Pierre Rolland : « Rouler à vélo c’est un peu l’une des premières choses que l’on fait quand on est enfant. »

10 ans déjà ! En ce mois d'avril, le site Lepape-info créé lors du Marathon de Paris 2011 fête son 10ème anniversaire. L'occasion d'échanger avec les spécialistes des disciplines que nous traitons régulièrement.
Le cycliste Français Pierre Rolland membre de l'équipe B&B Hotels p/b KTM notamment vainqueur de 2 étapes du Tour de France se confie sur l'évolution du peloton et de la pratique cycliste ces 10 dernières années. 10 ans, 10 questions. Entretien.

Crédit photo : B&B HOTELS p/b KTM

Lepape-info : Pierre, vous avez commencé votre saison plus tardivement que d’habitude

Pierre Rolland : J’ai repris la saison un peu plus tard en raison notamment des courses annulées ou reportées (comme le Tour du Rwanda reporté en mai, le Tour de Sicile reporté à la fin du mois de septembre). Du coup j’ai fait mon retour lors de Cholet-Pays de la Loire avant de participer à la Roue Tourangelle. Maintenant j’espère que les courses vont avoir lieu et s’enchaîner.

Les deux courses que j’ai disputé n’avaient pas un profil très difficile, c’était histoire de remettre un dossard, de recourir. J’ai hâte de commencer les courses à étapes avec le Tour de Turquie qui va me lancer, j’ai besoin de cela. J’espère en sortir en bonne condition.

 

Lepape-info : Le point d’orgue de la saison sera le Tour de France ?

P.R : C’est le rendez-vous à ne pas manquer, c’est ce qui fait qu’on réussit ou pas une saison. C’est le moment de l’année où il faut être au top, performant, il faut avoir aussi un peu de réussite. J’espère avoir de bonnes jambes, être acteur. Après la victoire forcément on y pense mais il y a des tenants et des aboutissants qu’on ne maîtrise pas. L’important est de s’entraîner et d’arriver prêt. Après lors de la course il y a des aléas, on peut gagner cela nous tombe dessus et parfois on peut être super fort et passer à côté.

 

Pierre Rolland : « Dans le peloton c’est le professionnalisme qui a vraiment terriblement évolué. Chaque course est maintenant disputée par des équipes qui présentent leurs meilleurs coureurs minutieusement préparés avec des stages et beaucoup de volume. »

 

Lepape-info : Votre préparation cet hiver s’est déroulée comme vous l’entendiez ?  

P.R : Ce fut un long hiver avec quelques stages et notamment un dernier à Tenerife en mars. L’entraînement je commence un peu à saturer, j’ai vraiment envie de courir. Mon programme est bien échelonné jusqu’au Tour en espérant que tout se maintienne et qu’il n’y ait plus de courses annulées ou reportées.

 

Lepape-info : Que retenez-vous de votre carrière sur ces 10 dernières années écoulées ? 

P.R : Le temps passe vite, je retiens ma régularité, mon abnégation, les beaux moments sur le Tour de France (victoire d’étape à l’Alpe d’Huez en 2011, 10e au général et meilleur jeune, victoire d’étape à la Toussuire en 2012, 8ème au général), ma 4ème place sur le Giro en 2014 ou encore l’étape remportée en 2017. Mon retour en 2019 dans une équipe Française « Vital Concept B and B Hôtels » (après 4 ans chez les Américains) ce fut aussi un grand moment comme mon 1er grand Tour.

 

PIERRE ROLLAND
Pierre Rolland (à droite) – Crédit photo : B&B HOTELS p/b KTM

 

Lepape-info : Comment avez-vous vu évoluer en 10 ans la pratique de votre sport en tant que coureur pro et d’une manière générale ? 

P.R : Dans le peloton c’est le professionnalisme qui a vraiment terriblement évolué. Chaque course est maintenant disputée par des équipes qui présentent leurs meilleurs coureurs minutieusement préparés avec des stages et beaucoup de volume. Il n’y a plus de coureurs qui vont sur les courses pour simplement faire comme l’on dit des épreuves de préparation, ils arrivent fin prêts, la densité du peloton a augmenté. Dans les ascensions, cela montre très vite, le peloton reste compact pendant très longtemps et avec moins de différences. Dans la vie de tous les jours, on l’observe depuis un an et demi le vélo est en train de prendre la place d’un vrai moyen de locomotion avec les vélos dames, le vélo cargo c’est une bonne chose. Il y a eu beaucoup d’efforts de faits dans les aménagements pour les utilisateurs de vélo. Cette évolution va dans le très bon sens, il reste à améliorer la cohabitation avec les automobilistes et ce sera parfait. Le fait de rendre les centres-villes plus accessibles c’est très bien, moi qui habite à Orléans je le vois.     

 

Lepape-info : La technologie aussi a évolué ces dernières années 

P.R : Les outils d’analyse, les capteurs n’ont cessé d’évoluer. Les capteurs de puissance existent depuis pas mal d’années, au début peu de coureurs les utilisaient maintenant tout le monde s’en sert à l’entraînement ou en course avec aussi les capteurs de glycémie, de sommeil. Tout est très très mesuré, calculé, tous ces apports scientifiques ont poussé vers le plus haut-niveau possible en allant chercher les petits pourcentages par-ci par-là. On court et on optimise le sommeil, l’entraînement où l’on arrive quasiment à reproduire les conditions de course en compétition.

 

Pierre Rolland : « Dans la pratique de la population en général, j’espère que cela va encore s’intensifier, que les gens vont prendre l’habitude d’utiliser le vélo comme un moyen de locomotion pour aller au travail, en vacances, que ce soit une vraie échappatoire. » 

 

Lepape-info : La cohabitation avec les automobilistes, vous l’avez évoqué, reste l’un des dossiers à régler 

P.R : Je roule 90% du temps seul, il n’y a pas une journée où je ne me fait pas raser par une voiture pourtant je roule bien à droite. C’est typique chez nous en France. En Italie les automobilistes vous frôlent aussi un peu. En Espagne il n’y a pas une voiture qui passe à moins de 2 mètres d’un cycliste, chez eux c’est rentré dans les mœurs. Aussi il y a certaines pistes cyclables, je parle pour nous, qui ne sont pas adaptées à notre allure et qui du coup sont dangereuses. Il y’a des choses à revoir. Les aménagements urbains se sont multipliés par 5 ces dernières années et pour nous le peloton c’est un réel danger. Sur les très grandes épreuves comme le Tour ils ont les moyens de faire sauter des ronds-points, des ilots de signalisation mais cela coûte très cher, les courses plus modestes ne peuvent pas se le permettre. Sur ce genre de courses il faut peut-être réduire le nombre de coureurs pour limiter le danger pour le peloton.

 

Lepape-info : Comment le cyclisme va t’il évoluer selon vous ? 

P.R : Le monde pro va encore plus se professionnaliser de manière plus poussée. L’Union Cycliste Internationale (UCI) tente de ralentir certaines choses en interdisant par exemple les positions qui nous font prendre trop de vitesse comme la position de descente « Mohoric » qui consiste à se coucher sur le cadre du vélo dans les descentes, position interdite depuis le 1er avril mais sinon je ne vois pas de grand virage. Dans la pratique de la population en général, j’espère que cela va encore s’intensifier, que les gens vont prendre l’habitude d’utiliser le vélo comme un moyen de locomotion pour aller au travail, en vacances, que ce soit une vraie échappatoire. Il n’y a rien de mieux que de prendre son vélo et d’aller où l’on veut au final. Rouler à vélo c’est un peu l’une des premières choses que l’on fait quand on est enfant quand on peut se promener dans la nature, pour les adultes c’est un retour aux sources.

 

Lepape-info : La pratique du vélo augmente chez les femmes et d’une manière générale 

P.R : Oui d’autant que les vélos maintenant sont bien adaptés pour les femmes et puis il y’a des vélos pour toutes les pratiques. Le gros plus ces 4-5 dernières années fut également les vélos électriques. Avoir un vélo assistance avec 40-50 km d’autonomie c’est pratique pour aller au travail ou déposer les enfants à l’école vous n’êtes pas complètement en sueur. Quand je vais chercher mes enfants j’ai un vélo cargo j’adore cela, je trouve cela génial. On se sent mieux que dans une voiture vous n’avez pas à galérer pour vous garer en centre-ville. Il y a une sensation de liberté à faire du vélo.

 

Lepape-info : Quel est votre moteur au quotidien ? 

P.R : Gagner des courses, vivre ces émotions qui sont uniques en sport d’un point de vue personnel. Il y’a aussi l’émotion collective lorsque l’on voit un coéquipier gagner, tout un staff heureux du travail accompli ensemble. Ce qui me motive aussi c’est le public, être dans la foule au milieu des spectateurs en train de m’encourager. Le public manque en ce moment c’est sûr mais il va revenir, il faut être patient. Le public sera sur le bord des routes le plus rapidement possible, je l’espère.

1 réaction à cet article

  1. Merci à vous Pierre et à tous les coureurs de nous faire rêver par les efforts que vous produisez, ce qui est parfaitement l’inverse de notre pauvre société de facilité écoeurante recherchant plus le confort du canapé que le goût de l’effort et du dépassement … vive le sport et vive le cyclisme et j’espère aussi vous revoir sur le bord des routes

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