Poids du matériel, réduction de la vitesse ?

C’est une véritable problématique en trail et particulièrement en ultra : le poids du matériel obligatoire qui impacte directement la vitesse de locomotion.
À quelques semaines du Marathon des sables et à quelques mois du Tour du Mont Blanc, on peut se poser la question légitime de la perte de vitesse par kilogramme supplémentaire.
Et peut-on faire le parallèle avec le poids excédant le poids de forme ?

Ultra trail : un compromis matériel/poids. Photo Olivier Gui

On entend souvent dire, au retour des vacances, que 1 kg de poids supplémentaire implique une perte moyenne de 3 secondes par kilomètre, soit 30 secondes sur un 10 km. Qu’en est-il vraiment ?

Tout d’abord, par abus de langage, on parle souvent de poids au lieu de masse.

Le poids est une force, reliée à la masse par la formule P = m.g (g étant la constante de pesanteur).

Ensuite, il faut avouer que le problème de la masse est complexe, tant pour le matériel que pour la masse corporelle.

Concernant le matériel, la masse supplémentaire modifie l’anthropométrie du sujet et donc son rendement biomécanique.

 

On peut faire le parallèle avec une voiture ou un avion, l’ajout de bagages augmentant la consommation de carburant. Un individu « chargé » va donc consommer plus d’oxygène qu’à vide. Ainsi, s’il veut rester à même intensité, il devra réduire sa vitesse !

Et comme nous le verrons pour la masse corporelle, la répartition des masses est un facteur essentiel. Plus elles sont placées proches du centre de gravité (donc au niveau du bassin), et moins elles pénalisent l’économie de course.

Cela étant, la pratique n’est pas toujours conforme à la théorie pour des raisons de confort et d’efficacité. Ainsi, les charges sur le dos sont les plus fréquentes. Au final, le plus important est que les masses soient collées le long du corps et qu’il n’y ait aucun mouvement parasite. Le matériel de trail va dans ce sens avec toujours plus de légèreté et d’ergonomie.

Notre conseil est donc de courir à l’entraînement en conditions réelles de course, c’est-à-dire lesté, car cette masse supplémentaire va aussi modifier la foulée en fréquence et en amplitude, l’ondulation du centre de gravité, les forces de réaction au sol…pour arriver à un nouvel équilibre biomécanique destiné à minimiser le coût énergétique de la locomotion.

 

Revenons à présent au lien masse-coût énergétique. Tout d’abord, la demande en oxygène n’augmente pas proportionnellement à la masse du sujet. Ainsi, sur des courses allant du 800m au marathon (C. Davies & Thompson, 1979), mais également en trail (Balducci et al., 2016), les amplitudes de masse et de taille peuvent atteindre respectivement 25 kg et 30 cm, même pour les élites, pour un même O2.

En complément, d’autres études ont montré que l’économie de course n’est pas meilleure chez les athlètes plus légers (C. Davies & Thompson, 1979).

La relation entre la masse et l’économie de course semble plutôt dépendre de différences individuelles dans la répartition des masses, principalement au niveau des membres (Peter R Cavanagh & Kram, 1985). On en revient ici à notre problématique matérielle. S’il est difficile de mesurer la part exacte de la répartition des masses dans le coût énergétique, on peut l’approcher en ajoutant des masses en différents points du corps.

Ainsi, Myers and Steudel (1985) ont montré une augmentation de la demande en oxygène de 1% lorsque 1kg est ajouté au niveau du tronc, et de 10% lorsque cette même masse est ajoutée au niveau des chaussures.

Par conséquent, le poids de la chaussure influence le cout énergétique de la locomotion, la course en chaussures légères (< 200g) étant moins coûteuse que la course avec des chaussures de poids standard (~350g) (Catlin & Dressendorfer, 1979).

Maintenant, pour un même sujet, il faut s’intéresser à la prise qualitative ou quantitative de masse. En d’autres mots, l’individu a-t-il pris de la masse musculaire ou de la masse grasse ?

S’il n’y a que de la masse grasse, le coût énergétique est impacté car un même moteur va devoir déplacer une masse plus importante et fournir plus d’énergie. Si la prise de masse est musculaire, c’est plus compliqué car la demande en oxygène est accrue et le rendement peut être amélioré.

 

3 secondes par km ou pas ?

Revenons à notre question initiale. Combien peut-on perdre par km par kg supplémentaire ? Nos calculs vont être statistiques et indépendants de la nature de la masse (corporelle ou matérielle). Mais il faut bien comprendre qu’une prise de masse corporelle est souvent liée à un désentraînement et donc à une perte de VO2max. Dans ce cas, les difficultés s’accumulent.

 

1er exemple :

Un athlète plutôt élite de 70 kg avec 70 mL de VO2max relatif, soit 4,9 L de VO2max absolu. Imaginons que cet athlète parte pour le marathon des sables avec un sac de 6 kg. Son nouveau VO2max relatif est de 4,9L/76 = 64,5 mL d’oxygène par kg et par min, soit ~92% du VO2max initial.

On peut alors calculer les pertes de vitesses de 2 manières différentes, soit par le rapport VO2 max = 3,75 x VMA, soit en multipliant les vitesses par 0,92 puisque la vitesse est le rapport entre le VO2 et le Cr.

Nous avons considéré 3 vitesses différentes dans le tableau suivant :

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Ainsi, le temps moyen de 3 secondes perdues par kg supplémentaire (par rapport au poids de forme) n’est pas une légende mais une réalité tangible.

 

 

2ème exemple :

Un athlète aux qualités respectables, de 80 kg et 50 mL de VO2max

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Ainsi, en modifiant l’expertise et les vitesses, on ne change que très peu la perte chronométrique.

 

Que faut-il retenir de tout cela ?

  • En période de coupure, il faut veiller à limiter la prise de masse corporelle.
  • Attention à l’hypertrophie lors d’un cycle de musculation. L’économie de course peut être affectée.
  • Optimisez le poids de son matériel (sacs et bâtons). C’est important à plat, et c’est primordial en montée quand le sport devient « gravitaire ». Ne pas oublier que courir revient à élever et déplacer son centre de gravité.
  • Veillez à une bonne répartition des masses via une ceinture abdominale et un sac sur le dos, avec des poids uniformément répartis et zéro ballotage.
  • S’entraîner avec son matériel de course pour optimiser sa biomécanique de déplacement et limiter l’augmentation du coût énergétique.

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