Aujourd’hui il n’est plus possible d’assister à une course sur route ou un triathlon sans voir une grande majorité des concurrents regarder sans cesse leur montre, GPS, ou autre capteur de puissance. Pourtant, lorsque l’on observe des sportifs de très haut niveau, l’inverse sera souvent constaté.
Une étude a testé l’intérêt de connaitre son intensité d’exercice sur le résultat final d’une épreuve. Ses concluions : il est clairement précieux de savoir courir aux sensations.
Explications :

Pourquoi courir à la montre ?

 

Petit rappel : chaque personne possède un niveau physiologique et athlétique qui lui est propre. Il est clair que quelqu’un valant 40min au 10km, explosera très rapidement s’il suit le dès le départ un concurrent visant une performance en 35min.

Mais, il ne devra peut-être pas suivre non plus la grande masse des concurrents visant 40min, car chacun suivant ses points forts et faibles va construire différemment sa course.  L’un va par exemple tenir une allure cible du début à la fin de l’épreuve, alors qu’un autre devra en garder sous le pied pour s’exprimer dans le dernier kilomètre sous peine de ne pas tenir la cadence en partant à l’allure cible.

Que ce soit la vitesse de course pour un coureur ou la puissance développée pour un cycliste, se connaitre et avoir un retour sur son intensité externe (vitesse, puissance) pourra permettre à la fois de ne pas s’enflammer en partant trop vite ou à l’inverse de ne pas être en sous-régime. Dans les deux cas l’objectif sera de réaliser la meilleure performance par rapport à ses moyens identifiés en amont.

Pourtant, les athlètes « élite » eux ne regarderont que très peu souvent ces moniteurs…

 

 

Quels éléments apporte cette étude ?

 

L’étude a été réalisée en Ecosse en 2014. Huit coureurs à pied réalisèrent un 5000m sur tapis roulant dans trois situations différentes. Dans une première situation, ils ne recevaient aucun retour sur leur vitesse de course et la distance parcourue. Dans les deux autres situations, ils étaient informés de leurs temps de passage à chaque kilomètre ou tout au long de l’épreuve sur la distance exacte restant à parcourir.

La performance réalisée dans la situation sans « feedback » a été moins bonne que dans les deux autres conditions. Sans retour sur leurs allures, les participants adoptaient une allure plus lente sur les deux premiers kilomètres et accéléraient un peu en fin d’épreuve. Dans les deux autres situations (feedbacks ponctuels ou continus), aucune différence de performance ne fut observée. 

Par contre, la difficulté perçue de l’effort et son évolution était identique dans les trois conditions et sur l’ensemble de l’épreuve sur tapis de course. Les sportifs avaient donc tous joués le jeu d’une part, et semblaient avoir donné le meilleur d’eux-mêmes.

 

 

Quelles conclusions tirer de ces résultats ?

 

Tout d’abord si l’athlète sait ce qu’il vaut, il semble intéressant qu’il puisse connaitre son allure pour être au plus proche de ses capacités optimales et ainsi maximiser sa gestion de l’effort. Il pourra alors ajuster en continu son intensité d’effort en fonction de la performance ciblée et réajuster rapidement le tir en cas de ralentissement ou d’accélération involontaire. L’exemple classique étant le départ rapide, grisé par le groupe de concurrents et les spectateurs ou le trou avec la baisse de l’allure en milieu de parcours qui sera facilitée par la monotonie de l’effort. 

Mais ces résultats peuvent également être interprétés totalement de manière inverse. Ces sportifs amateurs semblant démontrer une incapacité à optimiser leur gestion sans indicateurs externes. En effet, on peut considérer que si de simples sensations ne suffisent pas à réguler l’allure de manière fine et optimale, c’est que ces sportifs ne seraient finalement :

1) pas suffisamment à l’écoute de ces dites sensations

2) ou, qu’ils ne sont finalement pas suffisamment préparés à savoir projeter la manière dont leur ressenti d’effort est supposé évoluer au fil de la course et ainsi leur indiquer s’ils doivent accélérer ou ralentir en fonction de la distance restant à parcourir, élément auquel il faut ajouter le dénivelé, la météo, la nature du terrain et l’adversité s’ils étaient en situation de compétition.

 

 

Une raison de plus d’y croire !

 

Dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de Rio, une équipe de chercheurs de l’INSEP, aidés de collaborateurs australiens avaient monté un protocole visant à maximiser la préparation Olympique. La problématique à Rio étant qu’il pouvait, au mois d’août, y faire très chaud. Il fallait donc se préparer à la pire condition pour les épreuves d’endurance : la chaleur.

Avant de partir, les sportifs retenus, des triathlètes très bien entraînés, réalisaient donc une série de tests qui comprenant notamment des contre la montre cycliste de 20km où le seul retour donné était la distance restant à parcourir. Pas de vitesse, de puissance ou autre fréquence cardiaque. Ces derniers étaient réalisés à la fois en conditions « hot » (34°C, 70% d’humidité) et « cool » (20°C, 50% d’humidité). Avant donc de partir pour un stage d’entraînement d’une dizaine de jours en Guadeloupe, camp de base des sportifs, les triathlètes avaient beau multiplier les tests de contre la montre en condition « hot », ils explosaient chaque fois dans ces conditions pour lesquelles ils n’étaient pas préparés, partant toujours trop fort pour les conditions de stress qu’imposent chaleur + humidité ! Impossible pour eux d’adapter leur intensité d’exercice à la condition d’exercice demandée.

Au retour, acclimatés, évidemment le test se déroulait très bien, leurs performances se rapprochant même de celles réalisées en condition neutre avant le stage d’acclimatation.

La plus grosse surprise au retour a été de constater sur l’épreuve contre la montre en condition « cool » que les triathlètes acclimatés connaissaient tous une forte augmentation de leurs performances lors de ce test.  Liées aux adaptations physiologiques du stage au chaud ? Ces derniers démontraient par exemple une importante augmentation de leur volume plasmatique, soit de leur volume de sang. Intéressant car c’est l’un de nos principaux carburants sur un effort d’une trentaine de minutes.

Pour reproduire ce que les sportifs pouvaient rencontrer à Rio, les triathlètes réalisaient au retour du stage en Guadeloupe, un affûtage de 15 jours en métropole, en plein mois d’avril où le thermomètre ne flirta qu’autour d’une quinzaine de degrés. Suffisant pour que le volume plasmatique et les différentes adaptations positives liées à la chaleur s’estompent.

Il fallait donc aller chercher ailleurs pour expliquer cette forte augmentation de la performance. La principale explication était de nature psychologique. Les sportifs ayant rencontré une difficulté plus importante à l’entraînement et lors des tests en raison du stress imposé par la combinaison chaleur – humidité, avaient alors progressé mentalement à la tolérance la chaleur et donc la pénibilité de l’effort. De ce fait, pour une même difficulté ressentie, ils étaient maintenant capables d’appuyer plus fort sur les pédales…sans la chaleur ! Implacable.

Heureusement ici qu’ils ne connaissaient pas leur puissance développée ou vitesse de déplacement. Sinon, ils auraient sans aucun doute pédalé moins fort que leurs capacités du jour par précaution vis-à-vis de leurs capacités passées.

 

 

Réapprendre l’écoute de soi !

 

En résumé, l’idéal est sans doute d’effectuer des séances avec feedbacks sur son allure, mais d’apprendre parfois sur d’autres à s’en passer

S’entraîner sans regarder sa montre GPS ou son capteur de puissance, en s’obligeant à ne jeter un œil sur ces outils de monitoring, que de façon très ponctuelle pourra s’avérer très instructif. Si la différence entre le prévu et le réalisé est grande, c’est qu’il faut améliorer sa gestion personnelle de l’allure. Si la différence est faible, vous constaterez quoi qu’il en soit qu’il est fun de s’amuser à déterminer son allure à la seule écoute de ses sensations.

De plus, ce genre d’exercice en aveugle ramène aux sources en aidant à être plus attentif aux informations que nous renvoient nos muscles, nos poumons, notre cœur, nos sensations de chaleur, de froid, d’appui… Cela sera un vrai plus dans des sports d’endurance, où la connaissance de soi est la clé.

Se tromper d’allure en compétition par rapport à sa forme du jour, que ce soit trop vite ou trop fort tirera toujours les performances vers le bas. Les facteurs extérieurs (chaleur, froid, vent, dénivelé, terrain, adversité, etc.) seront en revanche très impactant sur la performance. Il faudra donc savoir s’y adapter. Avec l’expérience il sera de plus en plus possible d’anticiper leurs contraintes. Moins ce sera le cas, plus il faudra donc affiner son allure à ce qu’il se passe en course. D’autre part, que faire lors d’un bon ou mauvais jour ? S’adapter ! 

Les meilleures performances et les records ont souvent été réalisés en étant capable sur ce jour incroyable de s’écouter (ou de ne pas s’écouter ? C’est selon l’interprétation de chacun) pour aller plus vite à un instant T et passer la ligne bien avant les prévisions d’avant course.

Apprenez à écouter votre ordinateur personnel et vous serez surpris de l’impact sur vos performances.

 

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

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