Les objets connectés : aide à la performance ? – Partie 1

Article écrit par Cyril Schmit

Découvrez le premier extrait du chapitre rédigé par l'expert et sportscientist Cyril Schmit consacré aux objets connectés, extrait du livre "Objectif Marathon" de notre coach Jean Claude Vollmer.

Strava, Gutaï, Training Peaks, Nike, Endomondo, Zwift… Ces noms vous parlent sûrement. Ce sont ceux d’applications d’entraînement soucieuses de nous accompagner – chacune à sa manière – vers notre objectif marathon. Des logiciels d’analyse de données qui profitent du double essor des épreuves d’endurance et des objets connectés. Les applications d’entraînement bourgeonnent donc. Mission : nous faire rêver. Technique : décrypter nos séances. Efficacité : parlons-en…

Dans la perspective de donner du rêve, les fonctionnalités des sport-trackers (ces mini-systèmes portatifs qui capturent les données de l’exercice) gravitent autour de statistiques, cartes et autres graphiques. Qu’elles aient une approche socio-ludique (Strava, Zwift) ou, plus scientifiquement, tournée vers l’analyse croisée des données (Training Peaks, Gutaï), ces fonctionnalités convergent toutes autour de paramètres de base : durée, intensité et dénivelé. – Ces informations de base sont d’ailleurs maintenant automatiquement publiables sur les réseaux sociaux, dès la fin de la séance d’entraînement, agrémentées d’une photo ou d’une image du parcours réalisé. – Parfois, elles se distinguent avec des indices spécifiques (variabilité cardiaque, fréquence cardiaque de récupération), d’autres dont on ne sait quoi penser (le temps de contact du pied au sol, l’oscillation verticale) ou encore qui nous laissent dubitatifs (les calories brulées). Les données sont donc bien là, et en nombre !

La liste des mesures possibles en sport, notamment en course à pied, est longue. Et elle n’a pas fini de s’allonger au vu des avancées initiales que ces données ont permises : automatisation du carnet d’entraînement, suivi de santé, lien social et même géolocalisation d’individus ! Cependant, la plupart des données reste encore présentée sans ergonomie, cette compétence si précieuse pour rendre confortable la lecture des informations qui ne le sont pas au premier abord. Conséquence : l’expérience-utilisateur reste difficile, énergivore, et le client n’est donc que de passage… Sachant que 10 données sont collectées en moyenne chaque seconde par les sport-trackers (soit plus de 30 000 données pour seulement une heure), une application d’entraînement peut, en conséquence, vite saturer l’utilisateur. Ce phénomène est aujourd’hui la cause de l’abandon d’un outil connecté quelques semaines seulement après son achat ; c’est aussi la raison pour laquelle un objet d’« aide » à la performance bride finalement son potentiel de « coach virtuel ». Entre quantité et qualité, le traitement de données par les sport-trackers n’a donc pas encore trouvé la recette.

 

Croire en la donnée, mais laquelle ?

 

Toutes les variables enregistrées par les objets connectés ne possèdent pas la même importance, de sorte que leur poids dépend de l’objectif poursuivi. Concrètement, lorsque l’objectif est la performance, l’allure et la durée/distance possèdent les poids le plus élevéssont les données les plus importantes, suivies de la fréquence cardiaque et du dénivelé, puis de variables susceptibles de moduler ces premières sources d’intérêt (ex : la nature du terrain, le vent, la température). Cette pondération n’est pas anodine, notons-le, car elle reflète l’ordre des réflexions conduites dans la conception d’un programme précompétitif. Cependant cette hiérarchie n’est pas fixe, et une variable pourra voir son poids augmenter /diminuer selon les conditions spécifiques de l’épreuve. Dans une perspective d’habituation du corps à la chaleur d’un marathon caniculaire, la variable température pourra (devra) alors devenir une variable « stratégique » en orientant l’entraînement vers des séances réalisées aux heures chaudes de la journée – la variable d’allure passant pour sa part au second plan. Cette logique est semblable pour le facteur dénivelé, entre autres. En ce sens, certaines épreuves guident vers certaines préparations et donc vers certaines variables d’intérêt.

Savoir quelles données regarder avant, pendant et après sa séance ne garantie toutefois pas leur fiabilité, c’est-à-dire leur capacité à refléter ce qu’elles sont censées refléter. Or, c’est bien là que se jouent les décisions d’entraînement, les plus simples comme les plus complexes : sur la précision des informations que l’on utilise. Si une donnée fiable apporte confiance dans le diagnostic, il survient aussi que l’on se retrouve à courir à plus de 40km/h selon le bilan fourni par l’application (bug de géolocalisation ou de chrono) ou bien que les statistiques divergent entre deux applications – C’est notamment le cas pour les variables de dénivelé (dépendante de l’échantillonnage et de la précision du système de géolocalisation) et de durée (différenciant la durée de la séance et le temps de déplacement du sportif, lui-même calculé à partir d’une allure-seuil à dépasser différente selon les applications). – Qu’en penser alors ? Que tout est à jeter ? Non, rassurons-nous. C’est ici, notamment, que la différence entre les applications leaders et les autres trouve leur origine entre donnée calculée vs. mesurée. À titre d’exemple, la puissance en course à pied est aujourd’hui proposée aux coureurs afin d’évaluer leur effort véritable, affranchi des contraintes que pose le vent ou la pente sur la vitesse. Bien, mais elle reste néanmoins calculée via des accéléromètres (vs. mesurée de façon directe chez le cycliste grâce à un système de pression). Cette méthode l’expose donc encore à des biais en running, comme cela est aussi le cas des direction et vitesse du vent : calculables par triangulation GPS vs. mesurables grâce à un système portatif.

 

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