Trail : Xavier Thevenard, force tranquille

On aurait vite fait de réduire Xavier Thevenard à son triplé sur l’UTMB (CCC 2010, UTMB 2013 et TDS 2014). Mais ce serait oublier son sens de l’observation. Sa passion de la nature. Son amour du ski. Et sa sérénité mêlée à une insatiable soif de découvertes.

Xavier Thevenard 2014

Les paroles fusent comme on tournerait les pages d’un livre de botanique. Quand certains fantasment sur ses performances sur les sentiers et chemins – notamment autour de Chamonix – Xavier Thevenard est homme à s’émouvoir devant une hépatique à trois lobes ou un sabot de Vénus. « Un sabot de Vénus, c’est une fleur très rare ! J’en avais photographié une pendant un stage de l’équipe de France de trail à Chalmazel ». On croit parfois que l’élite n’a jamais le temps de profiter du paysage. Y compris à l’entraînement. « Quand même, tranche le Jurassien. Une fleur, avec ses couleurs, ça se voit ! ». Lui qui aime partir à la cueillette des morilles, chanterelles ou autres pieds de mouton à l’automne, est capable de repérer un champignon sur le bas-côté. De s’arrêter pour le cueillir ou de revenir le chercher « en récup, si quelqu’un n’est pas passé avant ». Pas pendant l’UTMB, évidemment, mais ses nombreuses séances d’entraînement – souvent biquotidiennes – lui laissent de quoi faire. De quoi « réciter les noms des fleurs » qu’il croise.

4 000 kilomètres de course à pied par an environ. Uniquement « en saison », du 15 mars au 15 octobre environ. Le reste du temps, les baskets sont au placard, et « le plus ravagé » – c’est lui qui le dit – d’une fratrie de trois frères et une sœur, arpente les pistes de ski.

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir ses yeux pétiller dès que la conversation tourne autour du manteau blanc. Il se définit d’ailleurs comme un « skieur qui court ». Aux Plans d’Hotonnes, dans le sud du massif jurassien, où ses parents tenaient un gite quand il était enfant, « il n’y avait rien, à part les pistes de ski ». Ces années à arpenter le plateau de Retord en long, en large et en travers – « on avait une carte du plateau, et avec mon frère, on hachurait les zones où on était passé » – à faire des « cabanes dans les bois », « choper des vipères, les mettre dans des vivariums et les observer », il s’y replonge comme si c’était hier. « Si aujourd’hui ça ne se passe pas trop mal en trail, c’est notamment parce que l’enfance, ça joue énormément », glisse Xavier Thevenard, 27 ans. Il se souvient de l’époque de ses 14 ans, à rêvasser sur les bancs du collège. « On avait une vue sur le Grand Colombier. Il y a quatre cols qui vont là-bas. Pour entrer dans la confrérie des Fêlés du Colombier, il faut faire les quatre cols dans la même journée.  J’étais en quatrième, c’était mon idée ».  Les défis ont toujours été son moteur. Par pure satisfaction personnelle. « Je n’avais même pas besoin de dire à mes parents ou quelqu’un d’autre ce que j’avais fait. J’étais juste content pour moi ».

Des carnets d’entraînement depuis ses 11 ans

Il dit de sa mère, infirmière, qu’elle est « inactive seulement quand elle dort ». Lui est du même acabit. « En mode on ou off ». Et de poursuivre : «  A 12 ans, j’avais parfois une course le samedi matin, et l’aprem j’étais sur le plateau de Retord. Je n’avais que ça à faire, et puis c’était le kiff ! ». A l’entendre égrainer ces instants si précieux, on se dit que sa mémoire est un trésor inestimable. Et quand bien même elle lui ferait un jour défaut, il reste des traces écrites. Ses carnets d’entraînement sur lesquels il notait déjà toutes ses séances quand il avait 11 ans. « Avec des observations détaillées, par exemple sur la météo ». On l’interroge sur son nombre de séances de l’époque, il sourit : « Ca peut être surprenant ! Parfois deux par jour ».

Aux côtés de la génération dorée de Martin Fourcade, il a longtemps pratiqué le biathlon. Mais « les places sont chères ». Quand il a arrêté « vers 2008/2009 », c’était avec l’idée de se diriger vers les « longues distances, en ski de fond ».

Il évoque sa première Transjurassienne, en 2009 (76 km), sa nuit blanche la veille tant cette course le faisait « rêver » : « C’était la 30ème édition, j’avais le dossard 30. Et j’ai fait dans les 30 (28ème, ndlr) ». A l’époque, un challenge proposait de cumuler cette épreuve de ski de fond avec la Transju’trail. L’occasion d’épingler son premier dossard dans la discipline. « Pour 70 bornes, cash. Avec un short à fleurs », rigole-t-il. « Je me souviens, mon père était là. A la fin (il avait terminé 7ème, ndlr), j’ai dit « plus jamais ça ». Mais j’avais pris le virus ».

Xavier-Thevenard

La suite, beaucoup la connaissent. Pour sa quatrième course, il s’est aligné sur la CCC en 2010. Parce que « 100 bornes dans les Alpes », ça pouvait « être sympa ». Très sympa, même, avec sa première grande victoire sur la place du Triangle de l’Amitié. Suivra l’UTMB en 2013 et son entrée dans une autre galaxie. Des centaines de sollicitations sur les réseaux sociaux. Et une « bringue mortelle » avec ses collègues de boulot de l’espace Mont D’or où il est éducateur sportif. Avec la TDS en 2014, il s’est offert un triplé inédit. Définitivement la cour des grands. Celle qui offre des moments inédits, comme quand un des scolaires qu’il encadrait lui a lancé : « Tu sais à qui tu ressembles ? Xavier Thevenard ! ».

2015 a débuté par une épreuve qui lui tenait à cœur : la GTJ 200 (Grande Traversée du Jura) le 7 mars, la plus longue course de ski de fond du monde. 200 kilomètres, 11h24 d’effort, en duo avec Didier Roy, et François Rosset en accompagnateur. Une belle « aventure humaine », avec un « ciel étoilé au début, du soleil, pas de vent et un enneigement nickel ».

Ensuite mi-avril, il y a eu la Patagonie et le nouvel Ultra Fiord de 70 km qu’il a remporté. Plutôt un raid en fait, « rustique », mais il en a pris « plein les yeux » avec l’impression parfois « d’être le premier homme à passer par là ».

Les jambes encore un peu écorchées par cette expérience sauvage, il a rejoint l’équipe de France de trail en stage à Annecy-le-Vieux. Un mois et demi avant les championnats du monde. Une « bonne motivation, un bon objectif », et une sélection qui « fait plaisir, une certaine récompense des efforts fournis ». Fin mai 2015, il sera donc de retour sur la Maxi-Race. En 2014, il avait terminé quatrième de l’épreuve et grimace encore en évoquant la course. « J’étais tout le temps en train de subir. Même à la fin, au sprint ». Son objectif, c’est donc de « faire mieux que l’an dernier. Je vais faire ma course. Le titre, je n’y pense même pas », lâche-t-il avant d’ajouter : « Mais on n’est jamais à l’abri d’une bonne perf ! ».

Ensuite, cet été, il sera de retour à Chamonix, sur l’UTMB. Pour « faire un meilleur chrono qu’en 2013 (20h34) ».  Parce qu’il n’est « jamais rassasié ». Hyperactif ? « Non, je ne pense pas, je suis quand même posé ». Après quelques secondes de silence, c’est lui qui a lâché l’expression dans un large sourire : « Force tranquille ».

Xavier Thevenard en bref

Né le 6 mars 1988 à Nantua (01)
Club : Doubs Sud Athlétisme
Membre du Team Asics Trail et du Team Isostar

Palmarès principal

2014

Vainqueur de la TDS

2013

Vainqueur de l’UTMB
Vainqueur de la Transju’Trail

2012

Vainqueur du Trail des Forts du Grand Besançon

2011

Vainqueur de la Transju’Trail
Vainqueur de l’Endurance Trail des Templiers

2010

Vainqueur de la CCC

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