Sport et blessure : et si vous en parliez ?

« C’est pas juste », « pourquoi ça m’arrive à moi ? », « je ne peux pas m’en passer ». En cas de blessure, le sportif – de haut niveau ou simple pratiquant régulier – doit apprendre à dépasser le cap de la colère. Un vrai travail psychologique dont il ne faut avoir ni peur ni honte.

Marathon de Paris 2013 douleur cuisse

Lorsque le verdict tombe, peu importe la nature de la blessure (tendinite, entorse, fracture, ….), les premiers sentiments sont souvent les mêmes : la colère, la déception, et le vide. Parce qu’être privé de sa dose d’activité physique, est la plupart du temps vécu comme une injustice. « La notion clé, c’est le plaisir. Quand on ne peut pas faire ce qui nous fait plaisir, on ne sent pas bien », analyse Meriem Salmi, psychologue habituée à traiter ce genre de problématiques pour avoir notamment travaillé pendant une quinzaine d’années à l’INSEP.

Pas besoin d’être un sportif de haut niveau pour ressentir un véritable manque lorsque la blessure nous impose, par exemple, de ranger nos chaussures de running au placard. « Pour certaines personnes, c’est une vraie rupture dans leur vie. Elles se sentent diminuées, pas seulement physiquement, mais aussi psychologiquement. Certains patients me disent qu’ils ne se sentent plus aussi forts au travail, plus nerveux, qu’ils n’arrivent pas à libérer leur stress ».

C’est que le sport, et la course à pied particulièrement, finissent parfois par devenir indispensables à l’équilibre personnel. « Courir, c’est être dans l’instant. On ne pense plus à ce que l’on va faire après, etc… Ces moments là, où l’on peut être dans l’instant, sont très rares. Et c’est ce qui les rend particulièrement plaisants », souligne Meriem Salmi.

Alors que faire ? « Il y a un avant, un pendant, et un après blessure », insiste la psychologue. Manière de rappeler que, oui, on peut anticiper. « Il faut intégrer le fait que la blessure fait partie de l’entraînement. On est souvent dans le déni, on n’a pas envie d’être blessé, c’est normal.  Mais quand on est dans le déni, le réel nous rattrape à grands pas ».

L’idée n’est évidemment pas de penser constamment à l’éventualité d’une blessure et de s’entraîner avec la boule au ventre. Au contraire, il s’agit de tout faire pour éviter cette blessure qui, comme le rappelle Meriem Salmi, « n’intervient jamais par hasard. Ca a toujours un sens ». Et de poursuivre : « Souvent, on se blesse dans un contexte de fatigue ». D’où l’intérêt de « savoir l’évaluer. Il faut parfois accepter d’être diminué, de ne pas fournir les mêmes efforts que d’habitude à l’entraînement. Par exemple, courir dix minutes au lieu de trente ». Voilà ce qu’on appelle le bon dosage : savoir lever le pied de temps en temps, pour ne pas être contraint de le faire plus longuement plus tard.

Et si, malgré tout, on finit par se blesser ? « C’est un apprentissage. Cela veut dire qu’on a fait une erreur. Mais pas question de se taper dessus, il faut chercher le dysfonctionnement. Décortiquer ce qui s’est passé. Et se demander ce que l’on peut mettre en place pour ne pas reproduire cette situation ». En clair : comprendre la raison de cette blessure, même si vous avez l’impression de n’être qu’une victime.
Prenons le cas pratique d’une chute. Plutôt que de se contenter d’un simple « c’est la faute à pas de chance », mieux vaut s’interroger sur un éventuel manque de lucidité, un état de fatigue trop important, ou un manque de concentration. Pourquoi ? « Parce ce que si on reste dans une position de victime, on n’apprend rien. De la même manière, être en colère tout le temps, ça n’apporte rien. Au contraire, ça ralentit le processus de guérison… Plus on accepte ce moment, mieux on va le vivre, et plus vite on va se rétablir ». Ou comment rendre le cercle vertueux plutôt que vicieux… et éviter de reproduire les mêmes erreurs plus tard.

Autre conseil : éviter de se retrouver dans l’inactivité totale. Ce n’est pas parce qu’on ne peut plus courir temporairement qu’on ne peut pas pratiquer une autre activité physique. Problème : quand on leur conseille par exemple de privilégier le vélo pendant quelques semaines, les habitués de la course à pied répondent « ce n’est pas pareil. Je n’y prends pas le même plaisir ».  « C’est évident, concède Meriem Salmi. Il ne faut pas rechercher la même chose ». Ne pas comparer, mais considérer qu’il s’agit d’une étape. « Accepter d’être en situation de fragilité, c’est aussi grandir », ajoute la psychologue qui sait que l’impact psychologique d’une blessure reste un tabou. « C’est extrêmement rare que des sportifs arrivent d’emblée dans mon cabinet, juste après une blessure. Souvent, ils ne mesuraient pas la place que le sport prenait dans leur vie. Ils ne pensaient que cette situation aurait un tel impact ».

En parler, prendre le temps de se poser les bonnes questions, et de tirer les enseignements des réponses trouvées. Voilà le comportement que le sportif blessé a tout intérêt à adopter. Dans ce cas, assurément, il aura accompli une part importante du chemin. Chemin vers la guérison, bien sûr, mais pas uniquement. Parce que, comme le rappelle Meriem Salmi, « le sport est une vrai école de la vie »

8 réactions à cet article

  1. Bonjour,
    Je traîne des douleurs aux genoux depuis le printemps dernier. J’arrête, je reprends, j’arrête… J’ai vu un médecin du sport ; les échos, les radios n’ont rien donné, à part une légère inflammation au genou gauche. Ce médecin ne m’a jamais déconseillé de courir bien au contraire; pourtant de moi même j’ai pris du repos, commencé des séances de kiné mais sans réelle amélioration… Je ne sais pas quoi faire.
    Merci d’avance,
    Fabrice

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    • salut! déjà Vous courez combien de fois par semaines et combien de temps? quel âge avez vous?
      quelque petit conseil de base par rapport aux info que vous avez donné: continuez vos séances de kiné, diminuez vos entrainements et après chaque entrainement glacez votre genoux. à la place des entrainements que vous avez supprimé il serait peut être bien de vous programmer des séances d’étirement posturaux des membre inf et bassin, parlez en à votre kiné il saura vous conseillé et vous montrer différent étirement. N’hésitez pas pendant ces séances à en profiter pour vraiment vous relaxer, mettez vous à l’aise. Un bon conseil peut aussi être de prendre rdv chez un podologue/posturologue, une paire de semelle peut parfois être nécéssaire.. et évidemment veillez à avoir une alimentation équilibré 😉
      sportivement, Pierro.

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      • PS:comme dit dans l’article mieux vaut diminuer la distance et la fréquence de vos entrainement voir changez momentanément de sport que de faire le yoyo arret/reprise/arret… 🙂

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      • Bonjour,
        Merci pour la réponse.
        Je viens d’avoir 40 ans et court normalement 3 fois par semaine entre 45 min et 1 h. Bien qu’étant sur Brest, je cours sur un parcours vallonné.
        J’ai effectivement pris rdv avec un podologue la semaine prochaine.
        Je pensais arrêter quelques semaines après un trail de 13 km samedi prochain. Mais si je comprends, ce n’est peut-être pas une bonne solution.
        A bientôt,
        Fabrice

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  2. Bonjour;
    Je me suis fait une fracture sans déplacement de la maléolle externe cheville droite le 29 octobre 2013.
    en effectuant une séance de fractionné, j’ai chuté lourdement en heurtant le bord intérieur en béton de la piste, il faut savoir qu’une partie de la piste n’est pas éclairé.
    Platré 6 semaines sans poser le pied, déjà 8 jours de passé, c’est très long, beaucoup de patience et garder le moral.
    J’ai 53 ans, un bon niveau de course à pied.
    Ma question, est ce que je vais pouvoir courir à nouveau sans garder de séquelles et le délai à prévoir.

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    • Bonjour,

      Quel que soit le niveau du coureur, la blessure est toujours vécue comme une régression inacceptable et une perte de temps terrible vis à vis des objectifs fixés. Rares, pourtant, sont les coureurs qui ne se blessent pas. Dans votre cas, l’objectif est avant tout de ne pas garder de séquelles.

      Pour cela, il est particulièrement essentiel de :
      Respecter les délais de cicatrisation. Une atteinte osseuse est longue à cicatriser mais pas vraiment plus longue qu’une lésion musculaire grave avec déchirure. Six semaines d’immobilisation dans un plâtre pour une fracture de la malléole externe, c’est un délai habituel.

      Respecter les délais de rééducation. Une immobilisation de six semaines va enraidir l’articulation de votre cheville. Dés que vous serez déplâtré, il sera important de suivre trois à cinq séances hebdomadaires de rééducation chez un kinésithérapeute pendant au moins trois semaines. Celui-ci va chercher à récupérer la mobilité et les amplitudes articulaires votre cheville, à renforcer les muscles du pied et de la jambe, à travailler la stabilité et l’équilibre de votre cheville.

      Respecter les délais de reprise de la course à pied sur le terrain. La reprise du sport doit commencer par le vélo, le VTT, la course en piscine. Il s’agit de sports « portés » qui évitent les impacts au sol et le risque de mauvais appuis.

      Commencer dès à présent la « réathlétisation » en mettant en place des sports de remplacement qui vont vous permettre de garder une condition physique acceptable et de récupérer plus rapidement votre niveau d’avant la blessure : gymnastique d’entretien, étirements, abdominaux-gainage, renforcement musculaire des membres supérieurs (développé-couché ; ergomètre à bras).

      Soyez optimiste, respectez les différentes marches à suivre mais n’envisagez pas de reprise réelle de la course à pied avant au minimum 6 à 8 semaines après le déplâtrage.

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  3. bonjour
    J’ai 60ans. Depuis plus de 20ans que je coures, je suis passé du 10km, 21km, 42km, 100km à Ultra (Tor des géants2012), fait des entrainements jusqu’à 6 fois par semaine. Dés que j avais un problème physique, consultation chez mon médecin du sport ou mon podo. Bon pour dire depuis quelques mois j’ai un problème avec mon genou gauche et quelques contractures dû à ma mauvaise position du corps. IRM en mai (ménisque fissuré) Il y a un mois, je fais faire une infiltration. J’arrive à courir péniblement et dans la misère (3fois par semaine en raison de 40mm) mais maintenant l’autre genou prend la même dérive, décourageant. Je fais un peu de VTT Je vais revoir mon médecin. Y a t il aujourd’hui des moyens techniques pour réparer des ménisques usés ou alors la course à pied sur toutes ses formes je dois l’arrêter.
    cordialement
    laplume

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  4. Bonjour Jean-Pierre,

    Il est possible que vous commenciez à payer les entraînements réguliers et les compétitions que vous avez enchainées avec acharnement pendant plus de 20 ans…

    Les ménisques sont avant tout des amortisseurs permettant de diminuer les impacts entre fémur et tibia lors de la course et des exercices sportifs. Ces structures fibreuses et cartilagineuses finissent par se dégrader lorsqu’elles sont trop sollicitées et nous parlons alors d’atteinte méniscale dégénérative. Les infiltrations de corticoïdes permettent souvent de passer un cap en aidant à la cicatrisation des ménisques lésés ou fissurés.

    Mais parfois ces injections ne suffisent pas à soulager et guérir pour deux raisons essentielles :
    soit la lésion est trop importante pour cicatriser rapidement avec une simple infiltration,
    soit il existe des lésions cartilagineuses du fémur ou du tibia qui s’ajoutent à la lésion méniscale.

    Il serait intéressant de relire votre IRM et de faire la part des lésions méniscales et la part des lésions cartilagineuses.

    Je comprends bien votre passion pour la course à pied, mais je vous conseille d’être patient et d’attendre encore un peu avant de rependre les chaussures de running. La meilleure technique actuelle pour qu’un ménisque se cicatrise est de faire confiance à votre bonne nature et de le solliciter au minimum en privilégiant les sports portés comme le vélo ou bien l’elliptique.

    En cas de lésions d’arthrose débutante, des injections intra-articulaires de produits à base d’acide hyaluronique pourraient vous soulager très nettement.

    J’ai été assez agressif lors de ma phrase d’introduction mais soyez certain que rien n’est perdu et que vous reprendrez la course à pied. Il vous faudra sans doute adapter les durées et distances de course ainsi que la configuration des sols en évitant le bitume et les profils trop montagneux. Il serait aussi très profitable que vous preniez l’habitude d’alterner les sorties de course à pied avec le VTT et la natation par exemple.

    La course à pied peut être une véritable addiction et voici probablement ce qui va vous demander le plus d’effort : limiter vos ambitions sportives et accepter de prendre plaisir en pratiquant d’autres sports moins traumatisants pour les genoux.
    Tenez nous au courant dans trois à quatre mois.
    Cordialement

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