Les secrets d’Eliud Kipchoge (Breaking 2, 2h03’05, Champion Olympique)

A la veille du marathon de Berlin, le grand favori Eliud Kipchoge, rendu célèbre aux yeux du grand public par le projet de Nike de passer sous les deux heures au marathon rendait public les dernières semaines de sa préparation. L’occasion pour notre expert Anaël AUBRY d’analyser sa planification d’entraînement.

Crédit Photo : Daily Mail

Berlin 2017

 

Il y a quelques jours s’est déroulé le marathon de Berlin. Fidèle à sa réputation, l’organisateur a monté un plateau de rêve avec la légende Kenenissa Bekele (multiples records et titres mondiaux sur piste, 4ème départ sur marathon en 1 an après sa victoire ici même il y a un an à 6 secondes du  record du monde), Eliud Kipchoge (champion Olympique en titre et tête d’affiche du célèbre Breaking 2 de Nike qui a débouché à Monza sur un 2h00’25’’ quatre mois et demi plus tôt )  d’une régularité et progression infaillible depuis son passage sur marathon : 2h04’05’’ en 2013 ; 2h04’11’’ en 2014 ; 2h04’00’’ en 2015 ; 2h03’05’’ en 2016) et Wilson Kipsang ancien recordman du monde (2h03’23″ en 2013).

 

 

Pour nous mettre l’eau à la bouche il a été demandé aux lièvres un passage en 1h00’50’’ au semi, le scénario était donc parfait sur le papier. Malheureusement, la pluie et un fort taux d’humidité sont venus s’en mêler, Bekele lâche prise dès la mi-course sans doute usé par son calendrier infernal, puis vient le tour de Kispang, visiblement pas au top de sa forme, laissant Eliud Kipchoge seul aux prises avec le rookie Ethiopien Guye Adola.

Le record du monde encore envisageable au passage du 30 ème kilomètre, la bataille est alors lancée entre les deux athlètes. Les amateurs de chiffres retiendront que le record n’est pas tombé, les amoureux de joutes sportives une très belle bagarre entre un grand champion et un « junior » avec qui il faudra visiblement compter (sans référence chronométrique sur la distance, mais des faits d’armes sur des distances inférieures sur 10km : 27’09’’ à Eugene en 2016 ; et  3ème des mondiaux 2014 sur semi-marathon ).

Il convient de porter un œil sur le diagramme ci-dessous pour affiner l’analyse du déroulement de la course.

Evolution de l’allure au 5km de Kipchoge à Berlin 2017 (jaune), du marathon record de Kimetto (gris) et sur des stratégies plates pour le record du monde actuel (rouge), 2h02’ (bleu), 2h01’ (blanc), 2h00 (vert).
Evolution de l’allure au 5km de Kipchoge à Berlin 2017 (jaune), du marathon record de Kimetto (gris) et sur des stratégies plates pour le record du monde actuel (rouge), 2h02’ (bleu), 2h01’ (blanc), 2h00 (vert).

 

Kimetto (2h02’57’’) avait construit son record à Berlin lors d’un formidable changement d’allure face à Emmanuel Mutai (2h03’13’’) en 2016, qui avait failli lui coûter cher, Mutai revenant du diable vauvert, mais sa victoire et son record lui ont donné raison . Cette fois-ci on peut voir que Kipchoge, sur une stratégie plus « plate » faisait jeu égal jusqu’au 30ème, puis qu’à l’inverse la bataille avec Adola a amené une diminution de  l’allure générale : de 14’35 au 5km en moyenne, à 15’04 (35-40ème), la bataille pour le record était perdue, les ralentissements étant plus forts que les accélérations (pourtant très brutales). Pas de record, tout de même un 2h03’32’’, sous la pluie et dans le froid, nos deux concurrents ayant été lâchés  par les lièvres depuis trop longtemps  et un dernier 10km aux trop nombreux changements d’allures. Il ne faut pas oublier que malgré les nombreuses stratégies développées par Nike lors du projet breaking 2 et s’appuyant sur des études très sérieuses (http://www.lepape-info.com/actualite/moins-de-2h-au-marathon-theoriquement-envisageable/), ce diagramme nous renseigne également sur le fait qu’un record en moins de deux heures dans des conditions « classiques » ne semble pas encore pour maintenant.

 

Que se cache sous le capot de Kipchoge

       

Finalement, le vrai buzz de cette édition de Berlin 2017 auront été les révélations du site sweatelite.co et relayé en France par très bon site track and life (http://www.trackandlife.fr) que nous recommandons à tous les amateurs d’athlétisme. En effet, et c’est assez rare pour être souligné, un accès aux 6 dernières semaines d’entraînement de Kipchoge, moins celle pré-marathon. En course à pied il est très rare que des élites rendent public le contenu de chaque séance. On peut parfois apercevoir des séances par-ci par-là, mais des semaines entières… Jean Claude Vollmer nous avait permis de suivre la préparation d’Hassan Chadi vers le marathon de Paris 2016 (http://www.lepape-info.com/actualite/special-marathon-de-paris-2017-plan-dentrainement-hassan-chahdi-semaine-1/ et http://www.lepape-info.com/actualite/actualite-running/special-marathon-de-paris-2017-plan-dentrainement-hassan-chahdi-semaine-3/) avec notamment une analyse de ses choix, très enrichissante pour les passionnés. Comme il n’existe pas une méthode infaillible, il est toujours intéressant de prendre différentes informations, visions, afin de s’en enrichir et de trouver ce qui nous conviendra le plus. L’exemple d’Hassan en est une parfaite illustration avec son « faible » kilométrage pour un coureur  élite, découlant d’une prise en compte de son passif, de ses particularités, de son ressenti et des sensibilités de Jean Claude.

Si vous souhaitez voir l’intégralité des 5 semaines d’Eliud Kipchoge, direction la très bonne traduction française de notre confrère passionné de Track and Life : http://www.trackandlife.fr/plan-dentrainement-deliud-kipchoge/

Comme souvent, on espère toujours découvrir des entraînements novateurs, des méthodes miracles, un secret… Alors que rien n’est rarement si nouveau et que la clef est souvent de travailler avec sérieux, sans ne rien laisser au hasard, tout en étant lucide sur les demandes de l’activité et en les mettant au regard de ses points forts/faibles.

 

Prise de recul

Ensuite, avant toute analyse il sera nécessaire de prendre du recul et de ne pas avoir une lecture unique et exclusive. Par exemple sur un type de séance un entraîneur de terrain pourra réfléchir en termes d’allures, de répétitions ou d’intervalles ; quand un physiologiste pourra l’assimiler à différentes zones de travail physiologique. Les préparateurs physiques auront souvent une lecture du plan vision et leurs méthodes d’entraînement. Mettez 5 entraîneurs dans la même pièce, donnez- leur un contenu d’entraînement à étudier et vous aurez très probablement 5 interprétations différentes.

Il va donc être essentiel d’avoir une lecture prenant le plus de recul possible, en essayant d’adopter différentes casquettes.

Source Photo : www.thedrum.com

 

Conditions d’entraînement

Enfin, il va être essentiel de faire un point sur ses conditions d’entraînement. Tout d’abord, cette préparation terminale a été réalisée en altitude (Iten, 2400m). Pour avoir eu la chance de prendre part à des préparations en altitude dans d’autres sports demandant des charges d’entraînement assez lourdes (triathlon, natation en eau libre), sans conteste il ne sera pas possible de comparer avec des temps réalisés au niveau de la mer. Les efforts, comme les récupérations seront physiologiquement plus difficiles et donc les chronos à revoir (en raison d’une baisse de la pression atmosphérique qui s’associera avec une moindre capacité à prélever l’O2). Cela pourra coûter, suivant les profils, plusieurs secondes par 1000m,par exemple, ou d’allonger les récupérations ou encore de réaliser des intensités de récupération plus faibles. Bref, il faudra ajuster l’entraînement en fonction de son objectif et de se référer au travail réalisé, plus qu’à un tempo visé au niveau de la mer et facilement transposable que l’on soit à Paris, à Nice ou à Dijon. Enfin, la quasi-totalité de ses séances ont été réalisées sur chemin de terre, ce qui sera évidemment moins traumatisant, mais réduira l’efficacité de pied et donc par conséquent les allures strictes. Ajouté au fait que les chemins sur lesquels sont réalisés les  fartlek seront rarement plats, parfois boueux et que la piste réservée aux séances intenses calibrées sera en cendrée, il va être nécessaire de se détacher des vitesses brutes annoncées.   


Individualité

Point essentiel, bien que cette planification soit une mine d’informations nous ne connaissons pas l’entraînement passé d’Eliud Kipchoge. La tentation serait de vouloir copier cette planification, au moins en partie pour une prochaine préparation. Cette stratégie pourra s’avérer être une grande erreur. Les besoins ne seront pas les mêmes. Par exemple si vous vous écroulez musculairement dans le dernier 1/3 de chaque marathon ne faudra-t-il pas introduire un travail de renforcement en laissant de côté quelques entraînements spécifiques marathons ? Par ailleurs, Kipchoge n’est pas arrivé à ce niveau d’expertise soudainement, il en est capable grâce à deux décennies d’entraînement de haut niveau et par une formidable capacité à supporter de hautes charges d’entraînement. Point essentiel, rappelé dans nombre de nos articles : la charge d’entraînement est personnelle et non uniquement liée à l’objectif visé. Un nageur d’eau libre pourra s’entraîner 20km tous les jours comprenant des exercices de haute intensité auquel il faudra ajouter un travail de renforcement, quand un triathlète réalisera ses 3 sports quasi quotidiennement. Peu d’individus en sont capables.

Enfin, un raccourci facile pourrait être de se dire qu’à la lecture de la planification d’entraînement d’un sportif de haut niveau, que tout ce soit bien passé, qu’il soit un exemple à suivre et donc qu’il pourra s’appliquer à tous. A très haut niveau il est rare de constater l’exécution d’un plan à la lettre. Blessures, fatigue, points à corriger, jours sans, terrain impraticable, etc… celui-ci devra être sans cesse remis en cause et s’il aboutit à une performance de pointe, il sera le fruit d’une adaptation réussie aux différents éléments et la conséquence d’années de travail.

 

Maintenant que nous avons essayé d’éliminer les erreurs d’interprétation potentielles, voici ce que nous pouvons ressortir de cette planification.

Quel kilométrage ? Ce sera souvent la question n°1 des passionnés de marathon.

 

Volume kilométrique
Semaines pré- Berlin 2017 Kilométrage ( km/sem)
Semaine – 5 190 km
Semaine – 4 177 km
Semaine – 3 192 km
Semaine – 2 177 km
Semaine – 1 182 km
Semaine 0 (marathon de Berlin) ?

 

Combien de kilomètres par semaine ? Combien de sorties longues ? En regardant le volume hebdomadaire brut de Kipchoge, on note assez peu de variations entre les semaines : 177-192 km/sem en moyenne. Il ne semble donc  pas y avoir de cycle « classique » charge / décharge de type 2 semaines à fort volume / 1 semaine à faible volume. Il est donc resté sur un volume très constant, tout du moins durant les 5 semaines qu’il nous est donné d’interpréter. Il n’y a également pas de période d’affûtage pré-compétitif « classique » avec une forte diminution du volume d’entraînement durant au moins 10-15 jours. Il conserve donc un très fort volume jusqu’à la semaine terminale de préparation précédant Berlin.

Autre constat, aucun jour off. Son jour de récupération semble être associé à sa sortie facile de 18-20km, avec certaines de ces sorties à un rythme de 6 min/km (10km/h), très facile pour un athlète de ce calibre. Bien que cela puisse surprendre, il faut bien se rendre compte qu’une course lente d’environ 19 km est en fait une récupération, une régénération, semblable à ce qu’une personne « normale » réaliserait en marchant à bonne allure pendant 1h.

Secondement, on ne retrouve pas de traditionnel « week-end » facile comme c’est souvent le cas chez les sportifs de haut niveau occidentaux. Il n’y a pas trace par exemple d’un samedi ou dimanche off ou modéré qui couperait l’enchaînement des semaines. Au lieu de cela, Kipchoge s’appuie sur des sorties « tempo » de 30-40 km destinées à lui procurer l’endurance nécessaire à la réalisation de marathon pleins. Ses séances tempo de 40 km sont impressionnantes, principalement dans la gamme d’allures : autour de 19 km/h (≈ 2h13). Bien entendu il reste à ≈ 15 sec au kilo plus lent que le record du monde (≈ 3’10 Vs 2’55), mais il ne faut pas oublier que nous parlons de tempo exécutées sur des chemins de terre, ± boueux, ± vallonnés et au-dessus de 2000 m d’altitude. Nous parlons donc d’une séance très aérobie sur le papier par l’allure et le volume, mais rendue plus difficile d’un point de vue interne par les éléments extérieurs. Sans être présent sur le terrain il sera difficile de l’estimer, mais nous pouvons sans trop nous tromper affirmer que d’un point de vue physiologique et mental, ces séances se rapprochent du travail spécifique marathon.

Ce travail « spécifique » marathon aura donc tout autant un intérêt physiologique (intensité et durée proche du jour J), que mental (partenaires/adversaires, difficulté liée aux conditions, habituation à l’effort, etc.), mais également technique (terrain plus difficile et pression atmosphérique plus difficile) et tactique (placement en peloton sur plus de 2h, passage de relais, gestion des allures, des à-coups, des relances, etc.). Ces sorties exercent une grande fascination auprès des coureurs occidentaux, peu habitués de ce type d’entraînement, notamment dans leur système de formation, à l’inverse des coureurs des hauts plateaux, très tôt formés à ce type de séance, même pour les pistards.

Il est intéressant de noter qu’il ne place qu’une séance de « tempo court » ou « seuil ». Ce que ses homologues occidentaux réaliseront à partir de séance tempo fractionné. Par exemple en coupant la séance tempo sur des tronçons de 5 à 15 km, proche de l’allure semi-marathon. Cela a peut-être été réalisé lors des semaines précédentes, nous ne le saurons pas, mais il est à noter qu’elles sont presque absentes à partir de S-6.

Credit Photo : Media Wired

Au lieu de cela, Kipchoge s’appuie sur des fartleks plus longs visant à fonctionner à une allure spécifique marathon, tout en obtenant un stimulus physiologique de « seuil » que nous assimilerons chez nous le plus souvent à un travail de  tempo / seuil constant. Grâce à l’altitude et au terrain chaotique, il utilise des fartleks avec un temps de repos assez court (c.-à-d. 13 × 3 min de travail / 1 min de récupération) ou de longs intervalles (c.-à-d. 13 × 1 km de travail / 90 sec de récupération) pour courir à des allures entourant celles du jour J (20 – 22 km/h). Il semble qu’il utilise ces fartleks et les intervalles du cœur de séance pour s’habituer à courir au rythme spécifique. Il n’est pas à occulter que cette construction de séance puisse être fortement dépendante du fait de se trouver en altitude. Mais, il reste intéressant de noter que Kipchoge semble découper ses fartleks par des temps d’effort relativement courts et répétés à plusieurs reprises, lorsque les entraîneurs occidentaux privilégieront plutôt des temps d’effort allongés lors de préparations marathon.

Enfin, il est à relever un important travail sur des vitesses plus rapides que nous pouvons assimiler à du travail spécifique de 5000-10 000m. Indépendamment des vitesses brutes, celles-ci auront un grand intérêt pour le coureur de marathon. Une séance 30 × 1 min rapide (22 km/h) / 1 min lent ; ou une séance enchaînant les séries de 800 (base 2 min 10) à 400 (base 62 sec) proposant un important volume (10 à 15 km de séance) à des vitesses élevées (2’30-2’45 au km). Ces séances sont assez remarquables. Il possède encore une marge de vitesse, en atteste sa fin de séance du 15 août (200m en 27 sec, soit environ 2’15 au km), il semble donc privilégier une quantité de travail importante à une haute intensité, mais où il démontre une marge suffisante pour maintenir une qualité de travail dans le temps. Les récupérations entre les répétitions sont assez courtes (60-90 sec ou 200 m trotté) afin de maintenir un travail physiologique de haute intensité. La séance du 15 août (300 en 40-42 sec ; 200 en 27 sec ; sur piste cendrée à 2300m) démontre la volonté de conserver une réserve de vitesse gestuelle au-dessus de VMA, essentielle à l’économie de course, même sur longue distance. S’il est capable de produire de hautes vitesses de façon efficiente, il consommera moins d’énergie à de plus basse vitesse par l’intermédiaire d’une technique de course moins énergivore. La passerelle est parfois difficile à faire, mais il y a un grand intérêt à s’offrir une réserve de vitesse supérieure à celle de course, dans l’objectif de ne pas se « brider » gestuellement aux vitesses spécifiques.  

 

Impressions globales

 

L’entraînement de Kipchoge est simple, avec peu de surprises, construit avec intelligence vis-à-vis du contexte d’entraînement et surtout il travaille dur et consciencieusement. Il s’accorde le droit de posséder une palette de vitesses assez large, d’aérobie facile, à des enchaînements courts et rapides, en passant par le sacro-saint tempo long Kényan. Alors que le raccourci serait de ne se concentrer que sur l’endurance dans l’optique du marathon, il n’occulte pas des rappels de vitesse qu’il a pu développer lors de sa première carrière de pistard (champion du monde du 5000m à Paris en 2003) et ainsi préserver une essentielle réserve de vitesse. Celle-ci lui apporte certainement une capacité à courir vite (notamment gestuelle, mentale et énergétique) qui lui permettra de se sentir à l’aise à des vitesses spécifiques plus basses. Il est également à noter de nombreux footings de facile à modérée. Un concept souvent négligé notamment dans l’entraînement d’athlètes moins experts qui voudront souvent aller à l’essentiel. Bien entendu le volume demandé et possible sera plus important chez les élites et donc sa part plus importante, mais à tout niveau ces run lent auront un intérêt : développement de la base aérobie (tout s’imbriquant d’un point de vue physiologique comment espérer avoir un toit solide si les fondations n’existent pas), développement physiologique (amélioration du transport énergétique et de la capacité de dégradation des graisses), travail peu coûteux = séances intenses plus efficaces donc plus grandes adaptations, amélioration de l’efficience de course, etc…

Cette impression est très pertinente car elle vient confirmer ce que nous avons pu constater auprès d’autres athlètes experts : natation eau libre, triathlon, VTT, athlétisme, pentathlon moderne… pour qui le développement de toute la palette de vitesses/puissances avec évidemment des priorisations suivant les disciplines et les points forts/faibles sera toujours l’une des bases de leurs planifications d’entraînement.

Distribution des séances d’entraînement d’Eliud KICHOGE lors des 5 semaines de préparation terminale au marathon de Berlin 2017.
Distribution des séances d’entraînement d’Eliud KICHOGE lors des 5 semaines de préparation terminale au marathon de Berlin 2017.

 

Distribution des intensités d’entraînement (km) lors de préparation terminale d’Eliud KICHOGE au marathon de Berlin 2017.
Distribution des intensités d’entraînement (km) lors de préparation terminale d’Eliud KICHOGE au marathon de Berlin 2017.

 

Différences

Le plus intéressant est finalement ce qui est assez exceptionnel pour des occidentaux. Par exemple qu’il n’y ai pas de grandes fluctuations du volume d’entraînement, pas de périodes d’affûtage « classique », peu de travail « traditionnel » au seuil. Ce que cela montre encore une fois est qu’il n’existe pas de recette unique, il faut absolument oublier ce concept ! Bien entendu il faudra avoir une base théorique et de terrain solide, mais la clef sera de l’adapter à l’individu, à ses réponses, à ses besoins (qui auront varié d’une année à l’autre), à ses idées et au contexte : ici altitude, terrain, rythme de vie, background sportif ; auquel vous devrez ajouter votre contexte professionnel et familiale. Un entraîneur français de renom aux nombreux titres mondiaux aura un rythme basé sur le mercredi après-midi, le samedi après-midi et le dimanche off entrecoupés de blocs de travail très intenses et avec très peu de périodes de respiration dans la saison en dehors des deux objectifs prioritaires. Impensable pour un autre collègue qui placera une ½ journée off hebdomadaire puis une semaine allégée tous les 3-4 semaines… Pourtant les deux gagnent ! Il y a donc beaucoup de chemins pouvant mener à Rome, mais ce qui les caractérisera encore une fois, sera une adaptation aux athlètes, un gout du travail indispensable, une palette de développement globale mais différenciée suivant les priorisations et surtout la capacité à se remettre en cause et à adapter au jour le jour le plan établi.

 

Enfin, il ne réalise pas de séances d’extraterrestre ! Il n’est pas le champion du monde de l’entraînement. Bien sûr réaliser 40km régulièrement à ce tempo est impressionnant à la lecture. Mais le plus rapide est réalisé en 2h13, soit 2h20 au marathon avec 2 km de plus. Est-ce difficile ? OUI. A plus de 2000m et sur une piste en terre rouge encore plus ! Mais pour quelqu’un possédant une performance moyenne de 2h03’46’’ depuis 5 ans (sans prendre en compte breaking 2) et courant au moins deux fois par jours depuis son plus jeune âge (donc ayant une formidable capacité à encaisser les charges d’entraînement), il n’y a rien d’anormal. C’est justement cette capacité à bien travailler, TOUT LE TEMPS, qui le caractérise comme tous les athlètes d’exceptions. NO PAIN NO GAIN, mais de façon raisonnée, structurée, consciencieuse et sans précipitation à court terme. L’objectif n’est pas de se faire la guerre pendant 3 jours, puis de devoir lever le pied. Mais de construire tous les étages de la fusée.

Si je devais trouver le « secret » de l’entraînement d’Eliud Kipchoge et donc conclure notre analyse, ce serait très simple : un travail cohérent sur le long terme !

Merci à Eliud Kipchoge et à son entourage d’avoir partagé ces quelques semaines clefs de son carnet d’entraînement.

 

Pour suivre l’actualité d’Anaël AUBRY sur Twitter : @AUBRYANAEL et Facebook : http://facebook.com/Anael.AUBRY.Sport.scientist

 

1 réaction à cet article

  1. Il manque un élément essentiel : la préparation  » biologique » du staff médical. Qu’en pensez vous ?

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