Anti-inflammatoires : ne jouez pas avec le feu

Lorsqu'il s'agit de médecine et de santé, mieux vaut être sûr de ce que l'on fait. Jacques Pruvost, médecin du sport, met en garde sur l'utilisation des anti-inflammatoires, notamment par les sportifs et coureurs à pied. Explications.

Les anti-inflammatoires font partie des médicaments très souvent prescrits par les médecins pour traiter les phénomènes douloureux. Ces produits sont aussi largement utilisés par auto-prescription pour soigner différentes douleurs : maux de tête et migraines, douleurs articulaires, douleurs dentaires, règles douloureuses, etc.

Les sportifs utilisent beaucoup ces traitements pour soulager les douleurs articulaires ou tendineuses lorsqu’ils sont blessés, mais aussi pour prévenir les douleurs musculaires qui surviennent après une sortie longue, inhabituelle ou une compétition a priori traumatisante.

Une famille nombreuse

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) regroupent sous le même terme plusieurs familles : ibuprofene (Brufen*, Nurofen*), naproxene (Apranax*), diclofenac (Flector*, Voltarene*), ketoprofene (Profenid*, Ketum*), piroxicam (Brexin*, Feldene*, Cycladol*).

Font partie aussi des AINS, l’indométacine, la phénylbutazone et les inhibiteurs sélectifs de la COX 2 (cyclo-oxygénase 2). L’aspirine, ou acide acétylsalicylique, est plutôt un antalgique qu’un AINS proprement dit mais en présente les mêmes caractéristiques et les mêmes effets secondaires.

Une famille autorisée

Ces médicaments sont d’autant plus utilisés par les sportifs qu’ils n’apparaissent pas sur la liste des produits interdits édictée chaque année par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) et à laquelle tous les pays et toutes les fédérations sportives doivent se référer. Les sportifs qui prennent ces traitements ne risquent donc pas d’être positifs à un contrôle antidopage.

Les médecins et pharmaciens font confiance aux AINS pour soulager les douleurs, l’Agence Mondiale Antidopage ne les interdit pas aux sportifs : voici deux excellentes raisons pour expliquer le fait que ces produits semblent sans danger aux sportifs qui n’hésitent pas à les utiliser.

Devant un tel comportement, les équipes médicales et paramédicales qui suivent les sportifs de tous les niveaux se posent au quotidien cette question : quels sont les bénéfices réels de la prise d’anti-inflammatoires par rapport aux risques et aux effets secondaires de ces traitements ?

Une famille pourtant dangereuse à bien des niveaux

Les équipes médicales qui soignent les sportifs, ou bien assurent les soins à l’arrivée des courses hors stade, savent que les effets secondaires des AINS sont nombreux et dangereux. Ces traitements peuvent être à l’origine ou directement responsables de troubles digestifs graves, de coups de chaleur d’exercice, d’accidents cardiaques qui surviennent chez les sportifs ayant dépassé leurs limites physiologiques.

Risques et effets dangereux sur le plan digestif

Les troubles digestifs sont redoutés par tous les coureurs. Diarrhées, gastralgies, saignements digestifs, reflux gastro-oesophagiens, nausées, vomissements atteignent 30 à 60 % des coureurs de longue distance. Les mécanismes ont été bien étudiés et associent facteurs mécaniques, circulatoires, hormonaux et diminution de la protection de la muqueuse gastrique. Ces troubles digestifs survenant à l’exercice sont le plus souvent améliorés par l’entraînement, une nutrition et une hydratation adaptées, différents pansements digestifs.

Or les mises en garde et les précautions d’emploi qui apparaissent sur les notices d’accompagnement des boites d’AINS mettent en avant les risques digestifs (hémorragies gastro-intestinales) pouvant être déclenchés par ces médicaments.

Pour tous les sportifs, l’apparition de troubles digestifs doit être mise en relation directe avec la prise éventuelle d’anti-inflammatoires. Pour les coureurs qui se savent fragiles sur le plan digestif et chez qui l’exercice prolongé déclenche des troubles digestifs, il est totalement contre-indiqué de prendre des AINS dans les 48 heures qui précédent la course ou pendant la course.

Les effets négatifs sur le plan musculaire

L’exercice intense et prolongé déclenche des phénomènes inflammatoires au niveau général mais aussi au niveau musculaire. Il pourrait être donc logique de prendre des anti-inflammatoires pour diminuer les atteintes musculaires douloureuses et les courbatures induites par les compétitions. En fait, différents travaux ont montré que, dans les 48 heures suivant les courses de longue distance, les coureurs ayant pris des anti-inflammatoires en préventif avaient des marqueurs biologiques de souffrance musculaire plus élevés que ceux qui n’avaient pas pris de traitement. Ces recherches vont en accord avec les orientations thérapeutiques actuelles qui ne recommandent pas les anti-inflammatoires dans les quelques jours qui suivent une blessure traumatique comme une entorse ou bien une lésion musculaire.

Les effets dangereux sur le plan cardio-vasculaire

De nombreuses études récentes montrent que les AINS sont impliqués dans la survenue d’accidents cardio-vasculaires au repos ou à l’exercice.

Les anti-inflammatoires ont un effet hypertenseur. De ce fait, chez un patient traité pour hypertension, ils ne doivent être prescrits qu’exceptionnellement et avec une grande prudence. Or les activités physiques et sportives, et notamment la course à pied à intensité élevée, font monter la tension.

Enfin, à doses élevées et en cas de prise sur de longue période, les AINS sont impliqués dans la survenue d’accidents cardio-vasculaires graves : accidents coronariens aigus, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux.

Voici des arguments très lourds et très probants pour éviter chez les sportifs les AINS, et notamment la famille des inhibiteurs de la COX2.

Les effets dangereux sur le plan rénal

La déshydratation induite par l’exercice, notamment en atmosphère chaude ou bien lors d’effort de longue durée, s’accompagne d’un manque de sel (hyponatrémie) et d’une atteinte rénale. Les anti-inflammatoires peuvent aggraver fortement l’atteinte rénale induite par la déshydratation et être à l’origine d’hospitalisation prolongée dans les suites d’un coup de chaleur d’exercice.

AINS et course à pied : les conseils du médecin du sport

  • Chez les sportifs, les risques concernant la santé lors de la prise d’AINS sont très supérieurs aux bénéfices attendus.
  • Ce n’est pas parce qu’un médicament n’apparaît pas sur la liste des produits interdits par l’Agence Mondiale Antidopage qu’il n’est pas dangereux pour la santé.
  • Ne jamais prendre d’anti-inflammatoires pour prévenir les douleurs musculaires, tendineuses ou articulaires en compétition.
  • Si vous devez utiliser des AINS pour poursuivre un entraînement adapté sur blessure, ne prenez le traitement que pendant une période courte de quelques jours.
  • Si les phénomènes douloureux à l’exercice sont réellement redoutables, utilisez plutôt avec tact et mesure les antalgiques simples (paracétamol ou acétaminophène).
  • En cas de blessure, un diagnostic précis, un traitement et une rééducation adaptés, le respect des délais de cicatrisation et de reprise, sont les secrets de la performance.

5 réactions à cet article

  1. Autre possibilité: la mésothérapie, injection sous-cutané d’anti-inflammatoires, qui permet d’éviter les effets indésirables liés à la prise orale!;)

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  2. Merci pour cet article, mais je vous trouve un peu alarmiste.
    Et cette phrase me surprend ;
    « les coureurs ayant pris des anti-inflammatoires en préventif avaient des marqueurs biologiques de souffrance musculaire plus élevés que ceux qui n’avaient pas pris de traitement »
    Chez moi c’est exactement le contraire : une prise d’AINS la veille et/ou le matin d’une course me fait un bien fou : pas de douleurs pendant l’effort, sensation de fluidité et d’élasticité musculaire, récup nickel, aucune séquelle le lendemain.
    Pourtant en course je me mets minable : 1er ou 2è V3H lors de mes 6 derniers trails en Ile de France.
    Et ceci malgré un entraînement insuffisant (moins de 40 km hebdo en moyenne).
    Va comprendre, Charles 😉

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    • Je pense que ce qu’il faut comprendre est que les AINS permettent de mieux supporter voir d’effacer les douleurs. Mais les lesions musculaires sont bien présentes, comme l’indique les marqueurs. Le fait de ne plus etre prevenu naturellement par des courbatures par exemple, est que l’on risque de depasser ses limites et a terme faire du degat.

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  3. Bonjour, Et quand on a un certain age et que les douleurs musculaires font partie du quotidien à froid ( une fois chaud, ça va mieux, mais quand même un peu là), que peut-on prendre alors, pour pouvoir faire son sport?
    Car les AINS me soulagent bien?

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  4. bonjour
    je suis en soin avec un chiropracteur car j’ai le cou, les cervicales bloquées depuis trois semaines avec de fortes douleurs (suite à des opérations importantes de la mâchoire)
    il me dit de prendre un anti-inflammatoire (soit ketoprofène soit brexin ) le temps de son travail qu’il estime à au moins 15 jours avec une séance par jour
    lequel prendre? ketoprofène ou brexin
    lequel a le moins d’effets secondaires?
    merci de votre réponse
    respectueusement
    nathalie carmen foriel

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