Floriane Hot : « Être championne du monde j’y avais pensé dans mes rêves les plus fous mais certainement pas avec un tel chrono. »

Floriane Hot championne du monde du 100 km en 7h04’03 à Berlin (Allemagne) a réalisé un exploit magistral.
La Toulousaine âgée de 31 ans championne de France en avril et qui disputait seulement le deuxième 100 km de sa carrière a pulvérisé le record de France en 7h26’44 de Laurence Klein qui datait de 2007 et s’est également offert le luxe d’améliorer de plus de 6 minutes le record d’Europe de la distance établi par la Russe Tatyana Zhyrkova en 2004 en 7h10’32.
Superbe doublé des Françaises avec Camille Chaigneau vice-championne du monde en 7h06’32. Peu de temps après l’arrivée, Floriane Hot avait du mal à réaliser la portée de sa performance exceptionnelle. Entretien.

Floriane Hot championne du monde du 100 km - Crédit photo : Sami Vaskola

Lepape-info : Floriane, vous vous attendiez à réaliser une telle course ?

Floriane Hot : Cela s’est passé beaucoup mieux que prévu, mon plan était de partir sur les bases du record de France de Laurence Klein (7h26’44) en espérant que cela tienne. Je n’avais pas imaginé être championne du monde et encore moins avec ce chrono (7h04’03 – record d’Europe).

 

Lepape-info : Comment avez-vous vécu ce championnat du monde de 100 km ?

F.H : Beaucoup moins bien finalement qu’à Belvès (Dordogne) lors du championnat de France au mois d’avril. Je n’ai pas eu de très bonnes sensations dès le début, j’ai plus souffert que prévu et plus tôt que je ne le pensais. Dès le 30ème kilomètre j’avais les jambes lourdes, je me suis dit que cela allait être long, j’ai regardé ma montre qui indiquait 2 heures de course, j’ai réalisé qu’il restait environ 5h-5h30, c’était compliqué. À Belvès jamais je ne m’étais jamais fait la réflexion qu’il me restait 5h, 4h de course à un moment donné. Ce fut dur psychologiquement, je suis parti 12-13ème j’ai remonté mes adversaires, cela m’a aidé moralement de voir que j’arrivais à revenir sur certaines filles malgré mon mal de jambes. Finalement j’ai conservé une allure plus rapide que je l’imaginais, je me suis retrouvée en tête à deux tours de la fin (environ 15 km de l’arrivée) avec Camille Chaigneau pas loin derrière, j’ai essayé de tenir jusqu’au bout, j’avais tous mes proches le long du parcours, mes parents, mon compagnon Nicolas (Navarro), mon frère, ma sœur, mes cousines, mes copines, ils et elles m’ont poussé et m’ont aidé à tenir jusqu’au bout.  

 

Floriane Hot : « Avant le départ je me disais que battre déjà le record de France serait génial, ce n’est que dans le dernier kilomètre que mon frère m’a dit que j’étais au moins deux minutes en dessous du record d’Europe. »

 

Lepape-info : Nouveau record de France et d’Europe à une moyenne de 14 km/h c’est phénoménal

F.H : Cela me parait fou si on m’avait dit il y a quelques temps que je serais capable de faire cela je ne l’aurais jamais cru. Lors de ma préparation, mes sorties longues se sont toujours bien passées, j’ai enchaîné beaucoup de kilomètres mais comme l’on dit à partir de 60 km c’est vraiment l’inconnue, à partir de ce moment de la course on ne sait pas comment le corps va réagir. J’ai eu de la chance que cela tienne.

 

Lepape-info : Vous avez pulvérisé votre record qui était de 7h42 établi à Belvès ! Vous réalisez le record d’Europe lors du deuxième 100 km de votre carrière ! 

F.H : Oui en plus ce chrono je ne l’avais même pas regardé. Avant le départ je me disais que battre déjà le record de France serait génial, ce n’est que dans le dernier kilomètre que mon frère m’a dit que j’étais au moins deux minutes en dessous du record d’Europe. Je ne savais même pas j’ai puisé dans mes dernières forces pour tout donner. Je suis partie à mon allure de 4’25-4’20 au kilomètre, je me suis vite retrouvée seule avant d’apercevoir une Américaine et une Irlandaise, je me suis fait violence pour essayer de les rattraper et ne plus courir seule. Du coup cela m’a fait accélérer et je me suis demandé si je pouvais tenir. Une fois calée sur ce rythme plus rapide que prévu je n’ai plus ralenti et j’ai tenu jusqu’au bout (record de France pulvérisé de 22’41 et record d’Europe amélioré de 6’29).

 

Lepape-info : L’ancien record de France était détenu par Laurence Klein qui était présente car membre de l’encadrement de l’équipe de France du 100 km

F.H : Elle était très émue à l’arrivée mais aussi au départ elle nous avait dit qu’elle aurait aimé être avec nous dans la course, dans son rôle au bord de la route elle fut bien présente auprès de nous. C’était un beau moment d’émotion pour tout le monde.  

 

Lepape-info : Votre prochain objectif c’est de battre le record du monde ?

F.H : Non, non pas pour le moment (rires), je vais me reposer. J’ai subi ma préparation, ce fut très compliqué, je suis allée au bout de moi-même. Normalement l’été est un moment où je coupe et là j’ai enchaîné les 100 km de Belvès et Berlin depuis avril. Disons que pendant un mois et demi, je n’ai pas fait d’entraînement spécifique mais j’ai repris rapidement pour préparer Berlin alors qu’au départ je n’avais prévu que Belvès. En plus cet été il a fait très chaud j’ai eu du mal à enchaîner, j’ai envie de me reposer, je ne ferai pas de marathon d’ici la fin de l’année, je veux juste récupérer, couper pour me régénérer. J’en ai besoin physiquement et mentalement.          

 

Lepape-info : Dans votre préparation vous êtes monté jusqu’à quel kilométrage par semaine ?

F.H : J’ai enchaîné 3-4 semaines à plus de 200 kilomètres (semaine à 150 km plus la sortie longue jusqu’à 55 km en fin de semaine) tout cela dans la chaleur, du coup mon entraîneur m’a dit de ne pas trop forcer car la récupération était plus difficile, je n’ai pas fait de sortie longue à 60 km comme avant Belvès.

 

Lepape-info : Camille Chaigneau termine 2ème à 2’29 derrière vous avec un doublé pour l’équipe de France  

F.H : Oui cela veut dire que nous avons toutes les deux fait mieux que l’ancien record d’Europe. Dans le bus, après la course, on se disait que c’était fou que le record de France ait tenu depuis 2007 et le record d’Europe depuis 2004 et que là ces chronos soient battus par nous deux d’un coup. Le 100 km connait un nouvel élan depuis quelques années, les athlètes sont plus jeunes, les nouvelles chaussures avec les semelles en carbone nous permettent d’enchaîner plus facilement les kilomètres en préparation et de mieux récupérer, cela aide forcément sur ce genre de course.         

 

Lepape-info : Le parcours du 100 km était roulant comme celui du réputé marathon de Berlin ?

F.H : Oui totalement, cela changeait de Belvès où il y avait beaucoup de dénivelé avec un superbe décor. Ici à Berlin, c’était très dur moralement avec les boucles à répétition que l’on enchaînait, l’avantage c’est que je voyais souvent ma famille et mes proches par contre avec les allers-retours et les virages à 180°C c’était difficile, j’ai eu du mal. Les lignes droites j’essayais de me les découper en plusieurs tronçons pour que cela passe mieux.

 

Floriane Hot : « Si j’en suis là c’est en grande partie grâce à Nicolas, il me conseille, il me rassure. J’ai la chance qu’il ait beaucoup plus d’expérience que moi, il sait quelles sont les erreurs à ne pas faire ou à ne pas reproduire. D’ailleurs c’est lui qui m’a dit de me lancer sur le 100 km. » 

 

Lepape-info : Votre entraîneur Jérémy Cabadet est le même que celui de votre compagnon, Nicolas Navarro (récent 5ème du championnat d’Europe de marathon), un trio qui marche à merveille  

F.H : Oui en effet nous nous entendons très bien avec notre coach qui est un ami avant d’être un coach. C’est naturel de s’entraîner avec lui, tout se fait dans une très bonne ambiance. C’est ce qui fait aussi que cela marche. Il nous prépare nos plans mais il nous laisse beaucoup de flexibilité par exemple si je suis fatiguée ou si je dois m’adapter avec mon travail. Il nous met aucune pression.

 

Lepape-info : La présence, le soutien de Nicolas Navarro est indispensable

F.H : C’est ce qui fait ma force, notre force au quotidien. Je lui dois beaucoup si j’en suis là c’est en grande partie grâce à Nicolas, il me conseille, il me rassure. J’ai la chance qu’il ait beaucoup plus d’expérience que moi, il sait quelles sont les erreurs à ne pas faire ou à ne pas reproduire. D’ailleurs c’est lui qui m’a dit de me lancer sur le 100 km. Cela s’est passé en janvier dernier, il partait pour 5 semaines de stage au Kenya. Avant son départ nous étions à l’aéroport et je n’avais pas trop le moral car je devais rester en France pour mon travail, il avait peur que je m’ennuie, je ne savais pas trop quel objectif me fixer je pensais au marathon de Rotterdam mais bon … et c’est lui qui m’a parlé du 100 km, il sait que j’aime courir longtemps, sur des allures plus tranquilles que celles du marathon. Il m’a parlé des Mondiaux de 100 km en m’expliquant qu’il y avait les championnats de France en avril et que cela pouvait être un nouveau défi. Je me suis dit que cela pouvait combiner tout ce que j’aimais, j’adore les défis, il me l’a dit une fois et c’était parti.

 

Lepape-info : Nicolas 5ème du championnat d’Europe de marathon à Munich il y’a deux semaines a échoué d’un rien pour lui aussi une place sur le podium…

F.H : Quel dommage cette chute qui lui a coûté cher. J’ai confiance en lui, il n’a pas eu de chance sur cette course mais il y’en a d’autres encore plus belles qui arriveront ensuite. Je sais qu’il en est capable. Il y a eu de la déception mais aussi de la fierté car pas beaucoup seraient repartis comme il l’a fait après cet incident de course. Ici il était super heureux pour moi, c’est génial de partager cela ensemble, nous avons la chance de partager la même passion, d’être toujours là l’un pour l’autre et c’est ce qui fait notre force.

 

Floriane Hot : « J’en discutais avec Stéphanie Gicquel (la 3ème Française dans la course) et elle m’a rappelé qu’au début de l’année je ne savais même pas qu’il y avait les championnats du monde de 100 km à Berlin cet été. »

 

Lepape-info : Vous parliez de votre travail, vous êtes contrôleuse aérienne à l’aérodrome d’Aix Les Milles

F.H : J’ai la chance de travailler en horaires décalés, d’avoir des collègues et un chef qui me soutiennent beaucoup. J’arrive à caser mes entraînements, j’ai pu poser 2 semaines de congés pour les grosses semaines d’entraînement cet été. J’avais déjà pris 3 semaines pour une préparation au Kenya avant Belvès. J’adore mon travail, c’est mon équilibre, j’ai besoin de garder cette activité. Bien sûr de ne pas travailler ce serait mieux pour ma récupération mais je m’estime chanceuse. Pour d’autres athlètes c’est beaucoup plus compliqué de gérer les entraînements et le travail à côté.        

 

Lepape-info : Vous avez réalisé un vrai tour de force 

F.H : J’en discutais avec Stéphanie Gicquel (la 3ème Française dans la course) et elle m’a rappelé qu’au début de l’année je ne savais même pas qu’il y avait les championnats du monde de 100 km à Berlin cet été. Ce n’était pas mon objectif depuis des années comme d’autres et du coup je me suis peut-être mis moins de pression quoique… au début je me suis lancée en me disant ça passe ou ça casse. Pour Belvès je n’avais rien à perdre, je faisais ma course dans mon coin, là ici avec le maillot de l’équipe de France sur les épaules je faisais moins la maline, je ne voulais pas faire une contre-performance pour ma première sélection internationale. 

 

Lepape-info : En bonus vous remportez la médaille d’argent par équipes

F.H : Oui nous sommes ravies, c’était vraiment l’objectif d’aller chercher un podium par équipes, en plus on s’entend très bien toutes les trois (avec Camille Chaigneau et Stéphanie Gicquel), nous sommes très contentes de pouvoir partager cela ensemble.

  

Lepape-info : Au final, quel sentiment ressentez-vous après ce superbe sacre mondial ?

F.H J’ai l’impression d’être sur une autre planète, je n’arrive pas à réaliser que j’ai battu le record d’Europe, on ne l’avait jamais envisagé. Être championne du monde j’y avais pensé dans mes rêves les plus fous mais certainement pas avec un tel chrono. Je suis très heureuse d’avoir pu offrir cela à ma famille, mes copines, mes cousines qui étaient là au bord du parcours parce que tout le monde a fait le déplacement. Pendant la course j’ai beaucoup pensé à eux, je voulais tellement leur offrir cette médaille que j’ai tout donné.

 

Signalons aussi la très belle performance chez les hommes de Guillaume Ruel. Le champion de France 2021 du 100 km a terminé 5ème des championnats du monde en 6h19’51’’ améliorant de 3’24 le record de France de Pascal Fétizon en 6h23’15’’ établi en l’an 2000. 

Réagissez