Comment enchaîner deux compétitions en 2 semaines

En cette sortie de période estivale, la rentrée sportive s’annonce souvent très intense. Comment faire un choix dans ce calendrier aussi fourni en compétitions… Difficile de n’en choisir qu’une ! Et si l’on pouvait parfois se permettre de réaliser plusieurs compétitions durant quelques semaines et rester dans un bon état de forme ?

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Chez les sportifs de haut niveau il n’est pas rare de voir s’enchaîner les compétitions. Récemment une partie des triathlètes de l’équipe de France de triathlon Olympique participaient au circuit international sur le sol Canadien. Il leur fallait courir le 28 juillet à Edmonton, puis le 5 août à Montréal. Et leur sacerdoce ne s’arrêtait pas là puisque qu’au retour en France ils devaient pour la plupart défendre les couleurs de leur club sur le championnat de France avec encore une grande adversité, puisque la plupart des triathlètes élite étrangers sont licenciés en France. Malgré cet enchaînement on  retrouve aux 1ère et 3ème places,  Dorian Coninx et Simon Viain. Visiblement ils en avaient encore sous le pied.

 

 

En remontant plus loin nous pourrions prendre l’exemple de Vincent Luis qui alla chercher sa qualification Olympique pour Rio en remportant en 2015 à Hambourg la 1ère WTS (circuit coupe du monde) pour un Français ; puis 4 semaines plus tard accrochait la seconde place lors du Test Event derrière Javier Gomez. Enfin, avec des compétions plus rapprochées, l’exemple de l’équipe de France d’eau libre cet été où Marc-Antoine Olivier et Aurélie Muller après un titre et une médaille chacun sur les 5 et 10km eau libre, finirent en beauté le travail de leur coéquipier, pour quérir le titre mondial du relais mixte moins d’une semaine après leur première course…  

A ce niveau, l’enchaînement des compétitions est souvent imposé par un calendrier international difficilement négociable. Pour couronner le tout, celui-ci s’avère être de plus en plus fourni. Par conséquent, les entraîneurs doivent absolument s’adapter à cette problématique et ont donc fait évoluer leurs méthodes d’entraînement. Il semble aujourd’hui très compliqué de viser une saison avec un ou deux pics de performance et le reste de l’année ne faire que s’entraîner plein pot. Bien entendu certaines compétitions seront moins prioritaires, mais le calendrier (qualification à « la/les » compétition(s) cible(s), rémunérations, pression psychologique sur les adversaires, confiance en soi, demande des employeurs, etc.) obligera donc les entraîneurs à cogiter pour permettre à leurs athlètes d’être en forme plusieurs fois dans la saison et/ou de façon rapprochée.

Lorsque l’on regarde la façon de s’entraîner des experts, il s’avère qu’effectivement on s’éloigne très souvent de la classique préparation annuelle en montée progressive jusqu’à l’objectif. Ils utiliseront souvent le dénominatif de « bloc d’entraînement ». Ce terme désignera une période assez courte de quelques jours à quelques semaines où l’athlète s’entraînera de façon très importante. A haut niveau, l’objectif sera de « stresser » l’organisme, soit de le mettre dans la difficulté afin que celui-ci cherche à s’adapter. Cette période étant courte, la priorité sera souvent portée sur un ou quelques aspects de l’entraînement, lorsque les autres facteurs de la performance seront seulement entretenus. Difficile en effet, pendant 2 semaines par exemple, de travailler à la fois l’allure de course, la technique, la VMA, le fond, la force, l’explosivité, les seuils, etc… Il faudra donc faire des choix. Il n’est pas rare d’entendre un athlète élite annoncer derrière une course « je sens que je manquais de telle chose, ce sera l’objectif à l’entraînement ces prochaines semaine ».

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La science nous confirme-t-elle ces choix d’entraînement ? Oui, complètement ! Différentes études menées ces dernières années, notamment dans les pays Scandinaves viennent valider ce choix de planification. Pour en savoir plus je vous invite à lire un précédent article sur le sujet : http://www.lepape-info.com/entrainement/entrainement-running/progresser/entrainement-stop-a-la-monotonie/. Pour nous résumer l’idée serait donc d’alterner des périodes intenses d’entraînement où des choix forts seront faits (points faibles, critères de performance de l’objectif, développement global, etc.), sans occulter d’entretenir le travail mené en amont au travers de petites piqures de rappel. Il est à noter que la charge d’entraînement sera propre à chacun. Tout d’abord vis-à-vis du niveau d’expertise et de l’expérience d’entraînement. Une semaine d’entraînement pourra être vécue comme difficile à la 3ème séance de la semaine pour des débutants, lorsqu’elle le sera à la 35ème heure pour un sportif de haut niveau. Il est donc primordial de s’écouter et de s’entraîner par rapport à ses caractéristiques, au risque dans le cas inverse d’aller trop loin dans la fatigue et de n’en tirer aucun bénéfice. Le « NO PAIN NO GAIN » n’aura d’utilité que si vous n’allez pas au-delà de vos capacités à supporter la charge d’entraînement. Ensuite, et vous avez déjà pu le constater lors de vos entraînements en vacances ou simplement lors de vos week-end où tout est souvent plus facile, la charge sera globale et pas simplement liée à votre pratique sportive. Prenez donc garde à adapter vos planifications aux charges extérieures au sport comme le travail, les études, la famille, le sommeil, le stress, etc. Si vous êtes fatigué par une journée de réunion remplacez votre séance de fractionné par une sortie peu intense ou même du repos. Il sera toujours temps de refaire la séance intense le lendemain. Adaptez donc autant que possible votre planification à votre vie personnelle et si des aléas de dernier moment doivent se présenter, soyez mobiles. Ces périodes costaudes d’entraînement ne seront donc pas sans risques et il sera temps à un moment donné de lever le pied.

Lorsque la compétition arrive vous n’aurez pas trop le choix si vous souhaitez performer,  il faudra lever le pied (http://www.lepape-info.com/entrainement/entrainement-running/progresser/sentrainer-moins-pour-performer/). Mais, même s’il n’y a pas encore de compétition à l’horizon il faudra savoir s’accorder ces périodes de respiration au milieu de la préparation. Le traditionnel « travaille, ça va payer ! », tient si, et seulement si, vous encaissez la charge d’entraînement. Cela est simple à vérifier ; si après une ou deux journées de repos vous êtes incapable de tenir vos chronos habituels, votre corps vous envoie une alerte à prendre en compte « ok,  tu as bien travaillé, mais là il est temps de lever le pied quelques jours, sinon mis à part te faire mal, moi je ne pourrai pas trop t’aider à progresser ». Nous ne vous donnerons pas de plan « classique » : X semaines de travail Vs X semaine(s) de repos. Mais plutôt, vous conseillez de vous entraîner « dur » lorsque votre emploi du temps vous le permet, à minima de le prendre en compte dans l’agencement des séances et lorsque votre corps vous fera signe de lever le pied, de l’écouter. Cela ira en général d’une à quatre semaines de forte charge. Pour la respiration, cela sera encore assez individuel mais le plus souvent de quelques jours à une quinzaine. A retenir également que ces « blocs » d’entraînement seront d’autant plus utiles pour des personnes cherchant de nouveaux leviers de progression. Si vous êtes débutant, vous progresserez rapidement même en travaillant de façon générale différents aspects. En revanche, même débutant, il faudra savoir s’accorder ces périodes « en-dedans ».

Ok nous avançons : s’entraîner de façon poussée sur des périodes courtes (1 à 4 semaines), les construire en fonction de ses caractéristiques et stress extérieurs et enfin les entrecouper de périodes plus tranquilles. Lors de ces dernières ; au choix, octroyez-vous une période moins intense si vous en sentez la nécessité et/ou une réduction du volume d’entraînement et/ou de la fréquence des séances. Ayez en tête que plus cette période sera longue, plus le risque de désentraînement sera grand, parfois dès la fin de la première semaine. Le meilleur moyen d’éviter cela si vous optez pour plus d’une semaine sera de maintenir au maximum l’intensité et le nombre de séances, mais d’en réduire simplement le volume. 10 × 400m à 18km/h = > 4 à 7×400m à 18km/h. La sortie longue de vélo de 4h du dimanche matin = > 1h30 à 2h30 environ à la même vitesse.

Très bien, mais si je veux placer plusieurs compétitions dans cette périodes « tranquille » propice aux adaptations et donc à ma progression, comment m’y prendre ? Il y a quelques années notre équipe de recherche a mené une étude dont l’objectif était de savoir jusqu’à quel niveau de fatigue il serait intéressant de pousser des athlètes d’endurance afin qu’ils soient les plus performants possibles le jour J. Nous en reparlerons dans un prochain article, mais retenez que ces sportifs étaient répartis en 3 groupes :

1) Groupe contrôle : 3 semaines d’entraînement habituel

2) Groupe fatigue aigüe : séances habituelles augmentées de 30% (10×400m à 18km/h = > 13× 400m à 18km/h). Leur niveau de performance à l’issue de cette période de forte charge n’était pas abaissé (test Post) en comparaison à celui constaté 3 semaines en amont (Pré).

3) Groupe surmenés fonctionnels : charge d’entraînement similaire au groupe « fatigue aigüe ». Leur niveau de performance a été suivi d’une baisse de performance post surcharge d’entraînement.

Zone sur le rebord de performance

 

A l’issue de ces 3 semaines d’entraînement, les sportifs devaient réaliser une période d’affûtage précompétitif de 4 semaines. Cela dans l’objectif de déterminer le pic de performance individuel de chacun. 1ère chose, chacun a connu un pic de performance qui lui était propre. Certains en 1ère semaine, lorsque d’autres l’avaient en seconde,  d’autres en 3ème et même quelques-uns en 4ème ! Il est donc important de connaitre son pic de performance personnel. Cependant, celui-ci se produisait dans la plupart des cas après 10 à 15 jours de diminution de la charge d’entraînement. Le résultat qui va le plus nous intéresser ici est le fait que dans leur majorité lorsque les athlètes maintenaient les sollicitations habituelles d’entraînement, tout en en diminuant son volume (- 50%), la performance n’était pas abaissée, même après 3 à 4 semaines de diminution ! Cela vient donc renforcer les stratégies d’affûtage classiques (baisse du volume, maintien du nombre de séances et de leur intensité) pour obtenir un pic de performance important, mais également limiter le risque de désentraînement et donc être performant sur une période relativement longue. Cela pourrait donc être une stratégie envisageable pour 2 à 3 compétitions en 3 semaines d’intervalle par exemple. A l’inverse, sur 4 semaines, les risques de désentraînement commenceraient à pointer le bout de leur nez, mais si vous faites l’expérience et que cela se passe bien, pourquoi pas ? Dans  tous les cas, il ne faut avoir de scrupules à s’entraîner moins pendant plusieurs semaines si vous y adjoigniez des « piqures de rappel ». Bien entendu si vous participez à des compétitions très fatigantes et/ou traumatisantes (marathon, ultra-trail, ironman, etc.) d’autres facteurs entreront en ligne de compte et le raisonnement ne tiendra plus.

Et si mes 2 compétitions sont espacées de deux semaines ? Ne me serait-il pas possible de viser deux performances de pointe en réalisant deux périodes d’affûtage ? Une première période d’affûtage « classique » suivant une période de préparation, puis après 1-3 jours tranquilles, d’en remettre une couche environ une semaine et enfin de relâcher sur 5-7 jours. Cela permettrait donc de retravailler sans prendre trop de risques étant donné la période de travail relativement courte et l’état de fraicheur connu en amont. Nos fameux collègues scandinaves viennent de tester ce choix au banc d’essai scientifique. Pour cela, ils suivirent un vététiste Norvégien élite (VO2max = 89 ml.kg.min, PMA : 6.8 W/kg soit des valeurs très importantes). A l’issue des 7 jours d’entraînement ils arrivèrent à leurs fins puisque le vététiste ressentait l’entraînement comme difficile à très difficile et différents facteurs de la performance étaient même légèrement abaissés. Puis après un jour off, il devait donc réaliser 5 jours d’affûtage avant d’être re-testé, puis 2 jours plus tard se déroulait sa seconde compétition. Tous les facteurs de la performance testés étaient donc améliorés suite à 5 jours d’affûtage et l’athlète se sentait reposé. Cette étude vient donc renforcer cette stratégie de bloc très court d’entraînement suivant une 1ère compétition, puis suivi d’un affûtage court avant la seconde compétition.

Evolution de l’état de fatigue du vététiste suite à 7 jours d’entraînement intense et 7 jours d’affûtage : 

Etats de forme ressenti Jour 1 Jour 2 Jour 3 Jour 4 Jour 5 Jour 6 Jour 7 Jour 8 Jour 9 Jour 10 Jour 12 Jour 13 Jour 14
Très très fatigué
Très fatigué ×
Fatigué × × ×
Légèrement fatigué × ×
Normal × × ×
Légèrement bien × ×
Bien ×
Très bien
Très très bien


Evolution des indices de performance

*RPE : difficulté perçue de l’effort (échelle allant de 1 « très très facile » à 10 « très très dur »

Cette étude vient donc renforcer les choix d’entraîneurs allant vers cette stratégie de planning d’entraînement. En effet, ces résultats nous informent que le vététiste a progressé sur tous les facteurs de performance tout en ressentant la récupération. Il semble donc qu’il soit possible de se permettre une période très courte et intense d’entraînement entre deux compétitions rapprochées qui ne soit pas trop fatigantes et/ou traumatisantes.

 

Si l’on devait résumer :

  • Il sera possible d’entretenir un bon niveau de forme sur 3 à 4 semaines si des piqûres de rappel régulières des facteurs de performance travaillés en amont sont réalisées.
  • Ces périodes d’ « affûtage » peuvent être précédées de périodes intenses d’entraînement, où il sera essentiel de s’écouter et de ne pas aller au-delà de ce que l’on est capable d’encaisser (indicateur = niveau de performance).
  • Il sera essentiel lors de ces périodes « lourdes » d’entraînement de les construire en fonction de sa vie personnelle (pas d’entraînements intenses sur une trop grande fatigue et /ou trop important stress mental).
  • Il sera envisageable lors de deux compétitions espacées de 2 à 4 semaines de les entrecouper d’une période d’entraînement très courte (1 à 3 semaines) afin de multiplier les pics de performance.
  • Si la période de préparation est très courte et donc le niveau de fatigue potentiellement moins important, il semble qu’il soit envisageable de réaliser un affûtage très court (5-7 jours) tout de même efficace.       
  • Ces points sont valables pour des compétitions dont on récupérera « assez » facilement et pour des personnes cherchant de nouveaux leviers de progression concernant les « blocs d’entraînement ».
  • Ces exemples comme tous nos articles viennent apporter des bases théoriques et/ou des suggestions, mais l’entraînement est complexe et devra donc être adapté aux spécificités de chacun (capacité à être « désentraîner » rapidement ou non, robustesse à la charge d’entraînement, niveau de fatigabilité et de récupération, vie personnelle, passé sportif, etc.).

 

Voici donc quelques clefs pour pouvoir vous permettre sous certaines conditions, d’enchaîner 2 à 3 compétitions rapprochées dans le temps !

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