Mettez le pied à l’étrier

Article écrit par Cyril Granier

Partons du principe que vous êtes un cycliste sur route ou vtt qui roule 3 sorties par semaine de 2h en moyenne. Vous pédalez à 80 révolutions par minute ce qui ne parait pas aberrant. Cela représente environ 10 000 rotations par sorties soit 30 000 par semaine. Sur une année cela représente aux alentours d’un millions de coups de pédales. On comprend mieux dès lors pourquoi, un mauvais réglage sur le vélo peut avoir un impact important sur le système ostéo-articulaire. Il n’est donc pas étonnant de voir que la majorité des micros traumatismes chez les cyclistes sont des troubles musculo squelettiques au niveau des genoux et que 50 % des cyclistes amateurs et 57 % des cyclistes professionnels reconnaissent être touchés par ce type de pathologies tendineuses, ce qui engendre une diminution de la pratique.

Le cyclisme se caractérise par 3 points d’appuis principaux, que sont les mains sur le cintre, les fesses sur la selle et les pieds sur les pédales.

La position du bassin sur la selle est une donnée à prendre en compte impérativement et je vous invite à parcourir le dernier article que j’ai pu vous proposer à ce sujet (mettre le lien sur l’article du choix de selle).

Revenons au premier élément qui est la connexion entre vos pieds et les pédales. Les pieds sont directement connectés à votre système de transmissions de vitesses, il est donc primordial d’accordez du temps à ce réglage. L’interface pied/pédale va impacter toute la dynamique de pédalage que vous avez sur le vélo quand vous roulez mais attention de ne pas oublier que l’on parle de deux éléments, à la fois la position du pied dans la chaussure et ensuite le réglage de la cale sous la chaussure. 

Lorsqu’une personne souhaite être positionnée correctement sur un vélo, une fois les cales réglées sous les chaussures, nous allons observer lors du pédalage comment les genoux bougent. Pour comprendre les mouvements effectués par cette articulation, il faut revenir sur le système de référence de positionnement du corps en anatomie. La terminologie utilisée afin de décrire un mouvement corporel en sciences du sport se fait selon 3 plans (Cf images), sagittal, frontal et transversal. 

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Figure 1. Illustration du système de référence du positionnement du corps humain. Crédit photo : www.sci-sport.com

Analyser les mouvements du corps via le plan sagittal, permet de comprendre comment les articulations bougent de haut en bas. Cela donne des informations notamment sur l’ouverture et la fermeture de l’angulation du genou mais également de la hanche et de la cheville. 

Analyser les mouvements des articulations via le plan transversal, permet d’observer comment par exemple, la cheville, le tibia et le fémur pivotent sur leur axe vertical au cours du cycle de pédalage. 

Analyser les mouvements des articulations via le plan frontal, permet de voir plus précisément si votre genou reste dans l’axe ou s’il se déporte du coté droit ou du côté gauche. Idéalement c’est à dire pour être le plus efficace possible et éviter tout risque de blessure, le genou, la hanche et la cheville doivent rester dans le même plan (sagittal) sans voir de trajectoire parasite tout au long du cycle de pédalage. La déviation sur le plan frontal de la trajectoire du genou (genou qui rentre vers le cadre ou qui sort vers l’extérieur) ou de la cheville, engendre des douleurs.

Problème, tirer des résultats de ces plans d’analyse ne peut se faire bien souvent que par une analyse dynamique du mouvement, nécessitant l’utilisation de matériel sophistiqué tel que des analyseurs de pédalage ou de mouvement en 2D ou 3D comme le propose les systèmes Shimano Bikefitting, Stt, Retull ou Leomo, pour n’en citer que quelqu’uns.

 

A l’heure actuelle dans les studios d’études posturales, les ergonomes de la posture interviennent en premier lieu sur l’interface pied-chaussure-pédale, grâce à l’ajout de semelles spécifiques ou thermo moulées, d’entretoises pour compenser les différences de longueur de membres ou via l’ajout d’entretoises d’épaisseurs différentes entre les parties intérieures et extérieures pour rétablir l’alignement naturel de la jambe et éviter ainsi les pathologies tendineuses.

L’objectif de ces lignes est donc de faire le point sur les différentes méthodes qui existent et qui sont à ce jour validées scientifiquement, afin d’intervenir sur cet interface pied-chaussure-pédale.

Le professeur FitzGibbon de l’université Rocky Mountain aux Etats Unis et deux confrères ont procédé à ce que l’on nomme en jargon scientifique une revue de littérature sur le sujet. C’est-à-dire, faire le point de toutes les études viables scientifiquement qui ont traité cette thématique de recherche. 11 études ont répondu à ces critères de satisfaction et ont permis de tirer des conclusions généralisables ou « presque » à l’ensemble des cyclistes.

 

 

Premier élément, le type de chaussures utilisées. 

 

Si certains ou certaines parmi vous hésitez encore à utiliser des pédales automatiques, franchissez le pas. En effet, ces chercheurs ont montré que l’utilisation de pédales automatiques et de chaussures de vélo spécifiques (plus rigides que des chaussures traditionnelles), permettait de réduire l’activité électromyographique du biceps femoris et des gastrocnémiens. Comprenez par-là, que l’utilisation de pédales automatiques par rapport à l’utilisation de pédales plates avec cales pieds, réduit l’activité musculaire des mollets et des ischio-jambiers. Donc pour chaque coup de pédale réalisé à une même puissance moins d’énergie est dépensée en chaussures équipées de cales pour pédales automatiques. Il en va de même avec l’activité cardiovasculaire qui est moins importante pour un effort d’une difficulté semblable. Encore un point de plus pour l’utilisation de pédales automatiques.

 

 

Deuxième élément, l’impact de l’interface cale -pédale sur le mouvement de pédalage. 

 

Il n’est pas rare de constater chez les cyclistes un avant pied s’affaissant (valgus ou varus) engendrant généralement une rotation du tibia. Cela génère des pathologies comme le syndrome rotulien ou plus généralement des douleurs fémoro-patellaires. En effet, les personnes combinant une rotation tibiale (plan transversal) et un avant pied s’affaissant vers l’intérieur (valgus, plan frontal), augmentent de 28 % des forces appliquées sur le tendon rotulien. Ajoutez à cela le nombre de tours de pédales que vous faites sur une sortie et vous comprenez désormais mieux pourquoi à la fin d’une séance vous pouvez ressentir une gêne dans les genoux lorsque vous descendez des marches d’escaliers… Il est donc bon d’alléger ces pressions excessives sur la région fémoro-patéllaire via l’utilisation de pédales automatiques mais surtout de chaussures équipées de cales possédant un minimum de degrés de libertés. Ainsi vous pourrez en partie compenser ces rotations osseuses via le mouvement du pied sur la pédale (plan transversal). Donc adeptes des cales à 0° de liberté soyez vigilant car à la première alerte, chute, changement de position, étant donné que votre pied est fixe sur la pédale se sont vos genoux qui trinquent directement. 

Une dernière chose si vous n’êtes pas convaincu de passer à des cales avec degré de liberté, dites-vous que ces douleurs potentielles sont bien entendu augmentées avec la durée mais surtout avec l’intensité de l’exercice. La sortie hebdomadaire avec les amis peut vite se transformer en cauchemar si vous vous amusez à monter des bosses un peu plus vite que d’habitude ou faites du travail de force à basse cadence. Mais on reparlera de cela dans un futur article.

 

 

Troisième élément, les entretoises avec inclinaison ainsi que les semelles spécifiques au cyclisme. 

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Figure. Exemple d’entretoise inclinée de 2° pour pédales Look ou Shimano. Crédit photo : www.bikefit.com

 

Les chaussures de vélo sont à l’heure actuelle de plus en plus rigides, avec des semelles généralement en carbone pour les modèles les plus haut de gamme. Contrairement à une semelle de chaussure de running qui peut se déformer, celles de vélo ne broncheront pas. Résultat des courses, pour peu que vous ayez un pied valgus (pronateur) ou varus (supinateur), ce dernier va rester à plat dans la chaussure et va forcer le genou à compenser l’inclinaison naturelle du pied. C’est souvent pour cela que vous pouvez observer au cours de sorties de groupes que certains de vos collègues les genoux complètements x écartés ou rentrés. 

Pour remédier à cela et avoir un alignement correct des articulations de la hanche, du genou et de la cheville et ainsi éviter tout risque de tendinopathies, les studios d’études posturales proposent de l’ajout d’entretoises inclinées de 1° à 2°, quitte à en rajouter plusieurs afin d’obtenir une orientation naturelle du pied. Le recours à des semelles spécifiques cyclisme ou thermoformées peut également être proposé.

Ce réalignement des segments va de pair avec une modification des angulations de pédalage et c’est ce que les chercheurs essaient de voir grâce à des pédales instrumentées qui permettent de définir le mouvement du pieds en trois dimensions. 

Sanderson et ses collaborateurs, utilisèrent des entretoises inclinées de 10° et ne virent de différence statistique qu’à partir du moment où les personnes avaient elles-mêmes un pied varus ou valgus de plus de 10°. Dans ce cas précis, ils observèrent un mouvement latéral du genou (plan frontal) réduit à seulement 10 mm. 

 

image5L’équipe du professeur Gregersen testa des entretoises inclinées (4 à 10°) et montra une diminution de la sollicitation des tenseurs du fascia lata (TFL) associé à une réduction de genoux varus (sortis vers l’extérieur) et une activation plus importante du vaste médial (quadriceps). Ôter ce problème de genou varus, c’est permettre au cycliste d’avoir une phase de poussée maximale sans tension accumulée sur le TFL notamment et in fine une diminution des douleurs ressenties sur la zone fémoro-patellaire. 

 

Dinsdale et ses collègues étudièrent quant à eux l’impact d’entretoises inclinées de 1 à 4° sur des avant pieds en varus et notèrent une corrélation entre le degré d’inclinaison et l’amélioration de la puissance développée, indiquant que les cyclistes avec le plus haut degré d’inclinaison varus de l’avant pied bénéficiaient davantage d’un correctif avec des entretoises inclinées.

 

D’autres chercheurs ont comparé l’ajout de semelles spécifiques, au simple ajout d’insert plats dans la chaussure. Ils ont trouvé que l’ajout de semelles engendrait une meilleure sensation de maintien du pied dans la chaussure et permettait une plus importante zone de contact et de pression plantaire. Cela signifie qu’il y a une meilleure répartition de la force par unité de surface et donc moins de fatigue et une plus grande efficacité à chaque coup de pédale.

 

 

Que retenir de tout cela ? 

 

Que finalement il parait admis aujourd’hui que l’utilisation de pédales automatiques, outre le fait que cela puisse faire peur aux débutants, est un réel atout concernant la propulsion en cyclisme. De plus, une semelle de chaussure rigide ou une semelle interne rigide permettent de mieux répartir la force d’appuis sur une plus grande surface et donc à la fois d’appuyer plus fort sur la pédale tout en étant plus efficace. L’activité musculaire des mollets et des ischios-jambiers serait de ce fait réduite. Il semblerait également que l’ajout de semelles apporte une sensation de maintien supérieur, améliore la puissance développée en sprint et fait évoluer l’angulation du genou au pédalage. 

Concernant l’ajout d’entretoise inclinées, il est pour l’heure difficile de tirer des conclusions car les différentes études effectuées, l’ont été avec des groupes de sujets trop peu nombreux ou parfois avec des tests aux protocoles perfectibles. Mais il semblerait qu’une tendance se dégage, à savoir que les personnes ayant un avant pied varus prononcé bénéficieraient de l’ajout de ces entretoises afin de réaligner les segments en évitant ainsi les rotations tibiales, allégeant les pressions et tensions sur le TFL ainsi que sur les tendons rotuliens et du quadriceps.  

L’ajout de semelles dans les chaussures de cyclisme doit encore être étudié car à ce jour les résultats, non forcément contradictoires, sont en tout cas trop peu nombreux. Mais il semblerait qu’elles soient en mesure d’apporter une sensation de maintien supérieur, améliorent la puissance développée en sprint et font évoluer l’angulation du genou au pédalage.

 

Au final, n’oubliez pas qu’il n’y a jamais de solution unique pour tout un chacun mais que c’est l’expérience de qui vous fait l’étude posturale, la prise en compte de vos caractéristiques physico-morphologiques et le retour que vous donnez sur vos sensations, qui vont guider le spécialiste afin que vous ressortiez de votre étude posturale avec une sensation de bien-être sur votre vélo et peut être des performances améliorées. 

 

Article écrit par Cyril Granier

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