Co-écrit avec Axel Reymond (champion du monde et double champion d'Europe du 25 km eau libre)

A l’approche du début de la saison de triathlon, il nous a paru essentiel de refaire un point sur l’approche de la partie natation ! Qui de mieux que notre expert Anaël AUBRY qui côtoie les champions de l’équipe de France d’eau libre. Il y a un an, Aurélie Muller en pleine préparation de mondiaux plus que réussis (2 titres, une seconde place) nous prodiguait ses conseils. Cette fois-ci c'est avec le spécialiste de la longue distance (25 km), Axel Reymond, que nous avons rendez-vous.

Crédit photo : S.Kempinare

Bonjour Axel, pourrais-tu te présenter pour les personnes qui ne te connaitraient pas encore ?

Axel Reymond, je suis nageur, spécialisé dans l’eau libre. J’ai 24 ans et je m’entraîne avec Magali Merano depuis mes 10 ans. Je pratique toutes les distances du 5 au 25 km, mon palmarès est pour l’instant principalement fait sur la plus longue des distances avec les titres de champion du monde en 2017 et deux titres européens.

 

Nous sommes actuellement en Sierra Nevada (Espagne, 2320m) avec d’autres membres de l’équipe de France pour préparer vos prochaines échéances, quels seront tes objectifs cette saison ?

Déjà me qualifier aux championnats d’Europe sur 10km (distance Olympique) et 25km, les critères de sélection et la densité française étant très relevés (6 médailles dont 4 titres en 7 courses aux mondiaux de 2017 pour l’équipe de France). Et si ce premier objectif est atteint, conserver mon titre sur 25 km, la première place étant celle visée par chaque français(e) et également accrocher une place de finaliste (top 8) sur 10 km. Mon objectif étant le podium aux Jeux de 2020, mais ayant loupé la qualification en 2016 (malgré une 12ème place aux mondiaux sélectifs de 2015 ce qui démontre le niveau d’exigence français), je préfère être humble sur cette distance si relevée (à Rio, à 400 de la plaque, 20 concurrents se disputaient encore la victoire) et construire année après année mon projet Olympique de performance.

 

Axel, le 25km est une discipline d’ultra endurance qui se rapproche des triathlons pratiqués par les amateurs, quels sont tes conseils ?

Le 1er conseil sera axé sur l’hydratation. En équipe de France, on recherche une hydratation optimale les 3 jours précédents la course. L’équipe de recherche de l’INSEP (Yann Le Meur et Anaël Aubry) avait démontré en compétition que c’est un facteur de performance indéniable.

Il faut tout le temps garder avec vous votre bouteille à J-3. Il faudra même y porter une certaine attention toute cette semaine pré-course. Même sans être déshydraté, arriver sur la ligne de départ avec des réserves non optimales pourra être dévastateur. 2% de manque, c’est déjà 10% de performance en moins ! Toute épreuve supérieure à 1h demandera de s’hydrater également pendant.

Mon petit conseil car le jour de la course nous sommes vite pris par l’enjeu : conservez une bouteille avec vous jusqu’au départ car en triathlon vous ne pourrez pas boire pendant la natation, sauf si je ne me trompe sur ironman ce sera déjà après plus d’une heure de course pour beaucoup de triathlètes.

De la même façon portez une attention particulière à votre alimentation sur les derniers jours. Sans vous surcharger l’estomac, sur longue distance la majorité de votre carburant seront vos réserves en glycogène. Vous aurez beau multiplier les ravitaillements, si les réserves ne sont déjà pas bonnes… Par ailleurs, personnellement j’évite les gels en course car les pics glycémiques sont parfois fatals et des troubles gastriques peuvent survenir.

 

L’équipe de France porte une attention particulière sur l’échauffement d’avant course, tes petits conseils car on ne sait jamais trop quoi faire avant un triathlon…

Oui, l’échauffement est indispensable ! Il est souvent galvaudé mais pourtant oh combien important à la performance ! Me concernant, comme la plupart de mes coéquipiers, je préfère rester au chaud avant ma course et le réaliser à sec, comme j’aurai déjà repéré le parcours en amont. J’utilise des tubes élastiques et certain(e)s de mes coéquipier(e)s des bandes élastiques, dans l’optique de bien débloquer nos épaules avec également différents mouvements pour bien échauffer tous nos muscles. Puis, je réalise différents étirements car la natation demande une grande amplitude gestuelle. La suite comprend un peu de cardio car il est hors de question de ne pas mettre en route le système cardio vasculaire avant un effort aérobie (prenant en compte le transport de l’oxygène), qui plus est souvent violent jusqu’à la première bouée. Ensuite, quelques abdos et positions de gainage car il faudra pouvoir être efficace avec ses muscles aidant aux qualités aquatiques et de transfert des forces. Puis, pour finir, je tourne les bras en ralentissant le mouvement de plus en plus pour finir sur des actions plus musculaires.

Crédit photo : S.Kempinare
Crédit photo : S.Kempinare

 

Sujet souvent dicté par la mode, mais pourtant primordial à la performance, quel choix de combinaison ?

J’apprécie qu’elle soit très serrée, il faut donc essayer plusieurs tailles car suivant les marques ou les modèles les coupes seront différentes. Serrée, mais avec une certaine limite, sinon il est impossible de l’enfiler et surtout de respirer. Il faut trouver le compromis entre une combinaison qui sera efficace dans l’eau et n’empêchant pas de s’exprimer. Par ailleurs, n’oubliez pas qu’elle va se détendre dans l’eau. Enfin il faudra qu’elle ne bloque pas les épaules (permettre des mouvements amples et peu couteux musculairement) et ne gêne pas au niveau du cou (les nombreux coups de bras pourraient entraîner des irritations jusqu’aux saignements).

Il faudra choisir la marque et le modèle en fonction du gabarit et des sensations. Il ne faudra aucune gêne qui pourrait modifier la nage et vous rendre moins performant ou pire vous blesser. L’idéal évidemment sera de l’essayer dans l’eau, à minima de réaliser des mouvements natatoires à sec. Attention à ne pas se centrer sur le prix, le design ou le choix des copains/copines. Cela doit rester très personnel. Certains modèles moins chers nous correspondent parfois mieux !

 

Modifies-tu ta nage en milieu naturel ?

A l’inverse du bassin où je m’entraîne presque toute l’année, je place certaines respirations devant moi. Comme en bassin, je respire tous les 2 temps, mais en course si je suis en tête de groupe, environ tous les 20 mouvements de bras je respire devant moi pour me situer et diriger mon cap. Plus j’approche des bouées, passage stratégique, plus je regarde devant moi, tous les 3-4 respirations, soit tous les 6-8 mouvements de bras. Cela sera essentiel car un mauvais cap c’est vite plusieurs minutes de perdues. 

A l’approche de vos triathlons reprenez l’habitude d’insérer cette modification de la respiration car elle pourra être coûteuse musculairement le jour J si elle n’est pas anticipée. Par ailleurs, je ne suis pas spécialiste, mais j’imagine qu’arriver sur le vélo avec les muscles du cou fatigués pourra être contreproductif.

 

As-tu une préférence sur ta position sur la ligne de départ ?

Personnellement je me place rarement à l’intérieur (par rapport à la bouée), car ce sera souvent le bouillon à l’approche de la bouée lorsque tout le monde se rabattra. Personnellement, j’essaye en nageant jusqu’à la première bouée de repérer les têtes d’affiche pour voir si tout est ok.

Il pourra par exemple être intéressant, je pense, si cela est possible de se placer au départ avec des copains qui savent bien se repérer en milieu naturel.

 

Quel conseils d’entraînement donnerais-tu à nos lecteurs ?

Je sais pour en voir beaucoup dans ma piscine, que beaucoup d’amateurs se tournent vite vers les longues distances en triathlon. Et, que l’erreur est souvent d’aligner les kilomètres. Bien évidemment à l’approche de la compétition il faudra spécifiquement se préparer à celle-ci, mais même moi qui suis spécialiste du 25 km je continue à beaucoup travailler ma vitesse. L’an passé cela se gagne sur un sprint à 4 concurrents où je touche 6 dixièmes devant l’Italien second. Mais, à ce stade de la course ce n’est pas que la vitesse pure qui compte, la preuve, mon adversaire possédait un record sur 400m bien meilleur au mien.

Mais, la vitesse permet surtout beaucoup d’adaptations intéressantes à l’endurance que l’on occulte trop.

Par exemple, posséder une réserve mécanique/gestuelle de vitesse permettra d’être plus économique à la vitesse de course. En clair, si je suis capable de faire des 50m vite et proprement, je devrais être capable en nageant plus lentement d’être plus efficient. Alors que si j’ai peu de marge au-dessus de ma vitesse de course je serai déjà « très haut dans les tours ».

Ce mercredi, les deux entraîneurs encadrants du stage (Magali et Franck Warlop, coach du champion d’Europe junior Clément Batté) nous ont concocté une séance 12 × 75m nagés à bloc ! Avec une récupérations de 25m souple, départ tous les 1’50 (peut-être allongé suivant notre réponse à l’altitude). Le « petit » Clément va me faire très mal, mais après cette séance, mon 3 × 3000m spécifique me paraitra facile gestuellement.

J’ai vraiment cette sensation que le travail de vitesse me permet de développer une endurance, un train plus rapide ensuite.

Crédit Photo : S.Kempinare
Crédit Photo : S.Kempinare

 

Tu as une séance à nous proposer ?

Commencez par un échauffement (1000m) avec du matériel et différentes nages, avec sur la fin, un 25 m plongé en limitant au maximum la respiration.

La série sera la suivante :

(50 m/100 m/50 m) × 2 sur une allure très rapide, rapide et très rapide avec des récupérations de 45 sec – 20 sec et 45 sec.

Enchaînez sur un 800 m  au train proche de vos allures de course.

Vient un enchaînement 150 m/100 m/50 m avec l’objectif de les réaliser en progressif, en finissant le 50 m, le plus vite possible. Pour les récupérations je préconise 45 sec à 1 minute car il faudra aller très vite.

Puis, finissez par un 200 m tranquille, la récupération active étant le meilleur moyen d’éliminer les traces de la séance.

Si cette séance passe bien, ajoutez à la fin un 4 × 25 m le plus vite possible ! En essayant de ne pas respirer !! Cette fois-ci, avec 1 min récupération. Cela peut paraitre beaucoup mais si les 25 m sont vraiment nagés très vite vous ne la regretterez pas.

 

D’autres conseils pour s’améliorer sur la partie natation d’un triathlon ?

Si vous voulez vous entraîner dans un cadre plus sympa, notre fédération a développé une coupe de France (https://ffn.extranat.fr/html/ressources/eau/2018_coupe_de_france.pdf) qui est un bon moyen de travailler : mettre la combinaison, choisir ses trajectoires, gérer les adversaires, le passage des bouées, le départ, l’arrivée, les phénomènes de course (vent, climat, température de l’eau, vagues…). Beaucoup d’étapes sont proposées, il est certain que certaines manches passeront près de chez vous.

Par ailleurs, de nombreuses distances sont souvent proposées : les 1,5 km et 2,5 km qui pourront vous permettre de travailler votre vitesse ; le 3,5 km proches de votre distance ironman ; le 5 km pour bosser votre endurance ; ou même les 10 km et 15 km si vous voulez vous tester sur nos distances ou durées internationales !

 

Comment appréhenderais-tu un triathlon avec ta grande expérience de champion ?

Comme sur un 25km, je ne miserai pas tout sur la 1ère partie de course. Il est primordial de se sentir « facile » pendant le plus longtemps possible. Il faut donc au maximum ronger son frein. Quel que soit notre niveau tout se joue en fin de course et lors de compétitions d’ultra endurance c’est souvent le meilleur gestionnaire de ses forces qui réussit ! Il me paraitrait donc essentiel de toujours chercher à progresser en natation que je comparerai à mon début de course. Moins elle vous coûtera, plus vous serez fort(e) derrière.

Crédit photo : S.Kempinare
Crédit photo : S.Kempinare

 

Tes derniers conseils ?

J’ai beaucoup parlé de l’importance de l’hydratation, donc je le répète à nouveau car cela me tient à cœur. A l’approche de la compétition, mais également au quotidien, car une bonne hydratation réduira énormément le risque de blessure (malgré mes fortes charges d’entraînement je ne me suis pas blessé depuis des années).

Par ailleurs, je porte une attention toute particulière à mon sommeil, élément numéro 1 de la récupération et de l’adaptation à l’entraînement, bien avant tous les autres ! Je sais que ce n’est pas forcément facile pour des non professionnels, donc dans la mesure du possible portez-y une attention particulière dans les 1 à 2 semaine(s) avant votre objectif, principalement en vous couchant assez tôt et si possible en y adjoignant des siestes (1h30 si vous avez vraiment besoin de récupérer, sinon simplement 20 à 30 minutes, surtout la seconde option à l’approche de la course).

 

Quel est le programme des prochains jours Axel ?

Nous venons de finir notre première semaine de stage avant tout tournée vers l’adaptation à l’altitude avec ton accompagnement et celui de Robin Pla aux petits oignons. Nous pouvons donc rentrer dans le vif du sujet pour les deux semaines à venir, avec des journées pour nous assez classiques, autour de 20 km avec tous les deux jours environ une série longue (autour de 10 km) ou courte et de vitesse (par exemple un 10 × 150 m max, départ 2’30) + 2 musculations par semaine centrées sur le travail de force/explosivité.

 

Merci Axel pour ce partage avec les passionnés de compétitions en endurance.

Crédit photo : S.Kempinare
Crédit photo : S.Kempinare

 

Pour les amateurs voici les liens vers l’apport d’Aurélie Muller (Course en eau libre : les précieux conseils de la championne du monde en titre) et les reportages de nos confrères d’Intérieur Sport consacrés à Aurélie (https://www.youtube.com/watch?v=Sh96Pe2YBRA&t=37s) et Axel (https://www.youtube.com/watch?v=UAb9oB5pRgI).

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

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