Quels sont les apports du travail en groupe en course à pied ? Que peut-on gagner et que risque-t-on d’y perdre ?
Comment adapter ses contraintes personnelles (temps, niveau) aux exigences du groupe et y puiser les ressources pour progresser ?

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Les africains de l’Est (éthiopiens et kenyans en tête) se sont toujours entraînés en groupe, en famille.

Ce partage des efforts est loin d’être une généralité dans la course à pied de tout niveau où l’individualisme et la peur de se confronter à l’autre sont trop souvent de mises.

Pourtant du débutant au coureur de haut niveau, l’entraînement en groupe semble présenter plus d’avantages que d’inconvénients.

 

Se mettre en mouvement

Quels sont les apports du groupe à chacun de ses membres ? Le premier élément rapporté par les coureurs s’entraînant en groupe est la motivation. Motivation pour sortir de chez soi et aller s’entraîner, motivation pour se dépasser. Le coureur motivé est celui qui s’oriente fortement et continuellement vers la réussite de son (ou ses) objectif(s) et qui ne se décourage pas devant les difficultés.

L’entraînement en groupe touche à ces 2 types de motivation. Le groupe est une source de motivation externe qui vient alimenter les fondements de la motivation interne, encore faut-il que l’individu s’implique dans le groupe et qu’il y soit reconnu. Pour traduire, la motivation née du collectif apporte l’énergie nécessaire à la poursuite des objectifs personnels en termes de performance et de réussite.

 

S’impliquer

L’implication est liée à l’image de soi et au rôle joué dans le groupe. Comme dans un système de vases communicants, l’implication est source de motivation et la motivation pousse à l’implication. Troisième notion liée aux deux précédentes : la satisfaction. Si une personne est satisfaite, il y a toutes les chances qu’elle continue à faire ce qu’il faut pour atteindre ses objectifs. Elle devra même les adapter pour faire face à des besoins en constante évolution.

 

entraînement en groupe
S’entraîner en groupe, motivation, implication, satisfaction

 

Courir en groupe, pourquoi ?

On court en groupe pour toutes les raisons que l’on vient d’évoquer. Le groupe est un lieu d’échange, de communication, de partage, de plaisir, de passions partagées. Le groupe est uni par une même passion et renvoie une image positive de chacun, valide des choix de vie personnels, intimes.

Mais on court aussi en groupe pour progresser, parce que la confrontation aux autres nous rend meilleurs et nous fait prendre conscience de nos qualités et de nos faiblesses. Le groupe nous aide à nous dépasser en évitant le repli sur soi. Encore faut-il respecter quelques fondamentaux que nous allons évoquer.

 

Courir en groupe, comment ?

En course à pied, le groupe pourrait être défini comme un certain nombre de personnes (de 2 à 15 environ) réunis par une même passion et poursuivant les mêmes objectifs. Pour un sport individuel, se retrouver à deux, c’est déjà faire l’expérience du groupe : fixer un horaire de départ, choisir un itinéraire, adapter les allures…accepter l’autre dans sa différence et faire accepter la sienne.

 

 

Voici quelques clefs pour réussir un entraînement en groupe :

 

Séance en nature

Beaucoup de traileurs, licenciés ou non, forment des groupes conviviaux et se retrouvent tous les dimanches pour une sortie commune. Il est très rare que les niveaux soient identiques au sein du groupe et on ne peut pas à longueur de temps ralentir pour attendre les autres, ou accélérer pour pouvoir suivre l’allure. Ces adaptations extrêmes se font au détriment du plaisir et le groupe va droit à sa dissolution.

Solution simple : on définit un itinéraire connu de tous à l’avance, communiqué par mail les jours précédents au besoin, et on constitue des sous-groupes de niveaux. De plus, on court les 10-15 premières minutes ensemble, ce qui correspond à un échauffement classique. Ensuite, chacun prend son allure naturelle, l’effet stimulateur du groupe – cet ensemble de personnes pratiquant la même activité au même moment – restant présent.

Autre possibilité : les coureurs les plus aguerris peuvent accomplir une boucle supplémentaire pour parvenir au point final au même moment que les autres. Un départ et une arrivée commune sont des actes fédérateurs du groupe.

À éviter : les meilleurs partent devant et attendent régulièrement les autres à des points définis. Les premiers s’entraînent en discontinu et attendent, les derniers se dépêchent pour ne pas trop faire attendre et ne récupèrent jamais !

Il est important que chacun trouve sa place et soit valorisé dans le groupe. Le premier peut se fixer comme objectif de performance d’accomplir quelques kilomètres en plus et de rejoindre ses compagnons. Le dernier peut se fixer comme objectif de ne pas se faire rattraper. Mais les objectifs peuvent se situer à un tout autre niveau : plaisir de l’effort physique, découverte de nouveaux chemins et paysages, partage d’émotions …

Sur une séance de VMA ou de seuil, les coureurs en tête peuvent récupérer en venant chercher les autres afin de rester ensemble sur toute la séance.

 

Courir à la durée

Autre solution avantageuse pour que le groupe évolue ensemble, réaliser les séances qualitatives sur circuit court et dans une même unité de temps. Par exemple, sur un circuit alternant les montées et les descentes sous forme d’ateliers techniques, la consigne peut être de tourner pendant 3 x 8 minutes. Ainsi, le groupe évolue ensemble de l’échauffement à la récupération, séance comprise, et chacun peut encourager les autres. Et rien n’empêche les experts de réaliser une session supplémentaire

Enfin, pour les groupes en nombre pair, il est pratique et ludique de réaliser une séance de bike’n run, l’un court et l’autre pédale sur un parcours plat ou vallonné.

 

Exemple de séance en Bike’n Run : échauffement 30min en alternant toutes les 5min mn, puis 8 x 3mn course à 90 % de la Vitesse Maximale Aérobie avec récupération 8 x 3mn sur le vélo. Finir par 2 x 5 mn en endurance fondamentale.

 

 

Séance sur piste

Sur piste, il est apparemment plus facile de s’accommoder du niveau des autres. Visuellement, qu’ils soient devant ou derrière, on ne les perd jamais. Les adaptations sont plus simples qu’en nature. Tout commence par un échauffement en commun couru à allure lente. Les meilleurs peuvent aller un peu plus lentement et les moins bons un peu plus vite sans que cela nuise à la qualité de l’échauffement. Ce qui se passe bien souvent dans la réalité, c’est que de petits groupes se forment naturellement au bout d’une dizaine de minutes et que chacun va à son rythme.

À l’échauffement, on peut parler ; je dirais même : on doit parler ! Entre 50 et 70 % de la VMA, la ventilation (le rythme respiratoire) n’impose pas le silence, alors profitez-en !

L’échauffement peut se poursuivre par une séance d’éducatifs réalisés en commun.

Il existe ensuite plusieurs solutions pour le corps de la séance. Prenons l’exemple simple de 3 coureurs devant réaliser 10 x 400m en 1’20, 1’22 et 1’24.

 

Premier cas : chacun réalise la même séance en termes de volume, d’intensité et de récupération.

Cela implique une dispersion des coureurs selon leur niveau dès la première fraction. Le risque pour le coureur en 1’24 est de se mettre en sur-régime au premier 400 m pour suivre les meilleurs et d’exploser. Pour mener à bien une telle séance, il est important que chacun se connaisse bien et regarde ses temps de passage tous les 100 m.

 

Deuxième cas : on adapte les volumes et/ou les intensités pour pouvoir courir ensemble.

Par exemple, le coureur en 1’20 va courir en 1’22 mais réaliser 14 fractions, et le coureur en 1’24 va courir en 1’20-1’22 en effectuant 2 séries de 4 fois 400 m. Autre possibilité, le meilleur coureur réalise des 500 m, le second des 400 m et le troisième des 300 m. Ainsi, chacun court à la même allure.

Dans ce cas, le plus judicieux, le plus motivant et le plus valorisant par expérience, chacun peut mener à son tour et servir de ‘lièvre’ aux autres. Il y a alors une vraie communion dans l’effort et une solidarité qui se créée, la réussite de la séance de chaque coureur étant liée à celle des autres. Dans l’histoire de l’athlétisme, on a vu ainsi de nombreux ‘lièvres’ devenir des coureurs de premier plan à force de se mettre au service des autres.

Bien entendu, deux coureurs en 30 et 50 mn aux 10 kms auront du mal à s’entraîner ensemble (si ce n’est le début de l’échauffement et la récupération) mais il est fort rare de rencontrer de tels écarts dans un groupe naturellement constitué.

L’entraînement en groupe implique fréquemment le dépassement de soi qui peut amener les athlètes à être en forme trop tôt. Chacun doit donc rester focalisé sur ses objectifs et savoir se reposer si c’est nécessaire, même quand le groupe continue à s’entraîner. Cette sagesse élémentaire est complexe à mettre en place.

 

 

Pour conclure, on peut dire que l’objectif de tout coureur, quelles que soient ses motivations, est la satisfaction de ses désirs.

Désir de partager, désir de progresser, de gagner, de repousser ses limites, de battre ses records. Pour y parvenir, le groupe semble être le lieu et le moyen idéal. Se motiver et motiver les autres, grandir ensemble. Encore faut-il que chacun soit reconnu en mettant en place les adaptations nécessaires aux différents niveaux. Ainsi, des « coureurs du dimanche » aux compétiteurs élites, le groupe se soude et tisse des liens solides, ou quand l’intérêt de tous rejoint l’intérêt de chacun.

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