin d’améliorer l’économie de course.

 

Voici les données de sa séance :

  Temps demandé Temps réalisé Vitesse moy % intensité VMA
1er 10 km 41’30 40’55 14.6 km/h ~81.3%
2ème 10 km 41’30 40’53 14.6 km/h ~81.3%

 

Les allures réalisées sont plus élevées (3s/km) que celles demandées. Cela étant, les spécialistes savent qu’il n’est pas simple de ralentir (ou d’accélérer) une fois que l’athlète est lancée et en état d’équilibre. Disons qu’à cette intensité, le lactate produit par les fibres glycolytiques est métabolisé par les fibres oxydatives. C’est la navette du lactate. On remarque que le pourcentage de VMA tenu est quasiment le même chez ces 2 spécialistes de l’ultra endurance, et qu’il est élevé.

Ici, la récupération est de 5 min trot, et nous disposons également des fréquences cardiaques. La FC moyenne sur les 10 km est de 160, ce qui représente 82-83% de la fréquence cardiaque de réserve. On remarque une belle stabilité des FC, avec des FC max obtenues logiquement en fin de session.

 

SEANCE 3

 

Là aussi, la séance est validée dans le sens où les chronos sont respectés, que les deux 10 km sont courus à une même vitesse, et que les intensités ne montrent pas de dérive témoignant d’une fatigue non-contrôlée.

Ce type de séance demande bien entendu une certaine expertise pour être en mesure de réaliser plus de 25 km (échauffement et récupération inclus), et de l’accomplir à une intensité régulière. Elle peut s’avérer profitable pour les spécialistes de semi-marathon et plus (marathon, 100 km, 24 heures, trails). Certes, c’est une séance monotone, mais elle procure un réel plaisir, celui de la maîtrise (respiratoire, gestuelle), indispensable sur de telles durées.

15 réactions à cet article

  1. Bonjour,
    Tout d’abord belle année 2021
    Merci bien pour ce partage
    À quelle vma et à quelle fc se court un 10k, un semi et un marathon ?
    Merci bien
    Bien Sportivement

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    • Bonjour. Statistiquement, en compétition, un 10 km se court à 90% de VMA, un semi à 85% et un marathon à 80%. mais bien entendu, cela est variable d’un individu à l’autre.
      Cordialement

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  2. Bonjour,
    Est-ce que ce type de séance aura un bénéfice important pour des coureurs moins performant (entre 50mn et 1h sur 10km) ?
    L’impact en terme de durée de la séance sera d’autant plus important que l’on n’est pas en capacité de tenir des allures élevées, même si la distance visée est aussi élevée (100km en l’occurrence me concernant).
    Merci beaucoup de vos conseils.
    Sportivement.

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    • Bonjour Benoit. Oui l’impact sera aussi important. Par contre, il est possible (et ce sera même forcément le cas) que votre indice d’endurance soit plus faible (75-80%) tout simplement parce que la durée de l’effort sera plus longue. mais cet indice sera supérieur à celui du 100km bien entendu.

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  3. Du coup il s’agit de faire 2x10km à VS42. Ça a l’air beaucoup plus lourd que les plus grosses séances d’Ema qu’on fait en prepa 24h type 3x 5000 à VS42.
    Je suppose qu’il faut alléger l’entraînement avant et après et faire cette séance à grande distance d’une échéance comme pour les week-ends chocs?
    Merci pour ce nouveau bel article
    Cordialement
    Stéphane Reynaud intéressé par un éventuel coaching 24h:)

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    • Bonjour Stéphane. dans le cas présent, nous sommes en effet proches de VS 42. Pour info, Audrey avait déjà validé un 3 x 5 km (prévus en 20’30 et réalisés en 20min) avant de passer à celle-ci. Et la dernière grosse séance spé a été 1h30 le matin à VS100, + 2h l’a-m à VS 100, sachant que cette athlète est en mesure de supporter de grosses charges de travail.
      La dernière grosse séance est réalisée à S-3. Sinon, les séances précédentes sont réalisées au sein de semaines plus classiques (6 jours/7 d’entraînements course et ski ; 8-9 entr/sem dans le cas présent)

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      • Les chiffres sont pour les athlètes dit performants (15-35 ans) après on doit rechercher le plaisir amities

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  4. Bjr
    En préparation 100km de Millau 2021 catégorie Master 5
    Réalisé en 2019 38’17 10km, 3h07 marathon et 1h28 semi.
    Entraînement fin novembre 2020 1h26 semi et 2h02 sur 30km et 17’22 5km.
    Question qu’elle serait l’idéal par 20km temps en faisant cet entraînement 2×10 km?
    Merci
    Cordialement

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    • Bonjour, tout d’abord bravo pour ces belles perfs en M5. Il semble que votre VMA soit proche des 17.5. Sur ce type de séance, une allure proche des 14 km/h serait appropriée, soit 42’50-43min.

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  5. Affirmer qu’un 10km se courre à 90% VMA est une hérésie, il convient de tenir compte TOUJOURS ! de la durée d’effort. On ne peut mettre sur un même plan un athlète en 32′ et un autre en 45′. De plus cette notion de VMA bien française ne reflète nullement le potentiel réel de l’athlète à une période donné, il sera nécessaire de prendre en compte son indice d’endurance surtout pour les courses de fond !

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    • Bien entendu Serge, personne ne dit le contraire (voir réponse plus haut à Benoit). je parle de STATISTIQUE et non d’une vérité. Et c’est la définition même de l’endurance, la décroissance de la vitesse (et donc de l’intensité en fonction de la durée). VMA, tps limite, indice d’endurance, cinétique de VO2, facteurs mentaux, pacing … déterminent conjointement la performance. Nous en parlons en continu dans nos articles. Cela étant, certains coureurs ont une VMA modérée et un indice d’endurance élevé (peut-être parce que leur VMA n’est pas travaillée/optimisée). Ainsi, malgré un temps d’effort plus long, leur indice d’endurance sera plus élevé que celui de coureurs plus rapides.

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    • Serge Armor, quelle façon de parler à un expert et entraîneur reconnu qui vient partager son savoir avec nous… Quel dommage. Je suis sur que de vive voix, vous auriez été plus modérés dans vos propos.

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      • Merci Romain, ce sont là les limites de la communication par articles et par messages interposés. Je ne pensais pas être un hérétique, mais bon 🙂
        Pour rebondir sur ce sujet, je donnerais le mercredi 17 février au soir une visioconférence (avec la ligue AURA) sur les réponses physiologiques (ventilatoire, cardio-vasculaire et musculaire) à l’effort d’intensité croissante. J’expliquerai la détermination de la VMA (terrain et labo), son développement, son maintien, et son rôle dans la performance aérobie ; ainsi que les autres déterminants de la performance sur route et en trail, en lien avec cette VMA. Visio de 2h + questions/réponses, inscriptions à venir sur le site de la ligue AURA.

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  6. Bonjour,

    depuis le temps que je m’étais noté cette séance, je l’ai enfin réalisée hier. J’effectue une préparation marathon 3H30 sur 10 semaines et 4 à 5 séances par semaine (la cinquième séance est une séance de vélo ou une séance d’endurance légère).

    Ce week-end devait être un semi-marathon en 1H38, mais vu qu’il n’y a toujours pas de courses officielles, j’ai casé cette séance.

    J’ai une VMA entre 15 et 15,5 (pas réalisé de test depuis 2018). J’ai décidé de réalisé mes fractions de 10 kilomètres à allure objectif marathon, soit 4’58 le mille. La première s’est déroulée assez facilement et avec en partie le vent dans le dos en 48’42 soit 4’52 le mille. Pour la deuxième fraction, j’ai dû m’employer avec le vent de face ce coup-ci et je réalise 48’32 soit 4’51 le mille. Je suis assez satisfait de ma séance, n’ayant pas présagé de mes forces. https://www.strava.com/activities/5260903336

    Du coup, que faire la prochaine fois que je réaliserais cette séance? Voir les objectifs un peu plus haut, sachant que mon RP sur 10 kilomètres est de 42’07 et 3h42’49 secondes sur marathon?

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    • Bonjour Sébastien, et merci pour votre retour. Vous avez été régulier à ~80% de votre VMA, ce qui est très bien. Votre objectif marathon en 3h30 (12 km/h) me semble atteignable. Vous pourriez donc faire évoluer cette séance en augmentant légèrement le tempo (mais pas trop !) à 4’50/km, ou en modifiant les fractions, par exemple 15 km et 10 km (ou 15 km et 7.5 km), à 4’52 et 4’50. Au delà de ces séances, il faut poursuivre la polarisation de votre entraînement avec des séances qualitatives (VMA et seuil) et des séances quantitatives en course et en entr croisé.

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