Au coeur de l’Ultra Pirineu (Baga, Espagne), les 19 et 20 septembre 2015

Julien Jorro a participé à l'Ultra Pirineu qui a vu la victoire de Kilian Jornet en 12h03mn27s. Il se classe 20e en 14h15mn24s et nous raconte sa course.

Julien Jorro ULTRA PIRINEU 2015

Voici un rapide retour de cette course de dingue avec un plateau international venu se disputer la première place de cette dernière manche de Coupe du Monde de skyrunning version longue distance en Catalogne Espagnole. Pour rappel, une course de 110km et 6700m D+ sur le massif CADI-MOIXERO face à Font-Romeu.

Le gros favoris, est sans conteste, le phénomène catalan, Kilian Jornet (team SALOMON). Il est au rendez-vous et décroche la première place en 12h03. Zaid Ait Malek (TEam BUFF) (12h12’18 ») et Miguel Angel Heras (Team SALOMON) (12h20’33 ») termine à la deuxième et troisième place. (Lire le compte rendu de la course). Chez les filles, c’est Emelie Forsberg (la compagne de Kilian) qui gagne en 13h39 juste devant la Népalaise Mira Rai 13h45 et Nuria Picas (14h13).

A la suite d’autres grands noms du trail qui se sont cassé les dents sur ce parcours difficile mais malgré tout rapide. Je ne vais ici les citer, mais ils sont une dizaine parmi les meilleurs coureurs mondiaux a avoir tenté leur chance.

De mon côté, modestement inscrit, je rêvais avant le départ de décrocher un top 20. Il m’avait échappé lors de l’autre manche de Coupe du Monde que j’ai disputé en mai aux Canaries (La transvulcania). J’avais donc au départ envie de valider ma forme de cette année, celle qui m’a permis quand même de remplir de belles lignes sur mon palmarès.

Mais même un top 20 dans une course de ce niveau est plus prestigieux que bon nombre de mes podiums.

C’est devant une foule monumentale que le départ a été donné à 7h en ce samedi 19 septembre 2015 à Baga, petit village médiéval du nord de la Catalogne. Nous étions 1 000 amassés sur la ligne de départ. Une fois le départ donné, je me suis placé dans les 20 premiers pour avoir une place de choix au moment d’entamer les premières rampes de cette course à la sortie de la ville.

Sans faire l’effort de trop, j’ai accroché le deuxième wagon. Il y a avec moi notamment l’Espagnol qui a fait 2e de l’UTMB 2015 (Tour du Mont Blanc) Luis Alberto Hernando (Team Adidas).

La foule que l’on croise est en délire à son passage. Je profite donc de cet engouement. En haut du premier sommet des centaines de personnes sont amassées là. Elle nous font une haie d’honneur et nous HURLE dessus pour nous encourager. J’ai des frissons, c’est vraiment comme au Tour de France dans les cols.

L’hélicoptère de l’organisation survole le sommet pour filmer le déroulement de la course. On est sur un GROS GROS événement!!!

km40 : On entame le 2e tiers de course et il faut être frais. Trois grosses montées nous attendent. C’st aussi l’heure du premier gros ravitaillement, mon assistance est là pour que je ne perde pas de temps. En 1min30, j’ai rechargé mon sac, mangé, mis casquette et lunettes de soleil et saisi mes bâtons. Il est presque 11h30, ça chauffe dehors.

Je suis dans les 18-20e. Toujours bien. J’entame la remontée sur le massif. Au sommet, il y a toujours autant de monde. En fait, les gens sont partout et sont déchaînés !

Vers 2 500 m au 60ekm, je sens l’altitude peser sur mon corps. Je gère et m’alimente régulièrement.

Julien Jorro ULTRA PIRINEU 2015Dans une petite descente, je me fais « déposer » par les trois filles (qui formeront le podium)… Normal, il s’agit des meilleures mondiales. La particularité de l’ultra trail est que les niveaux homme/femme sont presque lissés par la durée de l’effort. Les femmes ont quasiment les mêmes capacités de résistance et d’allure dans ce type d’épreuves à vitesse modérée.

KM74 : Une grosse descente plus tard et nous sommes à la 2e base de vie où mon assistance est là. Ce qui est dur avec cette course, c’est qu’il faut descendre à fond pour ne pas se faire distancer alors qu’en général dans les ultra trail ça court moins vite…. Aujourd’hui « pas de cadeau!!! ».
Là aussi comme en F1, je change de pneu (de chaussures et chaussettes), me ravitaille… bref tout en moins de 2min car les places sont chères. Je suis 21e mais derrière les gars ne sont pas du tout loin.

Dernier tiers. C’est dur, il est presque 16h30, ça chauffe et les km pèsent.

Entre le 80e et 85ekm, je prends une belle « feuille »… un coup de moins bien lié à une hypoglycémie. Comme quoi on n’est jamais à l’abri. Je mange et continu mon avancée en restant tranquille. Je sais que la forme va revenir. Un gars me double, je suis 22e.

km90 : Après un point de ravitaillement et une descente périlleuse dans un pierrier très raide, je sens que la forme revient. Il reste 20km et 1500m de dénivelé à avaler, c’est jouable. Je peux reprendre des coureurs pour rentrer dans mon top 20…
Je relance la machine, j’utilise mes bras avec les bâtons. Je suis bien. Au km 92, j’en rattrape un. Je ne lui laisse aucune chance et le dépose en accélérant. Je serre les dents et il lâche prise.

Km96 juste avant la dernière grosse montée, je reviens sur le 20e. Génial, je suis survolté. Nous sommes dans un ravito. Je décide de jouer et de ne pas m’arrêter. Je le double et accélère dans une portion plutôt plate. Grosse montée dans des gorges magnifiques mais raides. Je fais le break. Il ne revient pas.

km100 c’est presque la fin, une petite descente, une petite montée et une grosse descente sur l’arrivée. J’en remets une couche. La nuit commence à tomber et j’allume ma frontale. Je vois au loin (mais à 2 ou 3 min pas plus) mon poursuivant. Je ne dois rien lâcher car il pourrait revenir.

Je connais un peu cette portion pour avoir couru en Août le Trail del Moixero qui m’avait servi de préparation mais aussi de séance de reconnaissance. Et ça me sert!! Je connais les 10 derniers km!
Je relance et prends quelques risques dans la descente mais mes jambes répondent bien. J’arrive en haut du « coup de cul ». C’est presque fini. 7km à faire…

La descente est raide mais pas technique. Je déroule à 16 km/h. Sur une portion de route, je me permets de relancer à 17 km/h. Je sais que là que personne ne peut revenir à cette allure.

Derniers km : je rentre dans BAGA, la foule est amassée partout, il est 21h10 et il y a beaucoup mais beaucoup de monde!

Ils m’encouragent, c’est mon moment ! Je tape dans les mains, les gens les tendent. C’est magique!

J’arrive sur l’aire d’arrivée et c’est LA grosse émotion, je suis vidé mais heureux! Je suis 20e!

Mission accomplie, top 20 d’une manche de coupe du Monde. C’est symbolique mais tellement bon! Je termine les 110km et 6700m D+ en 14h15.

 

Julien Jorro ULTRA PIRINEU 2015

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