Fanny Reyer : « Entre la promotion du cyclisme féminin et le fait que je sois très sportive je voulais réaliser une vraie performance. »

Alors que le Tour de France cycliste féminin s'est achevé ce dimanche, rencontre avec Fanny Reyer qui a bouclé le parcours de son côté en solo quelques jours avant le passage des coureuses professionnelles.
Sportive engagée, Fanny Reyer a également fondé l'association WATT (Women Are Talented Too) pour promouvoir le cyclisme par la mixité et amener les femmes à s'imposer dans ce milieu. Entretien.

Fanny Reyer à la Planche des Belles Filles dans les Vosges, arrivée du Tour de France féminin - Crédit photo : @samuelcoulonpro

Lepape-info : Fanny, vous avez relevé le défi du Tour de France féminin en solitaire   

Fanny Reyer : Une semaine avant l’épreuve, comme l’avait fait l’an passé l’Australien Lachlan Morton en version masculine. J’ai roulé en solitaire sans assistance je suis partie le lundi soir de Paris et je suis arrivée le vendredi matin au sommet de la Super Planche des Belles Filles avec quelques coupures pour dormir rapidement. J’ai fait un arrêt le mardi de 14h à 20h en pleine canicule, sinon j’ai dormi les 3 nuits suivantes entre 3 et 4 heures à chaque fois avec des petites pauses pour manger. Le but était de le faire le plus rapidement possible.

 

Fanny Reyer : « Avec mon chargement en autonomie, mon vélo pesait 18 kg, je roulais à environ 21-22 km/h de moyenne sur chaque étape vu que j’enchaînais toute seule sans grande pause. »

 

Lepape-info : Pourquoi le plus rapidement possible ? 

F.R : Entre la promotion du cyclisme féminin et le fait que je sois très sportive je voulais réaliser une vraie performance. Quand j’ai lancé le projet j’ai rapidement pensé que le message passerait encore mieux en réalisant le défi dans un temps assez réduit. J’ai fait tout le parcours à vélo y compris les transferts entre les étapes du Tour féminin. Elles ont parcouru un peu plus de 1 000 km et moi du coup légèrement au-dessus de 1 300 km. Je ne suis pas à leur niveau professionnel, j’évolue dans le cyclisme depuis seulement 2 ans, je fais des courses en 3ème catégorie. Avec mon chargement en autonomie, mon vélo pesait 18 kg, je roulais à environ 21-22 km/h de moyenne sur chaque étape vu que j’enchaînais toute seule sans grande pause.

 

Lepape-info : L’arrivée finale au sommet de la Super Planche des Belles filles fut incroyable ce dimanche, on imagine que pour vous en solitaire le moment fut très fort ?  

F.R : Déjà de revoir à la télévision la semaine dernière toutes les routes sur lesquelles j’étais passée, j’avais l’impression de vivre l’instant avec elles. Dimanche pour la dernière étape j’étais sur place, c’était d’une intensité phénoménale, la fin de course était monstrueuse. C’était très fort de le vivre en direct en l’ayant fait une semaine avant. Pour la petite histoire, en bas de cette ascension finale (avec des portions de pentes à plus de 20%), j’ai déchargé mon vélo car physiquement je ne me sentais pas de faire cela avec mon vélo aussi lourd. Du coup je n’ai pas trouvé cela si difficile, j’étais à mon rythme bien aidée à mon avis par l’adrénaline d’en terminer. Je pensais mettre pied à terre sur la dernière rampe, il n’en fut rien. Au moment de les voir emprunter cette pente, c’était un moment impressionnant je le vivais avec elles. J’ai suivi Annemiek van Vleuten (maillot jaune) et Demi Vollering (maillot à pois) c’était comme si j’étais avec elles.

 

Samuel Coulon - 3
Fanny Reyer pendant son Tour de France – Crédit photo : @samuelcoulonpro

 

Fanny Reyer : « Malgré 3 semaines de Tour chez les hommes, les gens sont restés devant leurs écrans et sur le bord des routes pour les filles, je l’ai vécu en direct lors de la dernière étape. Preuve que le cyclisme féminin n’est pas perdu. »

 

Lepape-info : Vous avez eu beaucoup de retours après votre défi en solitaire ? 

F.R : Quand j’ai commencé à communiquer via mon association WATT beaucoup de personnes se sont mises à me suivre en direct pendant mon aventure, elles répondaient à mes stories sur les réseaux sociaux. L’engouement était assez fou, beaucoup m’ont dit qu’ils avaient tout vécu du début à la fin, j’étais très émue et touchée par les messages. Le fait d’avoir tout ce support, ce soutien m’a énormément aidé à terminer.

 

 

Noémie Louette - 2
Fanny Reyer au départ de son Tour de France à Paris – Crédit photo : @nonens

Lepape-info : L’engouement autour du Tour de France féminin fut une belle surprise pour tout le monde

F.R : On ne s’attendait pas forcément que cela prenne autant. Malgré 3 semaines de Tour chez les hommes, les gens sont restés devant leurs écrans et sur le bord des routes pour les filles, je l’ai vécu en direct lors de la dernière étape. Preuve que le cyclisme féminin n’est pas perdu. Malgré quelques commentaires sur les chutes, on retiendra les bons côtés de cet Tour au féminin et que cela va bien évoluer.

 

Lepape-info : L’association WATT que vous avez fondé est aussi un autre signal fort pour que le cyclisme féminin ait sa place dans les pelotons

F.R : Quand j’ai commencé le vélo il y a 2 ans j’ai eu un petit soucis dans un peloton, je l’ai relaté et des personnes m’ont écrit pour me suggérer l’idée de lancer quelque chose. J’ai fondé WATT pour promouvoir la mixité dans les pelotons, un regroupement pour les hommes également qui se sentent mal à l’aise dans un peloton ou qui veulent reprendre. Tout le monde est le bienvenu. Il y avait une grosse demande et on s’est rendu compte très vite.

 

Fanny Reyer : « Il n’y a pas plus de femmes qu’avant mais le fait de les accompagner et de les mettre en avant, elles se montrent, elles ont toujours existé et ne sont plus mises de côté. La plupart des filles que nous arrivons à capter et qui avaient du mal à se remettre en selle nous remercient. »

 

Lepape-info : L’incident à l’origine de la création de WATT s’est déroulé sur le circuit vélo du Polygone du Bois de Vincennes (Paris)

F.R : À la sortie du confinement j’ai fait quelques premières sorties vélo avec des amis. Comme je roulais pas trop mal, on m’a emmené sur ce circuit que je ne connaissais pas. J’ai voulu me mettre dans le groupe rapide, l’un des hommes de tête m’a dit de venir avec eux parce qu’il me voyait rouler seule. Cela n’a pas plu à un autre qui était derrière et qui a essayé de reprendre sa place en me poussant avec son vélo. Vu que je ne bougeais pas et que j’avais ma place, il a fini par me pousser à la main. Je suis sortie du peloton, je ne suis pas tombée mais l’acte était très dangereux. J’ai relaté l’incident sur les réseaux avec un petit buzz au sein de la communauté cycliste Parisienne, après j’ai lancé l’association en novembre 2020.

 

Lepape-info : Depuis beaucoup de personnes ont rallié la cause de cette association 

F.R : Depuis cette année, il y a une partie club avec près de 60 membres et d’une manière générale avec l’association on peut faire des sorties jusqu’à 150 personnes. Les sorties à allure ouverte, tranquille ont beaucoup de succès et toutes se font de manière mixte. Il n’y a pas plus de femmes qu’avant mais le fait de les accompagner et de les mettre en avant, elles se montrent, elles ont toujours existé et ne sont plus mises de côté. La plupart des filles que nous arrivons à capter et qui avaient du mal à se remettre en selle nous remercient. Au début,, elles avaient peur de venir car elles pensaient qu’on ne les attendrait pas. Au final très souvent ce sont des hommes qui restent avec elles, qui les accompagnent et du coup elles reviennent. Nous avons fait des initiations « peloton » justement sur le fameux Polygone, les femmes étaient très demandeuses et elles sont ravies car elles évoluent à des allures qu’elles ne pensaient pas pouvoir tenir. La remise en selle pour vaincre la peur et reprendre le vélo en groupe plait aussi énormément.

 

Fanny Reyer : « ce n’est pas parce que vous faites du vélo pour aller au travail que vous ne pouvez pas vous blesser, que vous ne pouvez pas tomber. On cible aussi les personnes qui voudraient s’éduquer sur un vélo en ayant une bonne position, pouvoir rouler en sécurité. » 

TEAM WATT 2
La team WATT en action

Lepape-info : Quels sont les objectifs à terme de WATT ? 

F.R : À la base on aurait voulu que ce soit plus un club axé sur la performance en rassemblant paritairement hommes et femmes. Mais on s’est rendu compte que c’était difficile de séduire les femmes avec le coté performance. Pour la rentrée on est en collaboration avec la Fédération Française de cyclisme pour faire de la remise en selle et cibler les licencié(e)s cyclosportives. En région parisienne aucun club ne propose cela. Pour 2023 on aura toujours une équipe « performance » pour ceux qui sont à fond mais l’objectif est d’accompagner les gens sur les cyclosportives, de prévoir des entraînements, des stages.

 

Lepape-info : Vous êtes une grande sportive depuis toute jeune

F.R : Oui j’ai toujours pratiqué le sport de manière intensive que ce soit la natation, l’équitation, le horse-ball et la course à pied. J’ai toujours réfléchi en mode performance, être dans le top du top. Mon niveau en cyclisme est du à mon enfance sportive il n’y a pas trop de surprise.

 

Lepape-info : Comment percevez-vous en France la pratique du cyclisme dans la vie de tous les jours ? 

F.R : La pratique du cyclisme englobe ce que l’on fait avec notre association mais aussi le fait de se mettre au vélo pour rouler et utiliser le vélo comme un moyen de transport autre que la voiture avec toutes les considérations écologiques. Il faut aider les personnes qui ont cette démarche, ce n’est pas parce que vous faites du vélo pour aller au travail que vous ne pouvez pas vous blesser, que vous ne pouvez pas tomber. On cible aussi les personnes qui voudraient s’éduquer sur un vélo en ayant une bonne position, pouvoir rouler en sécurité etc…

 

Lepape-info : Faire du vélo en ville reste très dangereux ?  

F.R : Je l’ai encore vu tout à l’heure avec une famille de 4 personnes dont 2 enfants sans casque. Il y a des règles à respecter, ce n’est pas parce que vous roulez à vélo que vous ne risquez rien. Il reste encore beaucoup de travail à faire sur la prévention. Avec notre association nous voulons aussi avoir ce rôle de pédagogie.

 

Lepape-info : Vous êtes une sportive très engagée avec une autre association « Paris Plogging Crew »

F.R : Quand je faisais de la course à pied je voyais des déchets sur ma route et j’ai lancé cette association pour le ramassage des déchets qui a bien marché mais qui s’est un peu essoufflée. Plus on faisait d’opérations et plus les gens nous disaient que cela les dégoutaient de ramasser les déchets des autres. Je garde cet esprit « écologie à fond » quand je suis à vélo parfois je ramasse des choses sur mon chemin. J’essaye de trouver d’autres projets comme peut-être la pratique écologique du cyclisme féminin. Je vis les choses pleinement, je pense que les gens devraient se laisser le temps de réaliser les projets qu’ils ont envie de faire. Il faut croire en ce que l’on fait et avoir un peu d’audace pour vivre une vie dont nous avons envie.

 

Instagram WATT : https://www.instagram.com/watt_women_are_talented_too/?hl=fr 

Instagram Paris Plogging Crew : https://www.instagram.com/parisploggingcrew/?hl=fr

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