Courir lentement : plus traumatisant que courir vite !

S’il est bien une chose dont tout coureur est persuadé, c’est qu’il y a moins de risque de se blesser à courir lentement. Et pourtant, même les certitudes peuvent être challengées…

La blessure concerne 15 à 30% des coureurs avec, souvent, le diagnostic de fractures de fatigue pour ceux dont la charge « mécanique » lors de la foulée dépasse la capacité de la jambe à assimiler cette charge dans la durée. 

 

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce type de blessures invisibles au premier abord, progressivement douloureuses puis finalement ultra-persistantes. Ces facteurs sont nutritionnels (carences en calcium et vitamine D), psychologiques (refus de se reposer), techniques (foulée supinatrice) ou encore matériels (drop de la chaussure). L’intensité d’entraînement, évidemment, est aussi concernée. Et logiquement on se dirait que, parce qu’elles augmentent la charge mécanique, les allures rapides nous exposent davantage.

 

Pourtant, on le sait, tout plan d’entraînement running implique des séances d’allures rapides, et donc des charges mécaniques élevées, dont le corps a besoin pour se transformer et progresser. Cela, il n’y a pas à le discuter. Les séances HIT en sont l’exemple par excellence. Mais plus que des sollicitations de la VO2max ou du turnover énergétique, ces séances sont aussi reconnues pour prévenir la survenue de blessures en renforçant les tissus sollicités. Finalement, tout cela interpelle quant à leur utilité…

 

Une équipe de recherche du Maryland (États-Unis) a ainsi souhaité déterminer si la vitesse de course était un facteur de danger pour le coureur. Pour étudier cela, 45 hommes et femmes parcourant ~40km par semaine ont, pour les besoins de l’étude, réalisé 3 tours sur une piste indoor de 50m aménagée de 13 caméras de capture du mouvement. Eux-mêmes étaient équipés de 33 marqueurs (hanche, genoux, chevilles, pieds) traqués par les caméras. Leurs consignes :

 

– courir une fois en alternant allure de récupération (« lent », ~7 km.h) et allure de course (« rapide », ~14.5 km.h) durant 3 tours de piste

 

– couvrir une autre fois à une allure fixe (« normale », ~11km.h) sur la même distance 

 

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Pour définir si le fait de courir sur une distance donnée à allure fixe ou à allure variable (mais avec la même vitesse moyenne), induisait des contraintes différentes sur les jambes des participants, l’angle d’approche des chercheurs s’est concentré autour de 3 mesures complémentaires (image ci-dessous) :

 

1. le taux de charge verticale : c’est la vitesse à laquelle le poids du corps est appliqué à la jambe d’appui lors du contact au sol.

 

2. la charge sur le tibia : quelle compression subit le tibia ? En running, celle-ci est dépendante jusqu’à 80% de la tension du tendon d’Achille et peut atteindre 13 fois le poids de la personne.

 

3. le moment libre : quelle déplacement / glissement subit le dessous du pied lors du contact au sol ? Par exemple, on voit parfois des coureurs ayant le talon qui rentre/glisse vers l’intérieur.

 

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Un des résultats de l’étude a d’abord été de constater que le taux de charge verticale était supérieur en condition « lent/rapide » par rapport à la condition « normale » (graphique ci-dessous). Autrement dit, le fait que les participants courent vite a augmenté la vitesse à laquelle leur tibia se retrouve soudainement comprimé. Le résultat semble logique, pourtant il doit nous alerter :

 

– si notre séance intègre des changements de rythme, l’allure moyenne de la séance (telle qu’on la constate sur nos smartphones) masque finalement les vraies contraintes subies par nos jambes. Et lorsque les séances s’enchaînent, même une allure modérée peut devenir traumatisante ;

 

– les repères de charge que l’on utilise couramment devraient (donc) être complétés par le temps passé à haute vitesse (Z3 ou Z5) ainsi que les sensations (notamment articulaires) ;

 

– notre type de foulée, à allure rapide, devrait d’autant plus rechercher la traction horizontale (« griffé » du pied au sol + déplacement réduit du bassin en hauteur + renforcement des ischio-fessiers) que le bond vertical.

 

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« Une combinaison de vitesses de course lente et rapide a augmenté le taux de charge verticale (…) par rapport à la course à une vitesse modérée, même lorsque l’allure moyenne était égale. »

Hunter et al., MSSE 2019

 

Par ailleurs, de façon surprenante cette fois, un second résultat de l’étude était que des allures « rapides » pouvaient être moins traumatisantes mécaniquement que des allures « lentes ». C’est en tout cas le constat fait en observant la charge cumulée sur le tibia qui était plus importante à vitesse « lente » qu’à vitesse « rapide » (graphique ci-dessous). 

 

Ce constat a été expliqué par le fait que pour couvrir une distance donnée à basse intensité, plus de foulées étaient nécessaires aux participants. Ces derniers ont donc multiplié les impacts au sol et finalement accumuler les contraintes mécaniques. Les auteurs avaient reconnu ignorer la réponse à cette hypothèse au démarrage de l’étude… Finalement, le plus grand nombre de pas à basse intensité vient bel et bien compenser l’intensité des chocs à haute vitesse. 

 

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Cette étude soutient donc l’idée que des vitesses rapides n’entraînent pas un risque de blessure surélevé par rapport à des vitesses réduites lorsqu’une distance donnée est à parcourir

 

Ces éléments renvoient le questionnement sur la blessure à des indices dont le poids pourrait finalement être plus important :

 

le travail de gamme, dont le rôle n’est pas que d’améliorer notre mobilité mais (surtout) d’amener notre corps vers des angles (hanche, genoux, chevilles…) et des coordinations qui rendront la foulée plus fluide, moins raide et donc moins traumatisante (en savoir plus). N’oublions pas le constat malheureux que cet aspect de l’entraînement est trop délaissé. Vouloir contrôler sa technique de façon consciente durant toute une course, sans l’avoir préalablement automatisée à l’entraînement, est juste utopique…

 

– l’analyse « globale » du plan d’entraînement et en particulier de la vitesse de progression des allures, importe. Pour respecter la vitesse d’adaptation des tissus du corps, il est actuellement recommandé de ne pas dépasser +10% de charge d’entraînement (volume * ressenti) d’une semaine sur l’autre. 

 

12 réactions à cet article

  1. Waouh, tout ça pour ça : « il est actuellement recommandé de ne pas dépasser +10% de charge d’entraînement (volume * ressenti) d’une semaine sur l’autre ».
    Merci les gars. Heureusement qu’une équipe de recherche américaine s’est penchée sur le sujet 😉

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  2. La marche nordique n’a que des avantages au point de vue santé par rapport au running et il serait souhaitable que le maximum de coureurs s’orientent vers ce sport.

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  3. je reste surpris sur la conclusion donnée. Je suis pratiquant de course à pied depuis très longtemps et je me suis tournée sur une foulée minimaliste, naturelle, plus de problème d’allure, de blessures, de traumatisme de mon corps à l’impact du sol. Mes pieds sont libres et non plus compresser par une marque de chaussures, des meilleurs appuis, plus d’attaque par le talon. Bien au contraire une posture légèrement en avant, bras gainés, attaque avant pied, cadence élevée, être à l’écoute de son corps.
    Sportivement

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  4. « Pourtant, on le sait, tout plan d’entraînement running implique des séances d’allures rapides, et donc des charges mécaniques élevées, dont le corps a besoin pour se transformer et progresser. Cela, il n’y a pas à le discuter. Les séances HIT en sont l’exemple par excellence.  »

    Idem.
    Merci.

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  5. Il serait intéressant de savoir où ces 3 allures se situent par rapport au niveau des coureurs. 7km/h ça peut être de l’allure de récupération, ça peut aussi être du piétinement et un geste absolument pas naturel et qui génère donc des chocs importants.

    L’enjeu pour beaucoup de coureurs est de se ralentir pour rester en endurance fondamentale. Est ce que ça ne correspond pas à l’allure « normale » du test ?

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  6. Pourrez t on avoir les références de l’étude pour la lire complètement ?

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  7. 45 personnes sur 150 mètres,… on peut faire dire à peu près tout à une telle étude

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  8. La marche nordique c’est pour les gros et les vieux

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