Marathon, les blessures les plus fréquentes – Partie 2

Découvrez le second extrait du chapitre rédigé par le docteur Jacques Pruvost consacré aux blessures du marathonien, extrait du livre "Objectif Marathon" de notre coach Jean Claude Vollmer.

Au niveau du pied, la myo-aponévrosite plantaire 

 

Comment cela se manifeste t’il ? Les douleurs se situent sous la plante du pied, plutôt en arrière au niveau du talon. Les douleurs sont présentes au quotidien à l’exercice comme à la marche ou à la position debout. Un simple changement de chaussure de running ou bien de chaussure de ville peut déclencher cette lésion d’origine tendineuse qui va gâcher la vie du sportif pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Cette blessure est redoutée par les runners mais aussi par les professionnels de santé, médecins, kinésithérapeutes, podologues du sport qui suivent les sportifs car elle n’est jamais simple à soigner.

Quelle prise en charge ? Le traitement consiste, dans un premier temps, à mettre en place de véritables étirements tendino-musculaires au niveau de l’aponévrose plantaire mais aussi des muscles de la face postérieure de la jambe et de la cuisse. Les massages transverses profonds puis les ondes de choc permettent le plus souvent de faire disparaître les douleurs. En cas de fissures dans l’aponévrose, des injections cicatrisantes de plasma riche en plaquettes (PRP) ou de dextrose peuvent être envisagées. Chez les sportifs, les infiltrations de cortisone dans l’aponévrose ou à son insertion ne devraient être prescrites que très rarement. 

Le conseil préventif : Choisir soigneusement son équipement, car changer de chaussures, ou de modèle de chaussures, est toujours un exercice périlleux pour les marathoniens. Aussi, pour éviter la survenue de nombreuses blessures parfois redoutables, les coureurs ne devraient confier leurs pieds et leurs différents chaussages qu’à de très bons professionnels du sport. Pour faire sourire vos collègues d’entraînement : « Les chaussures sont comparables à nos conjoints, quand un modèle a fait ses preuves et nous convient bien, nous prenons beaucoup de risques à en changer… ! ».

 

 

La « tendinite d’Achille » ou tendinopathie calcanéenne

 

Comment cela se manifeste t’il ? Les coureurs sont gênés par des douleurs situées au niveau de la face postérieure de la jambe soit au niveau de l’insertion du tendon sur le calcaneum, soit sur le corps du tendon. L’atteinte peut être unilatérale ou bilatérale. L’importance de la gêne fonctionnelle se fait par des échelles d’évaluation de la douleur. Par exemple, la classification de Leadbetter permet de classer cette tendinopathie en quatre stades : 

  • Stade 1 : La douleur apparaît après l’activité sportive et disparaît ou régresse en quelques heures. La symptomatologie est apparue récemment et évolue depuis moins de deux semaines.
  • Stade 2 : La douleur est présente pendant et après l’exercice et est peu calmée par le repos. Les symptômes douloureux évoluent depuis deux à six semaines.
  • Stade 3 : La douleur persiste longtemps après l’effort, réapparaît rapidement dès le retour sur le terrain. Les symptômes douloureux évoluent depuis plus de six semaines. 
  • Stade 4 : La douleur est permanente, empêche toute activité sportive intensive et perturbe aussi les activités professionnelles et de la vie courante.

Les coureurs qui se situent aux stades 3 et 4 devraient être explorés sur le plan radiologique par échographie et/ou IRM.

Quelle prise en charge ? En cas de tendinopathie du corps du tendon, la prudence, le repos relatif et le traitement médical sont toujours prioritaires. La rééducation associe les étirements et le renforcement non douloureux : c’est le « protocole de Stanish » qui doit être mis en place et surveillé par un kinésithérapeute connaissant bien les sportifs. Pendant la cicatrisation, la pratique sportive n’est pas interdite mais doit se limiter aux sports « portés » comme le cyclisme ou la natation.

En cas de tendinopathie d’insertion sur le calcaneum, les traitements médicaux sont souvent moins efficaces. Pour stabiliser le pied et le talon à l’appui, un véritable travail de « gainage du pied » devrait être systématiquement mis en place. L’examen statique et dynamique par un podologue du sport est un passage obligatoire. Mais les semelles orthopédiques ne sont pas toujours efficaces pour soulager la douleur. Au stade 4, le repos sportif doit être total pendant plusieurs semaines. Après trois mois de traitements médicaux sans réelle efficacité, un avis chirurgical devrait être demandé systématiquement. Les résultats de la chirurgie sont généralement bons si le marathonien accepte de ne plus courir pendant six mois après l’opération.

Le conseil préventif : La prévention passera par des échauffements systématiques et prudents puis un retour au calme après l’effort encadré d’étirements soigneux du tendon d’Achille mais aussi des « chaînes musculaires postérieures ». Pour ménager leurs tendons, les coureurs à pied devraient tous intégrer l’entretien de la souplesse musculaire et articulaire dans la récupération et la préparation physique. La préparation du tendon d’Achille aux charges de travail imposées par l’entraînement au marathon passe par des exercices de renforcement « excentriques » judicieusement placés dans le programme hebdomadaire.

 

 

Douleurs de jambe et périostite

 

La périostite est une maladie d’adaptation de l’os tibial à la course à pied et aux impacts au sol.

Comment cela se manifeste-t’il ? Les coureurs sont gênés par des douleurs situées sur les tibias, au niveau de la face antérieure et interne des jambes. La douleur peut être unilatérale ou bilatérale, est déclenchée ou aggravée par la course, est en partie calmée par le repos mais revient le plus souvent à la reprise de l’entraînement. Ces périostites surviennent plutôt chez les coureurs débutants, à la suite d’une reprise trop intense après une période de repos ou à la suite d’un stage intensif par exemple.

Quelle prise en charge ? En cas de périostite, dans la grande majorité des cas, les coureurs ne viennent pas consulter les médecins du sport. Les simples conseils donnés par les entraîneurs, les autres coureurs ou les articles sur Internet suffisent très souvent à faire disparaître les phénomènes douloureux. Un changement de chaussure, un changement de mode d’entraînement (durée, fréquence, intensité), un changement des surfaces d’entraînement, les étirements des muscles de la jambe, le glaçage de la zone douloureuse après chaque sortie, les pansements à base d’argile ou d’anti-inflammatoires, le port de chaussettes ou de manchons de contention sont des solutions connues des coureurs à pied et qui permettent les plus souvent de faire disparaître la symptomatologie douloureuse. 

Mais la périostite est une pathologie complexe qui ne guérit pas toujours avec des solutions simples et connues. Il arrive parfois que le coureur ne réussisse pas à se soigner, que les douleurs persistent et finissent par fortement perturber la régularité de l’entraînement. Dans ce cas, après six à huit semaines d’automédication inefficaces, la douleur de jambe devrait être évaluée chez un médecin du sport. S’agit-il d’une simple périostite ou bien ces douleurs sont elles en relation avec une autre pathologie comme une fracture de fatigue ou un syndrome de loge à l’exercice ?

Le conseil préventif : Le périoste tibial est une structure très sensible aux « phénomènes de transition ». Ceci signifie qu’il va réagir négativement au moindre changement de chaussures, de surface d’entraînement et, par exemple, à l’augmentation du kilométrage à l’entraînement. La prudence devant tout changement d’appuis et de surfaces de course, la régularité dans le nombre de séances hebdomadaires sont les premiers principes à respecter pour ne pas se blesser.

 

 

Les fractures de fatigue

 

Les fractures de fatigue sont fréquentes : elles surviennent chez 15 à 20 % des coureurs à pied. Pour des raisons biomécaniques, hormonales, et nutritionnelles, les femmes sont des pratiquantes à risque.

Comment se manifestent-elles ? Voici une maxime répétée par les spécialistes de médecine du sport : quelle que soit son mode de début, chez un marathonien, une douleur osseuse qui n’évolue pas favorablement en quelques jours doit être considérée a priori comme une fracture de fatigue.

Des métatarsiens au sacrum, en passant par la rotule ou le col du fémur, tous les os des membres inférieurs et du bassin peuvent être atteints. A ce jeu de massacre, le tibia est le plus souvent atteint.

Quelle prise en charge ? L’IRM est l’examen de choix pour détecter le trait de fracture ou l’œdème osseux. Les fractures de fatigue et les fractures de contraintes sont de véritables fractures qu’il faut toujours traiter très sérieusement par immobilisation et suppression de l’appui, parfois par la chirurgie dans le cas de fractures comme celles du col fémoral ou de la rotule par exemple. En cas de fracture de fatigue du tibia, les douleurs de jambe peuvent persister plusieurs années lorsque les sportifs ne respectent pas les délais de cicatrisation. Il est donc légitime, dans un premier temps, de conseiller la mise en place d’une botte plâtrée, l’absence d’appuis au sol du coté atteint et des déplacements avec béquilles pendant six semaines. La course à pied pourra être reprise au bout de trois mois si la cicatrisation se déroule normalement.

 

Le conseil préventif : La fracture de fatigue est sans doute la blessure la plus fréquente du coureur à pied en général et du marathonien en particulier. Ne pas courir sur une douleur inhabituelle qui ne disparaît pas en quelques jours évitera l’aggravation d’une éventuelle fracture débutante. Il est toujours judicieux de consulter rapidement un médecin du sport pour une orientation vers des examens radiologiques les plus performants. Mieux vaut perdre deux semaines pour éliminer une atteinte osseuse que rester quatre mois sans courir du fait d’une fracture du bassin ou du fémur. De plus, à tous les âges, la prise régulière d’une ampoule de Vitamine D permet d’améliorer nettement la résistance osseuse.

 

 

Douleurs de jambe et syndrome de loge à l’effort

 

Attention, cette pathologie mal connue est pourtant fréquente chez les marathoniens et les marathoniennes qui se plaignent des jambes.

Comment cela se manifeste-t’il ? Les runners sont gênés par des douleurs situées à la face antérieure et externe de la jambe mais aussi au niveau des mollets. Ces douleurs sont déclenchées uniquement par la course à pied, ressemblent à des crampes et obligent le plus souvent à l’arrêt de l’exercice. A la palpation, les loges musculaires sont augmentées de volume, tendues et sensibles mais les tendons et les articulations voisines sont peu ou pas douloureuses. La gêne est souvent bilatérale, les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes. Les symptômes sont parfois trompeurs et peuvent se limiter à des lourdeurs de jambe ou une fatigabilité à l’effort. Les douleurs sont déclenchées par l’exercice et par une pression trop importante dans des loges qui ne peuvent pas augmenter de volume car elles sont limitées par des cloisons osseuses et des enveloppes musculaires, les aponévroses, qui ne sont pas ou peu extensibles. Il s’agit d’une maladie du « contenu », les muscles augmentent de volume à l’exercice et sont comprimés dans un « contenant » qui lui ne peut augmenter de volume que très modérément. La compression est globale et atteint à la fois les structures musculaires, tendineuses, les vaisseaux et les nerfs qui sont situés dans la jambe.

Quelle prise en charge ? Le diagnostic est fait à l’occasion d’explorations vasculaires et de prise des pressions intramusculaires au niveau des deux jambes.

Les traitements médicaux (massage de drainage, étirements, vêtements de compression sur mesure) sont parfois suffisants. Malheureusement, bien souvent, le seul traitement efficace et durable est chirurgical. Il consiste à ouvrir les cloisons fibreuses qui séparent les trois loges musculaires de la jambe. Dans ce cas, arrêter la course à pied et passer à d’autres sports moins traumatisants, ou se faire opérer : il va falloir choisir ! 

Le conseil préventif : Voilà une blessure en relation avec des anomalies anatomiques présentes depuis l’enfance ou l’adolescence et révélées par un sport sans concession aux plans vasculaires ou musculaires, la course à pied. La prévention est donc pratiquement impossible. Une technique de course adaptée est pourtant un élément essentiel pour tenter de ne pas déclencher les phénomènes douloureux. En effet, mieux vaut courir à plat que sur l’avant-pied. La mode récente des appuis systématiques sur l’avant-pied est clairement pourvoyeuse de douleurs de jambes et de syndromes de loge.

 

À suivre…

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