Route et trail : compatibles ?

Notre propos, via les articles produits pour Lepape-info, a toujours été de ne pas cloisonner les disciplines (piste, route, trail, cross, montagne), et tout spécialement dans la formation des jeunes athlètes.
Mais peut-on réussir au meilleur niveau dans 2 spécialités qui requièrent des qualités différentes, et donc des préparations bien spécifiques ?
Nous allons voir que ça peut être le cas avec 2 athlètes féminines : la Néerlandaise Nienke Brinkman et la Mauricienne Marie Perrier.

Pour les traileurs, la préparation croisée est une chose actée, peu de coureurs nature ne se préparant qu’au moyen de la course à pied. Une grande majorité pratique le vélo de route, le VTT, le ski de fond, le ski de randonnée, le ski alpinisme… et bien entendu le renforcement musculaire.

On croise à l’entraînement pour mieux se préparer aux compétitions de trail en développant notamment l’endurance fondamentale, la force, l’endurance de force et en réduisant la monotonie de l’entraînement.

Et puis il y a celles et ceux qui font une double saison, par exemple en ski alpinisme l’hiver et en trail dès le printemps venu.

Par exemple, cet hiver, nous avons vu l’Américain Jim Wamsley s’illustrer en ski alpinisme et remporter le classement général de la Millet Ski Touring devant les spécialistes. Pour ces athlètes, les objectifs principaux restent estivaux, la saison hivernale servant de préparation générale qui peut inclure bien entendu des entraînements de course.

Pour les ultra-traileurs, cette articulation de la saison est une manière de durer et de se préserver tout en développant des qualités utiles.

Il y a également les athlètes qui pratiquent le cross l’hiver et qui enchaînent avec des courses sur route (du 10 km au marathon). On a vu par exemple l’ultra traileur Mathieu Blanchard réaliser un joli 2h22’36 au marathon de Paris 2023, ou encore Julien Chorier en 2h32’02 au marathon de Rotterdam alors que le gros objectif de la saison sera le Tor des Géants (330 km et 24000m d+) début septembre.

Et enfin, il y a celles et ceux qui ne veulent pas choisir et qui poursuivent contemporainement des objectifs sur route et des objectifs en trail. D’ailleurs, dans la masse des pratiquants de la course à pied, beaucoup ont une pratique éclectique et alternent les épreuves sur route et les épreuves nature, guidés par le plaisir de la découverte et de l’accomplissement.

Le choc Nienke Brinkman. 2h22 sur marathon et 1ère des Golden Trail Series

Parmi ces athlètes, nous allons mettre en évidence 2 féminines qui affolent les chronos en ce début de saison sur le macadam, et dont les qualités de coureuse nature ne sont plus à prouver. La première, c’est la Néerlandaise Nienke Brinkman. En quelques mots, cette jeune docteure en géophysique qui fêtera ses 30 ans en octobre prochain, est la révélation de l’athlétisme européen.

Née à Djakarta en Indonésie, elle a pratiqué assidûment le hockey sur gazon et ne s’est mis que très tardivement à la course à pied (2018). Elle réalise sa première compétition en 2019 et termine 6ème du marathon de Zermatt (42.2 km et 1944m d+) dont elle prendra le record en 2021. Cette même année, elle prend la 2ème place de Sierre-Zinal derrière Maud Mathys, en 2h48, les spécialistes apprécieront.

Et en 2022, elle devient quasiment intouchable : elle remporte entre autres Zegama dans la ferveur basque, et les Golden Trail Series en démontrant des qualités exceptionnelles de grimpeuse. Oui mais Nienke a dans le même temps brillé sur la route.

Pendant le confinement en 2021, période pendant laquelle elle s’est entraînée plus assidûment, elle a réalisé un 2h39 sur le marathon virtuel de Rotterdam puisque l’épreuve n’a pas eu lieu. Agréablement surprise car elle visait un peu moins de 3 heures, elle se rend à Valence en fin d’année et claque un 2h26 !

Pour autant, elle ne fait pas le choix de se consacrer uniquement à la route même si 2022 sera l’année de sa consécration. En effet, en avril à Rotterdam, elle prend la 2ème place avec un chrono hallucinant de 2h22’51 ! La route des Jeux Olympiques s’ouvre à elle.

Elle intègre la NN Running Team d’Eliud Kipchoge et confirme aux championnats d’Europe de la spécialité en août à Munich en décrochant le bronze en 2h28’52.

L’année suivante, elle confirme sur semi-marathon avec un chrono exceptionnel de 1h07’44, puis sur le difficile parcours du marathon de Boston avec 2h24’58. Cette ascension fulgurante doit nous faire réfléchir sur son origine.

Voici ce que dit Nienke : « C’est bizarre, mais je pense que même si je fais de l’entraînement spécifique depuis peu (février 2021), toute ma vie, je m’y suis préparée intentionnellement. Je fais du sport depuis toujours, j’ai construit mon niveau en course à pied avec différents sports finalement, mais je ne le savais juste pas. »

Et elle poursuit : « La combinaison (route et trail) est très bien pour moiL’année prochaine, je vais sûrement plus m’entraîner sur route pour Paris, mais j’aime beaucoup les deux. Se concentrer sur une seule chose, ça peut être compliqué. Changer, c’est très bon pour le mental. ». Voilà de quoi alimenter nos réflexions !

https://www.nnrunningteam.com/team/nienke-brinkman/

Et oui, avec de telles références, Nienke Brinkman, la Néerlandaise volante (peut-être en référence au célèbre Finlandais Paavo Nurmi !?), est qualifiée pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 où elle peut espérer briller. Jamais une athlète féminine n’aura atteint les sommets (au propre comme au figuré) en si peu de temps.

Marie Perrier, en quête de JO

Autre athlète en quête de JO 2024 sur marathon, la Mauricienne Marie Perrier, licenciée au CA Balma (Haute Garonne).

Comme Nienke, elle fait preuve d’un bel éclectisme en ne se spécialisant ni dans le trail ni sur la route, ou plutôt sur les deux en même temps.

En 2018, Marie remporte le championnat de France de trail devant Adeline Roche et Clémentine Geoffray. Les saisons suivantes, elle alterne avec bonheur le cross, la route et le trail.

Elle fait son premier marathon en 2022 à Barcelone, pour découvrir la distance et prendre le record national, ce qu’elle réussit en 2h39’43. Cette même année, elle remporte le Nice by UTMB© (62 km et 3300m d+) et le marathon des Causses, puis s’aligne sur le marathon de Valence en décembre où elle améliore son record de 5min avec un joli chrono de 2h34’35.

Début 2023, Marie remporte les ½ finales de France de cross, termine 20ème aux France de Carhaix, enchaîne sur un 10 km en 34’29 puis un semi-marathon en 1h12’50 (derrière Manon Trapp en 1h11’26).

Cette succession d’épreuves fait partie de la préparation au marathon de Rotterdam où l’objectif est de 2h29’30, chrono à partir duquel les athlètes pourront être qualifiées pour les JO. (pour rappel 80% des athlètes, 3 par nation, seront sélectionnées sous les 2h26’50, au lieu de 2h29’30 à Tokyo).

Aidée d’un pacer de luxe (Gabriel Briand) et dans les temps jusqu’au km 35, Marie craque un peu entre le 35ème et le 40ème et réalise 2h29’40 en améliorant une nouvelle fois son record de 5 min. En attendant une nouvelle tentative à Valence en fin d’année, Marie va revenir sur le trail pour disputer entre autres les mondiaux en Autriche.

Que retenir de tout cela ?

Si ces 2 exemples de double réussite se ressemblent, ils ne sont pas nécessairement à suivre, chacun devant trouver sa propre voie. Pour autant, ils nous démontrent que les activités route et trail peuvent être complémentaires, les qualités développées dans l’une étant utiles à l’autre.

Pour les coureurs sur route, il faut réfléchir aux apports de l’entraînement croisé et des courses nature (avec dénivelé et technicité) pour améliorer ses qualités de routard. Pour les coureurs de trail, les courses sur route et leur préparation paraissent également très intéressantes. Nous en reparlerons.

7 réactions à cet article

  1. Étonnant de parler d’alternance Skimo / trail sans même évoquer Rémi Bonnet…

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  2. Bonjour, que pourrait on envisager comme entrainement si un amateur par exemple souhaite tenter un Marathon sur route en mai avec un objectif de 3h30 et en octobre compléter un marathon en trail , rien d’exagérer en terme de D+, du genre 2000M et plutôt roulant?

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    • Bonjour ED. Dans le cas que vous évoquez, maratrail avec faible d+, la transition sera assez simple à partir de votre préparation du marathon sur la route. Toutefois il faudra prendre en compte :
      – le dénivelé positif (travail force et endurance de force, technique bâtons (si vous les utilisez)
      – le dénivelé négatif et ses contraints excentriques, la technique de descente, l’engagement
      – la durée de l’effort qui sera rallongée d’un minimum de 2 heures
      Il faudra donc intégrer tous ces points dans vos séances en insistant peut-être davantage sur l’entraînement croisé et le renforcement musculaire. la nutrition et le pacing (via les FC) devront être particulièrement soignés.

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      • Merci beaucoup pour votre réponse ainsi que votre promptitude à me répondre. Je tiendrai compte de ces différents points dans une certaine progressivité.

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  3. Bonsoir Pascal

    En deux mots, pensez-vous vous qu un trail d une petite trentaine de kilo avec 1200 de d+ soit intéressant 2 mois avant un marathon sur route?

    Pour moi, c est judicieux car c est l occasion, en préparant le trail de travailler en force et endurance de force tout en préparant le corps à un effort assez long et il me semble que cela sera bénéfique pour un marathon qui requiert ces qualités la. Il faudra bien sûr faire des séances spé marathon sur route à proximité de l épreuve à la suite du trail. Globalement, êtes-vous OK la dessus?
    Bien cordialement

    Pierre

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  4. Bonjour Pierre c’est tout à fait envisageable en effet si bien entendu cela est couplé avec du travail spécifique marathon. On travaille en effet l’endurance, l’endurance de force, la force… et on diminue la monotonie de l’entraînement ce qui est aussi très intéressant. Mais on ne travaille directement ni l’allure spécifique ni l’économie de course.

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  5. Merci beaucoup Pascal

    Bien à vous

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