René Auguin : « J’attends un record de France du marathon chez les hommes. »

Ce dimanche place au 45ème Marathon de Paris. Comme depuis plus de 20 ans, à la demande de l'organisateur A.S.O (Amaury Sport Organisation), René Auguin a œuvré avec son associé Benjamin Soreau pour constituer un plateau Elite de grande qualité.
René Auguin, agent numéro 1 de l'athlétisme en France, s'est confié sur sa méthode de travail et son organisation qui fait ses preuves aussi bien sur les courses sur route que lors des meetings.

Lepape-info : René, en quoi consiste votre rôle sur une épreuve comme le Marathon de Paris ?  

René Auguin : Les différents et principaux agents dans le monde m’envoient une liste d’athlètes qui souhaitent courir à Paris et à partir de là il faut faire des choix en fonction des palmarès, des records. À Paris, comme ASICS est partenaire, il faut aussi donner la priorité aux athlètes de cet équipementier. Mon rôle est de faire des choix sachant que c’est la 22ème année que je m’occupe du plateau Elite du Marathon de Paris. Ce n’est pas une routine mais c’est devenu automatique, avec mon associé Benjamin Soreau on travaille avec les principaux agents qui représentent les meilleurs marathoniens du monde, c’est ainsi qu’on arrive à faire un plateau. Sur un marathon comme celui de dimanche, cela représente une soixantaine d’athlètes au total à gérer plus les lièvres.

 

René Auguin : « Comme un marathon ne se prépare pas en 3 jours on ne remplace généralement pas les forfaits. Sur un meeting, c’est différent. Un couloir vide c’est tellement moche que jusqu’au matin du meeting on va essayer de trouver quelqu’un pour remplir le couloir vide. »

 

Lepape-info : Avec des exigences de la part de l’organisateur en fonction du statut de l’épreuve  

R.A : On a cette chance à Paris que cela court relativement vite d’autant plus si les conditions météo sont bonnes. L’an passé à Paris le marathon était en octobre c’était une année exceptionnelle, il y a eu 5 ou 6 coureurs chez les hommes en dessous des 2h05. Le record de l’épreuve de Kenenisa Bekele qui datait de 2014 a été battu par 6 coureurs. Cette année, les conditions seront plutôt fraîches en espérant qu’on ait pas de vent mais l’objectif reste de courir le plus vite possible.

 

Lepape-info : Pour constituer le plateau, le travail commence combien de temps avant ? 

R.A : Pour un marathon comme celui de Paris en avril, nous avons commencé en janvier, je travaille dessus lorsque je connais le budget du plateau Elite. On sait que les gros marathons sont bookés avant. Pour Boston (18 avril), ils avaient clôturé leur plateau en décembre, Rotterdam (10 avril) quasiment pareil. On reçoit les listes des agents assez rapidement ce n’est pas une grosse charge de travail. Après il y a toute la partie logistique pour récupérer les athlètes à l’aéroport, l’hôtel etc… mais c’est beaucoup plus simple que de faire le plateau d’un meeting par exemple.

 

Lepape-info : Est-ce parfois un vrai casse-tête entre les forfaits de dernière minute ou autres aléas ? 

R.A : La dernière semaine sur un marathon il n’y a plus grand chose à faire. Nous avons la chance pour la 2ème année de n’avoir aucun forfait. Un forfait sur marathon on ne va pas le remplacer à moins qu’il y ait une cascade de forfaits, à la dernière minute on demande s’il n’y a pas des athlètes disponibles mais comme un marathon ne se prépare pas en 3 jours on ne remplace généralement pas les forfaits. Sur un meeting, c’est différent. Un couloir vide c’est tellement moche que jusqu’au matin du meeting on va essayer de trouver quelqu’un pour remplir le couloir vide.

 

René Auguin : « Je pense que le marathon de Paris a le meilleur rapport qualité / prix au monde au niveau du plateau. Cette année à Paris on aura 2 coureurs qui sont montés sur un podium sur l’un des 6 marathons dits « Majors » en 2021. »

 

Lepape-info : Pour être en phase avec le budget de l’organisateur, comment arrivez-vous à trouver le bon compromis ?  

R.A : J’arrive à gérer grâce à mes relations avec les autres agents, étant moi-même agent d’athlète. C’est comme cela qu’on était arrivé à avoir Kenenisa Bekele à Paris en 2014 pour ses débuts sur marathon alors qu’il avait une offre énorme pour courir à Londres. Son agent que je connais bien préférait qu’il débute sur un marathon comme Paris (selon sportbuzzbusiness.fr, Bekele aurait touché une prime d’engagement entre 200 000 et 250 000 dollars). Je pense que le marathon de Paris a le meilleur rapport qualité / prix au monde au niveau du plateau. Un marathon comme celui de Berlin a sensiblement le même prize money que Paris mais les organisateurs ont un plus gros plateau, cela vient du budget. Cette année à Paris on aura 2 coureurs qui sont montés sur un podium sur l’un des 6 marathons dits « Majors » en 2021. Nous avons l’Ethiopien Seifu Tura le vainqueur à Chicago en octobre dernier, son agent voulait qu’il court à Boston mais il a été refusé avant d’avoir une invitation la semaine dernière mais il avait déjà dit « oui » à Paris. Autre athlète de renom présent, le Marocain Mohamed El Araby, 2ème à New-York en novembre dernier. Cette année nous avons 6 coureurs qui ont un record personnel sous les 2h05, je pense que c’est l’année où l’on a la plus grosse densité de coureurs. On sait très bien qu’il y a l’effet chaussure à lames de carbone qui fait gagner en gros plus ou moins 2 minutes à chaque coureur.

 

Lepape-info : Quel est le budget pour le plateau Elite du marathon de Paris ? 

R.A : J’ai une vraie clause de confidentialité avec ASO, je ne suis pas en mesure de vous communiquer même une fourchette de prix.

 

Lepape-info : Cela fait plus de 20 ans que vous gérez le plateau Elite du Marathon de Paris, comment avez-vous vu évoluer l’épreuve ?  

R.A : J’ai vu l’évolution exponentielle du running en France. Il y a une forte demande pour les grosses courses. Au semi-marathon de Paris, début mars, il y avait 50 000 coureurs sachant que les courses de province ont perdu toutes environ 30 à 40% de participants avec la crise sanitaire. Les épreuves de masse à Paris en revanche s’en sortent très très bien.

 

René Auguin : « Pendant des années, Paris était considéré comme un marathon très difficile où ce n’était pas possible de réaliser des performances. Finalement avec le même parcours on a su prouver qu’on pouvait aussi courir vite à Paris. Le record de France du marathon, ce serait la cerise sur le gâteau, il date de 2003. » 

 

Lepape-info : Cela reste une vraie organisation de gérer au mieux les plateaux dont vous avez la charge ? 

R.A : Le week-end du semi-marathon de Paris, nous étions aussi responsables du plateau du marathon et du semi-marathon de Riyad (Arabie Saoudite) mais aussi du meeting Perche Elite Tour à Rouen. L’ensemble des évènements s’est très bien passé. Avec mon associé Benjamin, on a cette chance de pouvoir être à fond dedans et de s’appuyer sur des personnes de confiance sur qui l’on peut compter.

 

Lepape-info : Vous êtes aussi vous-même agent, vous gérez combien d’athlètes ? 

R.A : Autour de 70 athlètes à 99% Français. On se refuse de gérer par exemple des athlètes Kenyans ou Ethiopiens car nous ne sommes pas structurés pour et que nous avons pas envie de nous disperser. C’est plus simple de gérer des athlètes qui sont en France, il n’y a pas toute cette logistique de billets d’avion, de visas, de séjour. On reste focus sur les athlètes Français et c’est très bien ainsi.

 

Lepape-info : Qu’attendez-vous dimanche du Marathon de Paris ? 

R.A : J’attends un record de France du marathon chez les hommes. J’aimerais bien aussi que le record de l’épreuve chez les femmes tombe. Ce record était dans le contexte d’une course mixte, là dimanche les femmes partiront devant, même si c’est plus difficile car ce seront des lièvres femmes pour des femmes. Sur des courses mixtes généralement ce sont des hommes qui servent de lièvres pour les femmes, là ce sera différent c’est pour cela que j’aimerais bien que le record soit battu chez les femmes. Lorsque un record tombe on parle plus de l’évènement. Pendant des années, Paris était considéré comme un marathon très difficile où ce n’était pas possible de réaliser des performances. Finalement avec le même parcours on a su prouver qu’on pouvait aussi courir vite à Paris. Le record de France du marathon, ce serait la cerise sur le gâteau il date de 2003 (Benoît Zwierzchiewski en 2h06’36 à Paris)

 

Lepape-info : Vous pensez à Morhad Amdouni pour battre ce record de France 

R.A : Oui bien sûr, il y a aussi Julien Wanders qui va s’attaquer au record de Suisse (Tadesse Abraham en 2h06’40 en 2016 à Séoul) qui est à 4 secondes près le même que le record de France. Cela va être très intéressant, il y a une course dans la course.

 

René Auguin : « Julien Wanders est Suisse, il a le maillot Suisse, il court pour la Suisse. Lui-même n’est pas plus intéressé que cela par le record de France, aux athlètes Français de monter au créneau pour faire changer ce règlement. »

 

Lepape-info : Que pensez-vous de cette situation avec Julien Wanders qui possède des records de France avec sa double nationalité Franco-Suisse ? 

R.A : En plus de ceux chez les seniors sur semi-marathon et 10 km, il a aussi des records de France Espoirs qu’aurait pu avoir aussi Jimmy Gressier. Le règlement de la Fédération française dit qu’il peut avoir les 2 records (Suisse et France). S’il faut changer le règlement c’est à la Fédération de le faire. C’est peut-être aux marathoniens Français entre eux de monter au créneau pour dire ça suffit. Julien Wanders est Suisse, il a le maillot Suisse, il court pour la Suisse. Lui-même n’est pas plus intéressé que cela par le record de France, aux athlètes Français de monter au créneau pour faire changer ce règlement.

 

Lepape-info : Quel regard portez-vous sur l’émulation chez les marathoniens Français ? 

R.A : C’est super on a jamais eu une telle densité en France chez les hommes. On a eu du temps de Benoît Z, Mohamed Ouaddi, Driss El-Himer de très bons marathoniens en France. On est en train de retrouver une belle densité et ce n’est pas fini, d’autres vont monter sur marathon comme Félix Bour et on leur souhaite de réussir. Chez les dames, on a vu Mélody Julien faire les minima pour les Championnats d’Europe, Maëva Danois (ancienne spécialiste du 3 000 m steeple) disputera dimanche son 2ème marathon, une athlète comme Mekdes Woldu va monter sur marathon, Liv Westphal a été retardée par un problème de blessure, on espère qu’elle sera opérationnelle à l’automne ou en fin d’année. On peut espérer aussi que Margaux Sieracki, Méline Rollin montent aussi rapidement sur marathon pour densifier l’équipe de France.

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