Être à bloc…grâce à l’entraînement par blocs !

Article écrit par Cyril Granier (expert cyclisme)

Cette approche par bloc est de plus en plus utilisée chez les cyclistes professionnels et ce depuis déjà de nombreuses années chez nos voisins européens et nord américains. En revanche la France reste encore à la traine dans ce domaine.

Crédit : Dominique Luzy

La planification contemporaine de l’entraînement en sport d’endurance est un champ permanent de recherche dont les connaissances de base datent des années 60. Il est intéressant de constater qu’à l’heure actuelle un grand nombre d’entraîneurs utilise ce que l’on nomme la planification traditionnelle ou cyclique.

Elle fut introduite en 1964 par Matveyev et consiste a découper son calendrier sportif en plusieurs périodes plus courtes que l’on nomme macrocycle (plusieurs mois), mésocycle (plusieurs semaines) et microcycle (plusieurs jours).

De plus, chaque période de travail permet d’aborder le développement ou l’entretien de plusieurs qualités physiques simultanément.

Cette planification de l’entraînement a fait ses preuves depuis de nombreuses années mais connaît tout de même certaines limites.

En effet même si les sportifs progressent avec ce modèle on peut se demander si courir plusieurs lièvres à la fois ne risque pas tout simplement d’engendrer des interférences dans le développement des qualités physiques notamment avec les meilleurs sportifs. De plus ce modèle ne permet pas de préparer plus de 3 objectifs majeurs par an….

Avec la multitude d’échéances sportives apparues ces dernières années un chercheur nommé Vladimir Issurin a proposé une méthode dite par « bloc » consistant à planifier des séquences d’entraînement spécialisées sur une durée définie. Contrairement au modèle traditionnel travaillant plusieurs qualités physiques à la fois, le modèle par bloc propose de prioriser l’entraînement sur un faible nombre d’acquisitions motrices ou techniques.

Une fois que la qualité principale est développée, l’entraîneur propose un nouveau bloc d’entraînement qui va permettre le développement d’une nouvelle qualité physique et ainsi de suite jusqu’à l’atteinte des objectifs fixés. Ainsi on peut facilement enchainer les objectifs dans la saison en disposant au mieux ses blocs en fonction des points forts et faibles de l’athlète.

 

Cette approche par bloc est de plus en plus utilisée chez les cyclistes professionnels et ce depuis déjà de nombreuses années chez nos voisins européens et nord américains. En revanche la France reste encore à la traine dans ce domaine. Pourtant, de nombreuses études scientifiques sont parues sur ce thème constatant les effets de cette méthode sur 1 à 3 mois de travail.

Récemment une équipe norvégienne dirigée par le professeur Bent Ronnestad a proposé d’étudier une planification annuelle d’entraînement de 58 semaines chez un cycliste professionnel. C’est donc la première fois qu’une équipe de chercheurs-entraîneurs donnent les résultats d’un travail de périodisation par bloc mené sur une saison complète chez un cycliste élite. L’intérêt de cet article est de vous montrer de l’intérieur les coulisses de la planification pour comprendre comment se créé au quotidien l’entraînement par bloc.

 

Les zones d’intensité

 

Tout d’abord les zones d’intensité d’effort utilisées afin de paramétrer l’entraînement. La découpe des intensités se fait en 3 zones :

  • Z1 = 60 à 82% de la FCmax  appelé entrainement d’intensité basse (LIT)
  • Z2 = 83 à 87% de la FCmax appelé entrainement d’intensité modérée (MIT)
  • Z3 = 88 à 100% de la FC max appelé entrainement d’intensité élevée (HIT)

 

Planification des blocs et contenu des séances

 

Chaque bloc d’entraînement dure en moyenne 1 à 2 semaines pour un total de 11 blocs de HIT  et de MIT à raison de 4 à 6 séances/semaine et 8 blocs de LIT à raison de 7 à 10 séances/semaine. Nous sommes bien d’accord que l’on parle ici d’une nouvelle approche de l’entraînement adaptée à un sportif de haut niveau… Mais n’oublions pas que les adaptations physiologiques ne sont possibles que par la mise en place de période de repos. Sur ce programme elles furent au nombre de 19 semaines mais on parle ici de repos relatif car l’athlète s’entraînait tout de même 7 à 10h / semaine… Une broutille me direz vous !

 

Je vous avais parlé d’informations plus concrète, j’y arrive donc. Non content de s’arrêter à une description générale ces auteurs ont livré leur méthode de travail pour chacun des niveaux d’intensité.

  • Les séances d’HIT consistaient en des :
    • Intervalles longs : 4 à 8 répétitions de 4 à 6 min d’effort
    • Intervalles courts : 3 séries de 13 x 30 s avec 15 s de récupération entre les répétitions et 3 à 4 min entre les séries
  • Les séances de MIT consistaient en :
    • Des intervalles longs : 5 à 8 répétitions de 10 à 15 min d’effort
    • Du travail continu : 40 à 70 min d’effort
  • Les séances de LIT consistaient en un :
    • Travail continu : 3 à 7h d’effort

 

La base de l’entraînement consistait à alterner travail en LIT et MIT. L’entraînement par bloc de HIT fut introduit dans la planification à partir de la semaine 38,  mais 1 séance/semaine avait lieu dès le début de l’entraînement. De plus le professeur Ronnestad proposa du travail de force maximale en salle de musculation à partir de la semaine 39 à raison de 2 séances/semaine puis 1 séance / 7 à 10 jours. Ensuite comme lorsque l’on prépare un objectif majeur, 12 jours d’affutage furent introduits avant le dernier test d’évaluation (L’affûtage parfait : suivez le guide !).

 

Afin d’évaluer le bon fonctionnement de cette planification par bloc, 7 tests d’évaluation furent mis en place au cours de la planification. Le profil lactique, les capacités maximales aérobies (VO2max, PMA) et la force maximale furent testées.

 

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Au total le cycliste s’est entraîné 678h réparties sur 58 semaines dont 67%, 18% et 10% respectivement en LIT, MIT et HIT avec 5% de force maximale. Le volume horaire moyen par semaine était de 12h avec de fortes variations en fonction de la zone d’intensité priorisée.  

 

Alors, quels sont les résultats ?

 

Résultat 1 : Le sportif pesait à l’origine 71,3 kg et au fil de la saison sa masse à diminué jusqu’à 68 kg. Donc oui, un entraînement bien conduit devrait vous amener à vous « affûter » si on utilise le jargon cycliste dans la mesure ou votre apport alimentaire est cohérent.

 

Résultat 2 : Le cycliste a amélioré sa VO2max de 19% la faisant passer de 73,8 à 87 ml.min-1.kg-1. Rappelons encore une fois que nous sommes en présence d’un sportif de très haut niveau qui s’entraine depuis son plus jeune âge et qu’au moment de cette planification par bloc il est âgé de 37 ans. Traditionnellement au sein de notre laboratoire nous n’observons que d’infimes variations de VO2max chez des athlètes déjà élite depuis plusieurs années. Il paraît donc opportun de proposer cette nouvelle modalité de planification de l’entraînement afin de permettre au sportif élite de progresser de nouveau en perturbant  les habitudes de l’organisme.

 

Résultat 3 : Associé à cette perte de poids et à l’amélioration de VO2max, vous vous en doutez sa PMA à également augmentée passant de 6,14 à 7,35 W/kg. Avec une valeur à 6,14 W/kg nous étions face à un sportif de haut niveau. Une valeur de 7,35 W/kg correspond à un athlète digne des plus grands coureurs mondiaux.

 

Résultat 4 : Son niveau de force maximale évalué par un test de 6 répétitions maximales s’est quant à lui amélioré de 27,3%, l’amenant à soulever au leg press un poids de 140 kg. Il faut la aussi préciser que l’introduction de ce type de travail était une première pour ce coureur, d’ou la grande amélioration.

Existe-t-il un lien entre travail de force maximale et performance en endurance ? Concrètement on voit mal comment des efforts avec des charges lourdes peuvent être bénéfiques pour le développement de la filière aérobie. Il faut revenir à l’intérêt de la musculation en force maximale. Celle-ci consiste à  soulever des charges très lourdes avec un faible nombre de répétitions. On va gagner en puissance par une meilleure synchronisation des fibres musculaires entre elles. On touche ici à la transmission du message nerveux et la contractilité musculaire sans impact sur la masse musculaire. Et puis si nous revenons à notre sportif qui pratique durant 95% de son temps des activités sur vélo il n’y a aucune chance que les 5% restant transforment son profil musculaire.

 

L’entraînement par bloc, une planification pour tous ?

 

Finalement proposer un entraînement différent même à un coureur de très haut niveau permet de le faire progresser car les sollicitations sont différentes de ce qu’il rencontre d’habitude et crée des perturbations engendrant de nouvelles adaptations physiologiques. Donc de votre côté pas de panique, structurez votre approche de l’entraînement en allant pratiquer de manière régulière et les progrès viendront.

Les plus gros progrès furent réalisés durant les 9 premières semaines alors que l’entraînement fut principalement orienté sur des blocs de LIT, c’est à dire de l’entraînement à faible intensité. Gardez une chose en tête c’est que la plupart du temps les sportifs ont tendance à faire les séances d’endurance (LIT) à des intensités beaucoup trop hautes et des séances de HIT à des intensités trop basses. Donc chez vous à l’entraînement écoutez votre entraîneur et suivez précisément les intensités données.

Comme nous l’évoquions au résultat 4, l’introduction du travail de force maximale à permis au sportif d’améliorer son efficacité musculaire. N’ayez pas peur d’intégrer la musculation dans vos programmes d’entraînement. Elle aura d’une part un rôle prophylactique, permettra à vos muscles d’être plus efficients et dans un second temps vous rendra plus « résistant » aux futurs efforts que vous aller faire.   

Pour conclure ce modèle d’entraînement par bloc peut s’adapter à toutes les pratiques sportives mais gardez en mémoire que ce genre d’entraînement doit être mis en place par un professionnel qui sera capable de vous accompagner au mieux, en gérant correctement la charge d’entraînement vous évitant ainsi, blessures, fatigue et contre performance. Dernier point, l’amélioration des performances n’est possible que par la prise en compte de l’alternance travail-repos. De ce fait l’intégration de semaines de récupération est primordiale pour laisser le temps à votre organisme de générer les adaptations physiologiques qui vous feront progresser. Donc écoutez vous, écoutez les conseils de votre entraîneur et pensez à observer des périodes de récupération et vos performances décolleront.

 

 Cyril Granier

 


3 réactions à cet article

  1. Bonjour,

    Je ne comprend pas un phénomène, vous dites qu’il y a 4-6 séance de HIT et MIT par semaine mais sur le schéma je vois selon les couleurs qu’il y a également des seances de LIT dans la semaine.
    Toute la semaine n’est donc pas consacrée à uniquement du MIT et HIT mais également des plages de récup en LIT dedans ? contrairement à ce que peut faire penser l’article ?

    Merci
    RAUDIN Stéphane

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  2. « Le cycliste a amélioré sa VO2max de 19% la faisant passer de 73,8 à 87 ml.min-1.kg-1″… « il est âgé de 37 ans ».

    Ce seul résultat complètement aberrant suffit à démontrer que cette étude est une supercherie. Passer à 37 ans d’une VO2max lambda à celle d’un athlète d’exception…

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  3. Donc selon, le type de competition (distance, format etc.) ainsi que vos forces et faiblesses, les blocs d’entrainement s’enchainent pour vous preparer a la saison de competition.

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