Femmes enceintes et nouveau-nés : « Maman, cours pour ma santé ! »

Article écrit par Cyril Schmit

La grossesse s’accompagne de restrictions alimentaires, professionnelles et environnementales. Mais elle est aussi faite d’encouragements, notamment sur le plan de l’activité physique. Et pour cause, les répercussions de cette pratique dépassent le « simple » cadre de la grossesse : elles accompagnent l’enfant bien des années !

L’Organisation Mondiale de la Santé a publié en novembre dernier des statistiques affolantes sur l’activité physique des 11-17 ans : 80 à 90% de ces jeunes (notamment les filles) n’atteignent pas la recommandation d’une heure d’AP par jour (sport, déplacement actif, tâches ménagères, etc.) en raison des emplois du temps scolaires (seulement 2 à 3h d’EPS hebdo) et de la démultiplication des écrans.

 

 

Pour anticiper les effets néfastes de ce manque d’AP, le moment le plus précoce pour intervenir est la période prénatale.

 

Les études cherchant à retracer les relations entre la femme enceinte, son niveau d’AP et l’état de développement du nouveau-né, mettent en avant des avantages déjà bien identifiés : 

– De moindres chances d’accouchement prématuré, 

– De moindres chances de macrosomie fœtale (en surpoids avant même de naître), 

– Une meilleure santé cardiaque du nouveau-né,

– Une meilleure évolution du poids après la naissance.

 

Sur le long-terme, ces avantages semblent avoir des répercussions sur le plan de la santé physique puisque des corrélations sont relevées entre ces caractéristiques et la masse graisseuse du bébé à 3 ans, et même avec son risque d’obésité à l’âge adulte.

 

À côté de ces observations, l’intention d’une récente étude (publiée dans Medicine and Science in Sports and Exercise en août 2019) a été de déterminer s’il existait aussi des avantages « moteurs » chez les nouveau-nés issus de femmes ayant été physiquement actives durant leur grossesse. Pour cela, 116 femmes en bonne santé, non-fumeuses, sans problématique médicamenteuse et récemment tombées enceintes ont intégré un protocole les séparant de façon aléatoire en 2 groupes distincts : un groupe « Contrôle » et un groupe « Exercice ».

 

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Les 2 groupes de femmes (Contrôle et Exercice) présentaient donc des caractéristiques proches, si ce n’est qu’à partir du 4e mois de grossesse et durant tout le reste du protocole ils se distingueraient par un point crucial : le type d’activité physique pratiquée :

 

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Dans le groupe « Contrôle », l’intensité de l’effort était mesurée de sorte à ne pas dépasser 40% de la fréquence cardiaque de réserve (qui correspond à l’écart entre la FC maximale et la FC au repos, par exemple : 180 – 60 = 120 bpm donc 40% de ce nombre correspond à 48 bpm à ajouter à la FC de repos, soit 108 bpm). 

De même dans le groupe « Exercice », que ce soit sur tapis roulant, home-trainer, elliptique…, l’intensité était ajustée pour être comprise entre 40% et 59% de la fréquence cardiaque de réserve (ou entre 12 et 14 sur une échelle de difficulté allant de 6 à 20). 

 

Tout le protocole et les grossesses se sont correctement déroulés (le bon respect des entraînements s’est élevé à 83%). Un mois après leur naissance, les nouveau-nés ont alors été testés avec tout d’abord un focus sur leurs caractéristiques initiales :

 

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Pour évaluer leurs compétences motrices globales, l’échelle de développement moteur Peabody a été utilisée (Peabody Development Motor Scale, 2nde édition – PDMS-2). Celle-ci se compose de 3 items : les compétences réflexes, stationnaires et de locomotion à partir desquels peuvent être calculés un Quotient de Motricité Globale (QMG) ainsi que les percentiles (évolution de l’enfant par rapport aux autres enfants, par exemple : une valeur au 20e percentile signifie que dans 80% des cas, la valeur est supérieure).

 

Voici le tableau des résultats.

 

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Les tests mettent d’abord en avant que « les nourrissons dont la mère faisait de l’exercice avant l’accouchement ont obtenu de meilleurs résultats pour les habiletés stationnaires et de locomotion ainsi que pour le QMG à un mois, que les nourrissons dont la mère n’avait pas fait d’exercice pendant la grossesse. » (McMillan et al., MSSE 2019). 

 

Cet avantage neuromoteur globalement positif en faveur du groupe « Exercice » semble à attribuer à : 

– La libération intra-utérine d’hormones de croissance et de facteurs de croissance (IGF-1) qui soutiendraient et alimenteraient le développement du fœtus,

– Le développement du cerveau et, plus largement, du système nerveux via une circulation sanguine plus importante (oxygénation) et une meilleure résistance aux inflammations (moindre stress oxydatif).

 

Comme le suggère les présents résultats, ces mécanismes auraient pour incidence une maturation cérébrale accélérée (notamment dans les régions motrices du cerveau) mais, surtout, davantage d’engagement à moyen-terme dans les activités physiques et de performance, comme le suggéraient 2 études :

– Sanchez et al., Medicine 2017 : Les retards dans le développement moteur s’accompagnent d’une moindre activité physique et d’une hausse de la sédentarité à l’âge de 7 ans.

– Rigway et al. MSSE 2009 : Une acquisition précoce de la motricité globale prédit une augmentation de la pratique sportive à 14 ans et une augmentation de la force musculaire, de l’endurance musculaire et de la capacité aérobie à 31 ans.

 

Sur la base de l’ensemble de ces données, au-delà de vous inviter, Mesdames, à chausser vos baskets, je laisse soin aux auteurs de conclure que : 

 

« Étant donné que de faibles habiletés neuromotrices sont associées à une diminution de l’activité physique chez les nourrissons et les enfants, ce qui constitue un facteur de risque d’obésité, la promotion de l’exercice pendant la grossesse peut avoir une influence positive sur les résultats de santé des enfants. »

McMillan et al. 2019

 

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