Coureurs : tous immatures ?

Parler d’immaturité en endurance pourrait être lié au comportement entre sportifs ou aux rapports aux sportifs (qui a significativement évolué durant le confinement ) mais ce n’est pas le cas de cet article.
La question ici est plutôt intra-personnelle : est-ce que nos choix à l’effort ne se rapprocheraient pas de ceux des enfants ? C’est-à-dire de comportements trop spontanés.

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Il est intéressant de voir comment, au cours d’une même journée, on peut démarrer avec un niveau de ressources propice à gérer plusieurs tâches de façon efficace pour finalement se surprendre à s’emporter pour une broutille en soirée même si cette dernière ne nous aurait qu’effleuré au matin.

La fatigabilité du cerveau est comparable à celle d’un muscle. Pour un même événement survenant à 2 instants différents, il est possible d’observer des réponses de comportement bien distinctes allant de la frustration bien gérée au craquage anecdotique.

 

Si l’on prend du recul sur ce phénomène « court-terme » de fatigue, à la suite duquel le niveau d’impulsivité augmente, on comprend qu’il s’agit d’une moindre efficacité à se contrôler. « S’auto-réguler » permet effectivement de modérer ses pensées (la méditation en est d’ailleurs devenue un véritable terrain d’entraînement), mais elle permet aussi de gérer son engagement physique. Ici vient le lien avec notre sujet.

 

Avez-vous déjà observé des enfants prêts à s’adonner à une course de longue durée (par exemple un cross) ? Le résultat est assez frappant, et même inquiétant pour ceux habitués aux courses d’endurance. En effet, alors que le départ ressemble à un sprint et le milieu à un défi de résistance, la fin de course est lente – sans parler d’abandon.

Au niveau comportemental, on observe donc une chute drastique de la vitesse chez les enfants qui courent.

 

Deux hypothèses peuvent être posées pour le sujet de la « maturité » :

  • Tout d’abord celle neuronale, à savoir que les enfants (<10 ans) ne possèdent pas le développement cérébral leur permettant une régulation cognitive semblable à celle des adultes.
  • Ensuite la question de la connaissance de soi pose les enfants comme des individus clairement inexpérimentés par rapport à un adulte moyen, relativement à leur temps de pratique respective.

 

Posé ce contexte, pourquoi continue-t-on alors d’observer tant de coureurs adultes démarrer une épreuve trop rapidement, tenir quelques kilomètres puis finalement sombrer ?

Est-ce une question de développement cérébral ? De manque d’expérience ? Ou autre ?

 

La première explication est à écarter malgré des aptitudes de base différentes.

La seconde, elle, rentre dans les causes probables dans la mesure où les courses restent des événements ponctuelles pour un coureur – encore plus aujourd’hui – ce qui limite son bagage d’expérience. Autrement dit, lorsqu’il est soumis à la pression de l’épreuve, à l’euphorie de la course, au soutien de ses proches… il est difficile pour le coureur de ne pas vouloir partir fort (tout en ayant conscience que la suite reste incertaine).

 

Dans le cas où ce coureur est inexpérimenté, il peut donc être possible de voir ses patterns de course se rapprocher de ceux des enfants.

En revanche, le niveau d’expérience est clairement censé niveler ce type de patterns de course et permettre de démarrer moins fort pour courir avec un rythme moyen supérieur.

Être « mature », c’est donc trouver et appliquer le juste milieu dans ses choix d’allure pour que l’intensité choisie soit celle permettant d’obtenir la meilleure performance. Et l’on sait bien que plus la distance est longue, moins les variations d’allure sont recommandées, ce qui réduit le champ des possibles.

 

On peut alors se dire qu’un adulte « raisonné » n’aurait pas de mal à adopter le « bon » comportement en course. Or, ce serait oublier une autre partie de l’équation qui ne concerne plus la distance. En effet, d’autres paramètres clés sont à considérer pour savoir quelle allure adopter. Prenons les exemples de la chaleur ambiante et la nutrition.

 

Pour la chaleur ambiante, si vous prenez un groupe de sportifs et leur demandez de réaliser une épreuve d’endurance dont ils ont l’habitude, dans un environnement dont ils n’ont pas l’habitude, vous serez surpris de l’ampleur du résultat. C’était l’objet d’une étude faite avec des triathlètes : réaliser 20 km à vélo sous 35°C.

La première fois qu’ils passaient le test, l’allure de départ était la même que lorsqu’ils démarraient l’épreuve sous 20°C. Sauf que l’allure de fin était de 20 % inférieurs. Lors de la seconde fois à 35°C, riches de leur échec, les triathlètes n’ont pas reproduit le même premier schéma de course et ont d’emblée diminué l’allure. La suite dira qu’ils ont eu raison.

Ici, il faut noter que si commettre l’erreur est source d’apprentissage, un comportement prudent basé sur l’anticipation des effets des conditions de course, est aussi utile – bien qu’à moindre mesure puisqu’on ne vit pas concrètement la situation, l’expérience est donc moindre.

 

Pour la nutrition, la logique est proche mais pas tout à fait similaire. Plus précisément, si vous réduisez le niveau des réserves de glucides de sportifs par un régime appauvri en glucides avant une épreuve, ils n’auront pas tendance à démarrer au même rythme qu’en étant plein d’énergie. En effet, ils auront plutôt tendance à démarrer moins fort. En tout cas en conditions de laboratoire, car en conditions de terrain, il est probable qu’à cause de l’euphorie de la compétition, le coureur parte vite (ses signaux de défaillance énergétique étant encore masqués à sa conscience) avant de s’effondrer s’il ne s’alimente pas précocement pour compenser son déficit.

 

Parler d’immaturité en course d’endurance peut donc aisément être rapproché de comportements délibérément inadaptés malgré une expérience de soi correcte dans les conditions de la course. Pour y remédier, s’exposer à ces conditions de course ne suffit pas.

Il est judicieux d’y intégrer une véritable démarche d’écoute de soi d’abord, puis d’analyse ensuite. Vous seriez surpris à quel point un sportif peut progresser juste en analysant finement les courbes de ses allures de course.

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