Déconfinons, chargeons ! Oui, mais…

La période qui s’annonce ne devrait être que du bonheur pour les traileurs sevrés de grands espaces depuis des semaines. Sorties longues en montagne avec des descentes à tombeaux ouverts, sortie en VTT et en vélo de route avec des cols à gogo … bref l’éclate totale et la liberté retrouvée.

Oui mais toute période de reprise est une période à risque, comme l’a très bien expliqué Jean-Claude Vollmer dans son dernier article.

En effet, les changements de modalité d’entraînement, de surface, de distance, de durée…sont des risques potentiels de blessure qu’il ne faut pas négliger. L’envie est là, à son apogée, mais il faut respecter quelques règles simples pour profiter pleinement de cette période inédite.

 

Manipuler la charge

 

C’est un problème d’artificier. Si la charge est mal dosée ou mal manipulée, ça risque de vous exploser à la figure. Les études montrent que les blessures surviennent fréquemment après un pic de charge. Tous les entraîneurs, mais également les athlètes, devraient intégrer ces concepts transdisciplinaires. Remplir un carnet d’entraînement c’est bien, quantifier ses charges, c’est encore mieux car les repères du carnet (distance, dénivelé, modalité…) sont parfois insuffisants. Calculer ses charges de travail, c’est contrôler le respect des principes d’entraînement (progressivité, alternance, spécificité …), c’est calculer la monotonie de son programme et en déduire la contrainte, c’est-à-dire la manière dont l’organisme perçoit et encaisse la charge. 

Revenons à la charge ! Une charge d’entraînement s’évalue par la quantité de travail réalisé, l’intensité à laquelle il est effectué, et la nature de ce travail.

 

Quantité de travail
Intensité de réalisation
Nature du travail (contenu, complexité, spécificité…)

Paramètres de la charge de travail

 

Ainsi, comme nous l’avons rappelé très souvent, la charge ne se limite pas à un volume kilométrique, même pour les coureurs sur route à plat. La notion est bien plus complexe, tout comme le sont les effets de la dynamique de la charge sur les adaptations organiques. Smith en 2003 a proposé un diagramme synthétique de la charge, repris ici dans Les petits guides du trail running. Guide 1. Outdoor Editions. Pascal Balducci et Anthony Berthou. 

 

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Diagramme synthétique de la charge de travail, d’après Smith 2003

 

 

Prenons un exemple simple : une sortie d’une heure de course à pied peut se réaliser à intensité basse comme à intensité élevée, sur la route ou sur les chemins, à plat comme avec du dénivelé, tout en montée ou tout en descente, avec de la technicité ou non, sous la chaleur ou dans le froid… Dans chaque configuration, la charge sera différente, parfois du simple au triple, même s’il s’agit toujours d’une heure. Elle sera différente de manière objective mais également subjective. En effet, si je suis un montagnard, une heure de course en montagne aura un impact plus faible que si je suis spécialiste du marathon sur route. Dans chaque cas, c’est le RPE (Rating Perceived Exertion) qui, multiplié par la durée de l’effort, va donner la mesure de la charge. Ainsi, si je suis fatigué, mon ressenti d’effort (le RPE) sera plus élevé et la charge plus forte. 

Dans cette période de déconfinement, on comprend vite l’intérêt de quantifier ses charges de travail. En effet, tous les paramètres vont être modifiés rapidement, du volume à la spécificité, et si le principe de progressivité n’est pas respecté, le risque de blessure est grand. 

 

Voici quelques conseils basiques pour limiter les risques :

 

  1. Les compétitions étant repoussées à septembre, prendre le temps de la planification-programmation par la détermination de nouveaux objectifs. Voir
  2. Au moment du déconfinement, ne pas augmenter les charges de travail de plus de 20%. (par exemple passage de 2000 unités arbitraires à 2400 u.a)
  3. Conserver si possible un nombre d’entraînements hebdomadaires élevé pour mieux répartir les charges.
  4. Progressivité dans la durée des sorties longues (ne pas passer de 1h à 4h en 1 semaine)
  5. Progressivité dans la spécificité, et tout particulièrement en descente. Les courbatures générées seront néfastes à l’assimilation des charges.
  6. Diversifier les modalités d’entraînement (vélo, VTT, marche, ski-roues…) pour augmenter les charges sans augmenter les contraintes excentriques 

 

 

Cette période de confinement nous a tous poussé à nous entraîner autrement, en manipulant consciemment ou non les paramètres de la charge. Toute adaptation produit du positif, et il faut tirer profit des enseignements de l’entraînement confiné, notamment plus de renforcement musculaire et des charges mieux réparties. En se déconfinant, il faut se réapproprier progressivement les grands espaces sans chercher à rattraper un hypothétique retard. Et c’est peut-être l’occasion pour certains de noter les entraînements et de quantifier les charges. Cela constitue un moyen sûr de progression contrôlée, dès lors que l’on pratique un minimum de 4 fois par semaine, toutes disciplines confondues.

 

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