Vététistes, la théorie du 12% vous connaissez ?

Article écrit par Cyril Granier

Il y a quelques semaines de cela, je lisais deux études scientifiques concernant les corrélations entre performance en VTT XCO et tests de laboratoire.
Les chercheurs de ces deux études (que vous pourrez retrouver en fin d’article) déterminèrent que grâce à des tests de capacités physiques évaluant les filières aérobies et anaérobies, des corrélations de l’ordre de 88 et 89 % étaient établies avec la performance en compétition.
En gros, faites de bons tests et vous serez devant dans les courses.

Étant spécialisé en physiologie du sport et plus particulièrement dans l’analyse de la performance et des capacités physiques, vous comprendrez aisément que je suis très friand de tests permettant d’établir des profils de performance.

Malheureusement, le principal problème de ce genre d’étude est de croire que les tests physiques trouveront une légitimité certaine sur le terrain.

Je vous prends un exemple très concret et pratique.

 

Je me souviens d’une athlète féminine de niveau international, qui sur des tests standard de VO2max, obtenait des résultats très en deçà de ce que l’on peut attendre d’une sportive d’un tel calibre. Elle avait des valeurs dignes des meilleurs juniors alors qu’elle-même était dans les meilleurs athlètes internationales élites.

Comment dès lors penser, qu’un ou plusieurs tests de laboratoire soient l’unique réponse à la performance sur le terrain. Le tout « physique ou physiologique » n’explique pas l’entièreté de la performance.

 

Ce qui m’interroge dans ce genre de recherche, c’est de croire que la performance physique est la réponse et se pose alors la connaissance même de l’activité et la capacité à mettre en place un protocole intégrant d’autres facteurs. Car pour moi, à niveau technique égal, l’athlète ayant les meilleures valeurs de tests physiques devrait être le plus performant. Il suffit d’avoir pratiquer une fois un parcours de VTT XCO pour comprendre que d’autres facteurs jouent un rôle primordial dans la performance.

 

Autre exemple : Comment expliqueriez-vous qu’un coureur que j’ai eu à entraîner avec 480 W PMA, soit 7,3 W/kg, ne soit pas capable de faire mieux que top 10 à 15 en coupe de France et 60 en Coupe du monde ?

Il a des valeurs de PMA de très très bon coureurs pro sur route et parmi les meilleures valeurs évaluées chez des athlètes de premier plan mondial en VTT XCO…

Si l’on exclue les paramètres mentaux qui à mon avis sont beaucoup trop sous-estimés dans la performance, il nous reste les paramètres techniques.

Donc nous pouvons à minima affirmer que 11 à 12% du manque de corrélation entre la performance de laboratoire et de terrain est à attribuer à la technique.

Mais en réalité le pourcentage doit être largement supérieur. Puisque pour paraphraser un célèbre équipementier pneumatique, sans maitrise « technique » la puissance n’est rien ! Et je crois que l’activité VTT XCO se résume assez bien dans ce haïku, mantra ou appelez-le comment vous le souhaitez.

 

Si vous n’êtes pas capable de franchir les difficultés techniques rencontrées, vous aurez beau avoir la meilleure PMA, la meilleure capacité à reproduire des efforts lactiques ou alactiques, vous serez systématiquement beaucoup plus vite fatigué que vos adversaires. Sans parler des éventuelles chutes et de la casse du matériel.

 

Pour revenir à l’objet du jour, je ne vais pas décortiquer les études scientifiques dont je vous parlais précédemment mais elles me servent d’introduction afin d’évoquer ce qu’est la technique en VTT XCO et comprendre en quoi elle est fondamentale dans la performance et quelle part d’entraînement y consacrer.

 

La technique c’est quoi ?

Elle se résume assez simplement en la capacité d’un ou d’une vététiste à piloter son vtt, afin de franchir un obstacle ou une difficulté sans tomber et sans perdre de vitesse. Cette technique peut s’exprimer sur des portions de parcours plates, en descente mais également en montée.

La technique outre sa très grande relation avec le terrain, peut également dépendre des personne présentes autour de soi lors de l’effort. Ainsi, franchir un obstacle seul ou avec des personnes tentant le même franchissement à coté ou étant positionnés devant ou derrière nous, implique d’autres savoirs faire. La technique sera également influencée par votre fatigue, votre niveau d’hydratation, d’alimentation…

 

 

Quel type d’obstacles trouve-t-on en course ?

Si comme moi, vous adorez regarder les coupes du monde de VTT XCO devant votre téléviseur ou sur le terrain, vous avez très certainement observé la grande évolution des parcours de compétition. Le dernier à en avoir fait les frais, n’est pas n’importe qui…

Il s’agit de Matthieu Van Der Poel, qui lors des JO de Tokyo s’est retrouvé au sol au bout de quelques minutes de course à cause d’une passerelle enlevée en course mais présente aux reconnaissances qui permettait de franchir un rocher sans sauter…

Rappelons quand même que sur la course dame, après un imbroglio entre Neff et Ferrand-Prévot, la Suissesse a tout de même réussi à basse vitesse à franchir ce même rocher en sautant de côté… Et en total déséquilibre lié à la gêne occasionnée par son adversaire. Chapeau Madame ! Quelle maitrise !

 

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Donc oui, la technique est primordiale en VTT XCO, je ne peux affirmer à 100% qu’elle permette de gagner, mais il est sûr qu’elle évite de perdre.

Revenons à nos obstacles de Coupe du monde, plus les années passent plus on retrouve des passages aériens, entendez des sauts artificiels ou pseudo naturels, avec un engagement important et la nécessité de savoir sauter « en aveugle » tout en maitrisant sa monture en l’air.

On retrouve également de plus un plus de « champs de rochers », toujours plus hauts et techniques, des rondins de bois positionnés en escaliers ou en quinconce, des sauts issus du BMX avec whoops, tables, doubles…

En montée maintenant, on retrouve encore des rock garden mais il est vrai que plus fréquemment nous sommes sur des pentes, soit très raides, soient composées de racines mais rarement dans des « chantiers » identique aux portions descendantes.

J’ai coutume de dire à mes coureurs qu’une épreuve de VTT XCO se gagne en montée et se perd en descente il est à mon avis de bon ton de penser à travailler cet élément à l’entraînement.

 

 

La technique est-elle importante dans la performance ?

Si après ces présentations, vous me dites encore que non, on va se fâcher ! Oui, la technique est primordiale dans la performance même s’il est vrai qu’elle est difficile, voire impossible à évaluer dans un cadre méthodologique scientifique, tant la reproductibilité sera difficile à assurer.

Lorsque l’on prête attention au modèle d’identification des talents en VTT XCO, la Fédération française de cyclisme par exemple, prévoit des tests techniques associés à des évaluation physiques pour les jeunes coureurs.

Je mentirais, si je vous disais que les qualités physiques n’étaient pas importantes mais il est certain que la technique permettra de booster sa performance physique grâce à une grande économie d’énergie et donc une meilleure efficacité de déplacement.

Par le passé j’avais encadré une sélection régionale, lors d’un championnat de France VTT XCO, un des coureurs, âgé de 16 ans, obtenait de bons résultats mais il lui manquait encore ce petit quelque chose pour aller chercher plus haut. Ce coureur adorait pratiquer le trial qui était sa discipline initiale.

Je me suis rendu compte qu’il était capable lors des reconnaissances de franchir mieux que quiconque n’importe quel obstacle, mais dès lors que je lui demandais de franchir l’obstacle à une vitesse proche de celle de compétition, les franchissements n’étaient plus aussi propres et les conséquences étaient crevaisons, chutes…

La technique est un élément majeur de la performance en VTT cross-country olympique et il faudra nécessairement passer par son travail à l’entraînement en y consacrant des séances dédiées.

 

 

Que doit-on travailler à l’entraînement ?

La question est forcément difficile, car le travail de la technique sera dépendant de votre niveau initial, de votre ancienneté dans la pratique et des lacunes physico-techniques que vous avez.

Quoiqu’il en soit, reprendre les basiques d’aisance sur un VTT parait fondamental et selon votre niveau, cela correspondra à un travail pur et dur si vous débutez et à un échauffement si vous avez de l’expérience.

Parmi les gestes que l’on peut travailler, on va pouvoir faire du lâcher de mains, du pédalage une jambe, apprendre à descendre et remonter sur le vélo, faire des dérapages, rouler en ligne droite, monter et descendre un trottoir, l’équilibre à vitesse réduite, le changement de vitesses, le freinage…

Ici, il s’agit déjà de s’assurer de la maitrise de geste, qui permettront de greffer dessus une technique plus en lien avec la pratique de compétition.

Une fois que vous avez la certitude de maitriser ces éléments on peut ensuite passer à une technique plus évoluée.

Cette technique prend en compte les gestes de compétitions mais en les décortiquant.

Le franchissement de sauts en VTT par exemple, fait appel à la maîtrise de gestes tels que : le wheeling, le manual, le bunny up…

Ce dernier mouvement est vraiment la base de tout le reste, donc s’il y a bien un geste sur lequel s’acharner c’est celui-là. Je me rappelle et mes tibias également de mes séances d’entraînement au bunny up quand j’avais 12 ans… Vous penserez à ces mots quand vous testerez…

 

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Pour ce faire, du travail en pédales automatiques pourra être intéressant mais la meilleure école reste les pédales plates, sur un sol en faux plat montant, il vous sera plus aisé de lever la roue avant. Vous pouvez ensuite vous amuser à corser la réalisation gestuelle en passant au-dessus d’un manche à balais que vous aurez posé au sol ou en montant ou descendant d’un trottoir, tester en descente… Pour au final se réapproprier cette technique, lorsque vous serez plus à l’aise, sur un parcours de pump track ou sur une piste de BMX ou en bike park.

J’insiste vraiment sur la maitrise de ce geste car en compétition et notamment chez les filles, il fait la différence. Je me rappelle lors des JO de Londres de Julie Bresset qui montait sur des cailloux en bunny up là ou les autres avaient la roue arrière voire même parfois la roue avant qui tapait l’obstacle…

 

Je ne vous parle pas du gain de temps sur les difficultés, de l’économie d’énergie et du matériel que l’on épargne grâce à une bonne réalisation. Et puis maitriser le bunny up s’est comprendre comment mobiliser son corps et son vélo dans l’espace et cela fera également une grosse différence sur les sauts.

On pense souvent à la technique en descente et on oublie parfois un peu vite celle en montée.

 

 

La technique en montée est importante à travailler car une course de VTT XCO se gagne en montée comme je vous le précisais. Elles peuvent être très techniques en VTT avec la présence de racines, de dévers, de sols fuyants de virages serrés ou de terrains humides.

Il faudra être capable de savoir optimiser son changement de vitesse, gérer son « pédaler-freiner » afin d’éviter de glisser ou de bloquer la roue avant mais il faudra aussi être capable d’évoluer et de tenir l’équilibre à faible vitesse et basse cadence, afin de conserver de la motricité.

Ce genre de montée très raides avec des virages serrés est ce que l’on retrouve notamment sur la Coupe du monde de Albstadt en Allemagne, où l’on voit des coureurs qui sont obligés de lever la roue avant en montée afin de faire leur rotation sur la roue arrière et franchir les virages serrés.

Ce genre de passage nécessitera de votre part que vous maitrisiez le wheeling (rouler sur la roue arrière) mais que vous soyez également capable de savoir décaler latéralement la roue avant et ou la roue arrière, donc les déplacements latéraux.

On le voit un peu moins en descente mais c’est quand même présent, la capacité dans les épingles serrées, à virer sur la roue avant ou « nose turn », en faisant une rotation côté droit ou gauche de la roue arrière. Même si ce genre de technique est très présente en endudro ou en dh, on la retrouve aussi en VTT XCO.

On ne va pas faire état de tous les gestes techniques et je vais de toute façon vous proposer au fil des articles sur le VTT, d’en décortiquer un bon nombre afin que vous puissiez les travailler à la maison et voir comment on peut articuler des séances autour de cela.

 

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Je vous encourage à faire du BMX ou du pump track. Vous y apprendrez à franchir des virages relevés en conservant ou accélérant votre vitesse, vous appréhenderez les bases du cabré enroulé et du saut.

La pratique de l’enduro vous permettra en toute confiance, d’aller dans des pentes plus raides, ou de tenter des sauts un peu plus gros, qui vous donneront davantage de confiance en VTT XCO par la suite.

Ces «  gros vélos », plus rassurants peuvent vraiment vous faire passer un cap, concernant la vitesse de franchissement.

Attention toutefois, car leur géométrie est particulière avec un empattement plus important, des suspensions sont plus grosse, les pneus et les jantes plus larges.

 

Conséquence : On est beaucoup moins précis dans ses trajectoires, par contre on va pouvoir tenter des passages ou des gestes techniques que l’on ne ferait pas avec son VTTXC. Donc un conseil, la séance du lendemain d’un travail en enduro doit être faire sur VTT XCO pour retravailler la finesse de franchissement car sinon vous allez déjanter ou crever fréquemment.

 

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De manière générale et je le répète fréquemment, plus vous allez varier votre palette d’actions plus votre technique s’améliorera, s’affinera et plus vous serez efficace dans vos efforts.

Enfin, la technique en descente peut se travailler avec son VTT XCO mais il est aussi parfois important d’aménager sa monture pour mieux la ménager

Tige de selle télescopique ou selle baissée, et afin d’éviter d’abimer votre propre carrosserie, coudières, genouillères, casque intégral dans les nouveaux passages que l’on teste.

 

 

Le résumé de cette section est de se dire qu’il faut varier les plaisirs techniques à l’entraînement mais qu’il faut la travailler, ça ne vient pas tout seul.

 

Ces séances spécifiques demandent un peu de réflexion quant à leur conception mais elles sont vraiment un allier dans les performances ou le plaisir futur sur votre monture. Peut-être allez-vous vous ennuyer ou vite tourner en rond si vous faites vos propres séances, dans ce cas, allez découvrir un nouveau terrain de jeu et répéter les passages et les franchissements de différentes façon. La séance sera normalement encore plus ludique.

 

 

Quelle fréquence d’entraînement est accordé à la technique sur une semaine type ?

Je n’ai malheureusement pas la réponse adaptée pour tout le monde, encore une fois ça dépend ! Il faut se dire que sur une semaine d’entraînement, même pour un ou une vététiste expérimenté, conserver une séance hebdomadaire me parait être le minimum.

Le nombre de séances de ce type va tout d’abord dépendre de vos points forts et faibles, de votre expérience dans la pratique, du temps que vous avez pour vous entraîner et par-dessus tout, ce que vous avez réellement envie de faire.

 

Plus votre niveau technique et votre expérience sont faibles, plus il sera important d’accorder du temps à l’aspect technique dans votre pratique et je ne serai pas choqué par une personne qui me dit qu’elle consacre 60 à 70 % du temps à cet aspect.

Je pense que c’est ce qui doit dominer dans les jeunes catégories (minimes cadets). J’en vois déjà me dire que s’ils passent du temps à faire ce travail, plus rien ne sera fait au niveau physique…

À cela je réponds : « Faites une séance de travail technique, vous allez voir si physiquement vous ne serez pas fatigué.»

Après, il est certain que l’on sollicite prioritairement les qualités de force vitesse, ainsi que les filières anaérobies mais si on fait cela sur une heure de temps, on travaille aussi la filière aérobie.

 

La part à consacrer au travail technique peut aussi être dépendante du type de pratique que vous avez.

Si votre but est d’aller sur des randonnées ou des courses grand public ou les aspects techniques ne sont pas « fondamentaux » comme le Roc d’Azur par exemple (ne me jetez pas de pierres si vous m’y voyez cette année après ce que je viens d’écrire), pas besoin d’une grosse préparation technique lorsque l’on est vététiste et bon techniquement.

Si vous faites des activités type marathon VTT il faudra être capable de précision technique malgré la fatigue afin d’être fluide, précis et vigilant, le plus longtemps possible.

Si vous roulez à l’opposé, en Coupe de France ou Coupe du monde VTT, la technique doit faire partie de votre entraînement car dans ces cas de figure, les obstacles sont de plus en plus engagés et nombreux.

Si l’on regarde un peu ce que font les meilleurs Français à l’entraînement, on voit un Stéphane Tempier qui fait parfois de la moto trial, un Victor Koretzky qui pratique en bikepark, un Titouan Carod qui s’est aménagé des zones de trial chez lui, un Maxime Marotte qui carbure à l’enduro en hiver….

Il faut dire également, que le VTT électrique peut être une alternative, afin de remonter tranquillement les sentiers et faire du bon travail technique en descente tout en enchainant les passages descendants.

 

Vous l’aurez compris le mot d’ordre est : « la technique on la bosse », elle est primordiale afin que vous puissiez exprimer pleinement votre potentiel physique. Oubliez ces fameux 12% qui seraient les gains potentiellement liés à la technique. En VTT XCO tout dépend d’elle.

Gardez également en mémoire qu’une séance par semaine, semble être un minimum et que plus votre niveau est faible, plus la part que vous y consacrerez à l’entraînement sera importante.

Enfin, dans l’optique de varier vos plaisirs vous pouvez rouler avec votre VTT XCO mais tout aussi bien profiter d’une belle piste de pump track près de chez vous, ou d’un bike park, ou d’une pratique plus trail/enduro. Quoiqu’il en soit, le secret de la réussite se cache dans le plaisir. Bon ride !

 

 

Cyril GRANIER

Docteur en sciences du sport

Entraîneur Cyclisme

Bike Fitter, Level 2 IBFI

www.cgperformance.fr

Facebook : @CyrilGranierPerformance

Instagram : cyrilgranierperformance

 

 

Pour aller plus loin :

Jacob Bejder, Thomas Christian Bonne, Michael Nyberg, Kim Anker Sjøberg & Nikolai Baastrup Nordsborg (2018): Physiological determinants of elite mountain bike cross-country Olympic performance, Journal of Sports Sciences, DOI: 10.1080/02640414.2018.1546546

 

Hays A, Nicol C, Bertin D, Hardouin R, Brisswalter J. Physiological and Mechanical Indices Serving the New Cross-Country Olympic Mountain Bike Performance. Int J Sports Physiol Perform. 2021 Feb 27;16(7):1008-1013. doi: 10.1123/ijspp.2020-0319. PMID: 33639610.

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