De la planification de l’entraînement … à celle de la récupération

Demandez à un coureur de vous présenter les soubassements de sa progression, et il vous décrira en priorité l’agencement de ses séances d’entraînement, ses implications dans l’effort, etc. Posez maintenant la même question à un coach, et observer le différentiel de réponse fondé sur… la prise de recul. Et donc l’évocation de la récupération ! Alors que les réflexions relatives à la dynamique des progrès sont en effet généralement cristallisées autour de la notion de charge, qu’en est-il de l’optimisation des outils de récupération ? Tour d’horizon.

Marathon de Paris 2014

À l’entraînement comme ailleurs, le principe de dose-réponse s’applique lorsqu’il s’agit de compenser (voire surcompenser) la fatigue induite par l’exercice. Ainsi un marathon sera plus longuement évacué qu’un 10km ; et ce 10km plus difficilement qu’un 20km vélo – malgré des durées similaires. Questions de traumatismes musculo-articulaires imposés par les contacts au sol… Malgré ce constat évident, une absence de consensus règne néanmoins quant à l’optimisation des moyens à mettre en œuvre consécutivement à un effort donné. Pourquoi ?

 

La problématique des traumatismes évoquée ci-dessus apporte une première piste de réflexion. Car organiser sa récupération c’est d’abord interpréter les contraintes de SON effort. Par exemple, l’athlète aura intérêt à réaménager son programme après le 10km en favorisant les séances de natation… Mais la question du niveau d’entraînement compte aussi puisque, pour une même durée d’épreuve, l’athlète confirmé récupérera plus vite que le débutant. Ainsi, le premier pourra opter pour des stratégies de récupération à court terme (hydratation, nutrition) tandis que le second sera certainement amené à engager un process à plus long terme (balnéothérapie, sieste).

Une seconde piste expliquant l’absence de consensus a trait aux réponses individuelles ; ces particularités qui imposent de relativiser l’intérêt d’une méthode au regard des contextes de vie / spécificités intrinsèques de l’athlète. En effet, alors que vous pouvez affectionner les effets thermiques/relaxants des massages, comment répondra votre partenaire moins à l’aise dans ce type de situation ? Comment réagirez-vous une fois plongé dans un caisson de cryothérapie, à la machinerie de l’électro-stimulation ou en situation de sieste ? D’ailleurs, répondrez-vous toujours de la même manière ou manifesterez vous une accoutumance ?

Dans ce contexte, une étude a récemment démontré l’effet placebo des sessions d’immersion en eau froide consécutivement à un effort intermittent très intense. En effet, comme attesté par les indices de performance, les sujets ne démontraient aucune différence de récupération après 15minutes d’exposition à un bain froid (10°C) ou après un bain tempéré (34°C) annoncé comme aussi efficace que le bain froid. Ces deux modalités induisaient toutefois de meilleurs résultats que la situation contrôle (elle aussi de 34°C). Sur cette base, il semble que récupérer corresponde d’abord à s’approprier le mode utilisé : découvrir, croire, expérimenter, personnaliser, réajuster, etc.

 

Malgré cette hétérogénéité de réponses, une consistance d’opinions s’établit sur les buts à viser post-exercice : la récupération doit permettre de régénérer le système notamment en reconstituant les réserves énergétiques et d’eau, en réparant les traumatismes induits par l’exercice et en évacuant la fatigue nerveuse liée à l’exercice.

Pour cela, les techniques ne manquent pas, des apports nutritionnels spécifiques aux stratégies de refroidissement en passant par la problématique des étirements ou celle des bas de compression. Si les débats sont nombreux eux aussi, aucun ne remet pourtant en question l’intérêt à accorder à 3 piliers de la récupération : le sommeil, l’hydratation, la nutrition. Voici donc quelques bases à expérimenter puis à personnaliser :

  • Distribuer l’hydratation dans les 2h post-exercice afin de boire 150% du volume d’eau perdu, estimé par [(pesée pré-exercice – pesée post-exercice) + volume ingéré pendant l’effort]. Alterner eau et boisson d’effort afin de favoriser l’absorption de l’eau par le corps et ainsi limiter les pertes urinaires (notamment si l’effort a lieu en soirée pour éviter les réveils nocturnes). En effet, les boissons d’effort peuvent permettre une meilleure assimilation d’eau par le corps de 10% par rapport à une boisson normale.
  • Insister sur le restockage des glucides (fruits sec, céréales) ainsi que sur la prise rapide d’une boisson protéinée (environ 20g pendant ou immédiatement après l’effort) si la séance a duré >1h et que le prochain repas n’est pas imminent. Ne pas hésiter à diversifier les aliments ressources pour inciter à la consommation. Le lait, c’est donc optimal (hydratation et protéines) avec des céréales (glucides).
  • Limiter les sources d’activations importantes et répétées (gérer un agenda, une tâche inhabituelle, etc.) si la séance d’entraînement a été dure et que la prochaine pause est différée. En effet, les niveaux de fatigue professionnelle, affective, sportive… s’additionnent en limitant alors autant votre productivité que votre récupération.
  • Programmer une sieste de 20-30 minutes après le repas du midi. À défaut de bénéficier de la phase de sommeil profond (régénérations musculaire, immunitaire, cognitive…), vous repartirez au moins plein de dynamisme. D’ailleurs, songez que les effets stimulants du café (s’ils s’exercent sur vous ! ) ne sont effectifs qu’après une bonne demi-heure et ne sont donc pas incohérents avec une sieste.
  • Potentialisez votre récup’ en combinant les modalités boisson protéinée / sieste / électromyostimulation légère, ou encore vêtement réfrigérant sur le buste/ massages des jambes / hydratation. Vous accélérerez ainsi le retour à l’état d’homéostasie. À défaut de les combiner, vous pouvez sinon tenter des les agencer judicieusement (ex : d’abord refroidir le corps avant de l’hydrater pour maximiser la réhydratation). Beaucoup de modalités sont délaissées par estimation de manque de temps ou d’organisation (alimentation, hydratation, temps de pause, etc.) alors qu’elles sont tout simplement indispensables. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus d’entreprises proposent des temps de sieste post-lunch… Pourquoi pas vous ?

Vous l’aurez compris, la récupération n’est donc pas que physiologique et doit, de surcroît, être personnalisée. Dans cette perspective, tester, trier, individualiser, combiner, et même croire en de nouvelles modalités de récupération représente certainement une attitude propice à la performance. À l’image des problématiques d’entraînements ou de gestion d’allures, l’idéal de récupération réside ainsi probablement dans la modulation des stratégies pour en maximiser les effets.

 

Récupérer… toujours ?

Aussi surprenant que celui puisse paraître, maximiser les effets d’une stratégie de récupération passe parfois par une « non-récupération » (l’absence de mise en place de stratégies post-exercice). Curieux, non ? En fait, la raison d’un tel phénomène prend racine dans la capacité du corps à s’adapter aux éléments et donc à développer des ajustements spécifiques. Ainsi, puisque les stratégies de récupération permettent de réduire de façon rapide et importante les effets stressants de l’exercice physique, alors de moins grandes adaptations du corps seront opérées suite à l’entraînement (hypertrophie musculaire, développement d’enzymes spécifiques, mécanismes de sudation, sensation de confort, etc.). En clair, employer une modalité de récupération, c’est en quelque sorte apporter une aide supplémentaire au corps pour que celui-ci retrouve son état de stabilité.

 

Quelle conséquence à l’entraînement ?

La programmation des séances repose souvent, pour des raisons d’emplois du temps, sur des semaines comparables en volume et variables en intensité. Le but étant d’obtenir un pic de forme à un instant précis de la saison. À cet égard, l’idée de potentialiser les effets de la récupération pourra passer par une gestion stratégique du stress d’entraînement pendant la période de surcharge, en cherchant à maximiser ce stress pendant ET après les séances intenses. Comment ? En minimisant les stratégies de récupération afin d’apprendre à l’organisme à développer par lui-même des réponses adaptatives. Cela peut passer par l’absence d’apports glucidiques suite à une sortie longue, d’apports en protéines après une séance de musculation, d’eau après une séance d’acclimatation à la chaleur, de sieste entre 2 entraînements difficiles…

À l’inverse, lors de la période d’affûtage pré-compétitif, l’enjeu sera inverse. Il s’agira là de fournir au corps l’ensemble des aides lui permettant de retrouver un état basal – voire amélioré – afin d’élever son potentiel de performance. Les combinaisons de modalités de récupération prennent ici toute leur place : votre corps n’ayant alors plus été accoutumé à recevoir ces aides pendant la période d’entraînement, il assumera bien volontiers les apports que vous lui fournirez (en assimilant plus efficacement).

 

En somme, temps forts vs. temps faibles d’entraînement ne renvoient donc respectivement pas à Charge vs. Récupération. Ils renvoient aussi à une périodisation de la récupération. Récupérer, c’est aussi planifier. Et puisque les modalités sont plurielles, la liste n’en demeure que plus personnelle, alors … à vos stylos.

Cyril Schmit

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