Cyclisme : Trouver chaussure à son pied et chaussure réglée Partie 2/4 – Le réglage des cales

Suite à l’analyse du choix de chaussures, que nous avons effectué dans l’article précédent, il convient désormais de comprendre les réglages que nous allons pouvoir réaliser entre la cale et ladite chaussure.
En effet, il est important afin de pédaler avec un maximum de confort, de trouver les réglages adéquats en fonction de votre pratique, de votre morphologie, de vos souplesses et de vos antécédents médicaux.

Des cales mal réglées ou mal choisies, peuvent entraîner des douleurs tendineuses autour des genoux, voire même des douleurs musculaires sur les membres inférieurs.

Il n’est de fait pas rare, lorsque l’on observe un collègue cycliste avec qui on roule tout le temps, de voir des genoux sortants ou rentrants au pédalage, ou alors un gros basculement du bassin de l’avant vers l’arrière ou du haut vers le bas.

Ceci est très fréquemment lié à un problème de positionnement sur le vélo et peut simplement venir d’un réglage des cales sous les chaussures.

Nous allons voir en détail comment effectuer ces réglages afin d’ôter tout problème au niveau de l’interface chaussure/cale/pédale.

Comment régler mes cales

Il est intéressant de noter que dans l’ouvrage « Biomechanics of cycling » paru chez Springer et datant de 2014, Rodrigo Bini et Felipe Carpes, deux des chercheurs en biomécanique cycliste les plus influents de cette dernière décennie, les études scientifiques ont du mal à démontrer le lien entre le réglage des cales d’avant en arrière ou de droite à gauche et les douleurs rencontrées par des cyclistes.

Il n’en est pas de même concernant la rotation des cales qui engendrerait de plus grandes tensions sur l’articulation du genou.

Néanmoins, il semblerait que faire évoluer le réglage des cales vers l’avant ou vers l’arrière amène à des résultats possiblement contradictoires sur l’impact physiologique et notamment l’utilisation de la consommation d’oxygène (VO2) à l’effort.

Certains comme dans l’étude de Paton de 2009, parue dans l’International Journal of Sports Physiology and Performance, montrent une amélioration des performances énergétiques en avançant les cales sous les pieds.

Une autre étude cette fois en duathlon, de nouveau réalisée par Paton et son confrère Jardine, dans Journal of Science in Cycling, a montré une amélioration des capacités énergétiques sur un test vélo de 30 min à 65 % PMA, enchainé par un effort maximal de 5,5 km sur tapis, en course à pied.

Ils ont également noté des temps réduits de 2,2 % en course à pied avec une plus grande VO2 que le groupe contrôle, expliqué par une fatigue moindre des muscles fléchisseurs plantaires. Ce que je ne vous ai volontairement pas dit c’est que le groupe testé avait ses cales réglées en-dessous du 5ème métatarse plus exactement au milieu du pied, soit environ 5 cm en arrière du 1er métatarse…

En 2013, dans le Journal of Sport Sciences, Tomas Viker et Matt Richardson chercheurs au sein de la fédération suédoise de triathlon, ont également testé le fait de reculer les cales sous les chaussures et de voir l’impact sur l’enchainement vélo/course à pied.

Résultats, aucune différence que ce soit dans l’amélioration des temps de course ou de l’impact énergétique.

On commence à avoir des résultats contradictoires…

Vous concluez quelque chose vous ? Peut-être que la science est parfois un peu trop déconnectée de la réalité… Je ne vous conseille vraiment pas de tenter l’une ou l’autre des positions qui sont trop extrêmes. Mais plus généralement, on se demande parfois si ces personnes pratiquent réellement, car il est de bon ton de voir l’impact physiologique ou le temps de course sur des distance ou des durées faibles mais comment le corps va réagir à l’entraînement au quotidien. Les contraintes mécaniques vont être terribles. Faisant du cyclisme sous pas mal de ses formes, depuis plus de 25 ans, j’ai déjà ressenti des douleurs aux genoux à causes de cales mal réglées, et avec l’expérience et la connaissance scientifique associée, on repère très vite les causes des douleurs et les réglages des cales dans les différentes dimensions peuvent toutes provoquer à minima une gêne.

C’est ce que nous allons essayer de comprendre au travers des réglages des cales que vous allez expérimenter chez vous, quand vous aurez pris le temps de lire cet article.

Maintenant on règle nos cales

Tout d’abord apprenons à évaluer les repères standards, sur le corps, qui vous permettront d’appréhender un premier niveau de réglage.

Première mesure que nous allons réaliser, c’est la position du premier métatarse du pied. Méta quoi ?

Regardez votre gros orteil de pied, fléchissez-le et une boule osseuse, ou articulation, va apparaitre, il s’agira de l’articulation de votre 1er métatarse.

Prenez une feuille de papier, positionnez votre pied dessus, repérez le 1er métatarse, faites une croix à l’endroit ou cela tombe sur la feuille. Faite avec votre crayon le contour de tout votre pied. Maintenant tracez une droite verticale passant par le centre du talon et remontant jusqu’au bout du pied.

Prenez une équerre, placez-la sur cette droite et remontez jusqu’à votre repère du 1er métatarse, vous pouvez dès lors tracer la ligne horizontale perpendiculaire passant par le repère de votre premier méta et la ligne verticale séparant le pied en deux parties.

On peut mesurer la distance entre le talon et ce point et la noter. Vous reproduisez ensuite cette mesure sur le 5ème métatarse, soit l’articulation du petit orteil. Notez également cette distance.

En théorie vous allez devoir régler votre centre de cale à équidistance du 5ème et 1er métatarse mais honnêtement sans outils de réglage comme celui présent sur la photo 2, il vous sera difficile d’être précis.

Une autre méthode « plus facile » sera de repérer directement la position des deux métatarses dans la chaussure de vélo. Une fois les deux points déterminez, mettez une croix au feutre sur la chaussure à l’endroit correspondant et tracez une ligne droite pour chaque métatarse sous la chaussure. Mesurez la distance entre les deux lignes et repérez le milieu de cette distance. Il s’agira en théorie du centre de votre cale.

Pourquoi régler de cette façon ?

Parce qu’en positionnant le centre de votre cale sur ce repère, vous positionnez la cale sur une zone ou la surface d’appui du pied sur la pédale sera la plus importante, cela vous permettra pour une même force développée, d’avoir une plus grande surface d’appui et donc d’éviter des zones d’échauffement sur une zone ou à minima de mieux répartir la charge sur une plus grande surface de pied. Aussi, il va y avoir l’implication musculaire.

En effet, une cale réglée au niveau du premier métatarse ou devant ce dernier, outre le fait de réduire la surface d’appui, vous fera pédaler avant pied et impliquera une action prédominante des mollets. De fait des tensions importantes vont avoir lieu sur ces muscles ainsi que sur les tendons (Tendon achilléen principalement).

Comment savoir si vous êtes dans ce cas de figure ?

Regardez votre façon de pédaler, ou demandez à un camarade de sortie de le faire pour vous, si vous êtes pointe de pied avec un angle de cheville très ouvert et une tendance à pédaler très en vélocité c’est que vous êtes sur ce profil. Si en plus, vous ressentez une grande difficulté à appuyer fort sur les pédales, rien d’étonnant vous sollicitez trop les mollets aux dépend des muscles des cuisses.

Un pédalage pointe de pieds est très souvent lié à des cales trop avancées sous les chaussures ou une selle trop haute

Je vous vois venir, vous allez me dire « ok, cap sur l’arrière, on règle les cales le plus vers le talon possible, pour utiliser les cuisses au maximum et appuyer le plus fort possible sur les pédales ». Erreur… !

Opter pour un réglage très en arrière de la ligne définie (entre 1er et 5ème métatarse) va également avoir un impact sur votre pédalage. En faisant cela, vous augmentez artificiellement la hauteur de votre selle, plus précisément vous ouvrez l’angulation du genou, de la hanche et refermez celle de la cheville.

En d’autres termes, vous perdez toute mobilité sur la cheville, vous augmentez les tensions ligamento-tendineuses autour du genou et vous allez étirer fortement votre chaine postérieure. Vous allez probablement avoir des tensions fortes dans les ischios-jambiers, les fessiers, voire les lombaires.

Résultat des courses, vous serez incapables d’appuyer fort sur les pédales… Et vous aurez le lendemain des courbatures sur les quadriceps comme jamais.

Ah oui, vous vous rappelez des personnes qui prennent une taille de chaussures supérieures à leur taille, pour avoir davantage de confort et se sentir moins comprimées ?

Et bien pour elles, le système de fixation des cales sur la chaussure sera beaucoup trop haut et il sera difficile voire impossible de régler les cales vers l’arrière et de fait elles auront les cales beaucoup trop en avant… avec les conséquences évoquées précédemment.

Enfin, je ne peux conclure ce chapitre, sans parler d’une étude réalisée par un groupe de recherche français basé à Reims.

L’article en question, date de 2019 et fut publié dans le Journal of Science and Cycling et l’expérience menée par Geoffrey Millour.

Ils ont testé l’impact du réglage antéro-postérieur des cales, sur les facteurs biomécaniques et physiologiques sur l’enchainement vélo/course à pied afin de simuler un triathlon.

Visiblement ce groupe de chercheur n’est pas spécialement favorable à l’idée du Mid-foot (Milieu de pied), que l’on retrouve un peu trop à mon gout en triathlon et je vous avoue que je partage totalement leur scepticisme car un tel réglage est pour moi totalement aberrant… Ah l’effet des modes !

Ils ont décidé de tester pour chaque personne, un réglage 5 mm en avant du premier métatarse et en arrière, ce qui représente tout de même une différence de 1 cm sur le réglage des cales. Leur postulat était qu’une position postérieure (recul de 5 mm vis-à-vis du 1er métatarse) de la cale sur la chaussure de vélo, modifie l’activité musculaire des membres inférieurs et améliore la partie course à pied, sans altérer la performance cycliste.

Leur test consistait en la réalisation d’un effort cycliste sur Wattbike de 32 min, composé d’efforts de 3’30 en dessous du premier seuil ventilatoire, entrecoupés de sprints maximaux de 30s et enchainé par un effort maximal de 20 min sur un tapis de course à pied, avec une inclinaison de 1%.

Ils mesurèrent alors la puissance et la cadence en cyclisme, puis la distance et la vitesse de course sur le tapis roulant pour la partie pédestre. De plus, les sujets portèrent durant tout le test un appareil mesurant les échanges gazeux, couplé à une ceinture de fréquence cardiaque, leur permettant de déterminer les couts énergétiques.

Ils ne se sont pas arrêté là, puisqu’ils ont ajouté une analyse électromyographique, en positionnant des électrodes de surface sur la jambe droite de chaque participant au niveau du vaste latéral et médial, du biceps fémoral, du gastrocnémien médial, du soléaire et du tibial antérieur.

Ils trouvèrent que le positionnement en arrière du 1er métatarse améliore la performance en course à pied et l’économie de course, sans perturber de façon importante la puissance développée en cyclisme (VO2 et puissances non significativement différentes dans les deux conditions). Plus précisément en faisant ce réglage, ils ont observé une moindre activation du soléaire durant les efforts sous maximaux en vélo et des gastrocnémiens durant la course à pied.

Conclusion, lorsque vous réglez vos cales d’avant en arrière, repérez votre premier et votre 5ème métatarse, regardez la distance séparant les droites que vous aurez tracé sous vos chaussures et vous verrez qu’en moyenne on aboutit à un réglage entre 5 et 7 mm en arrière du 1er métatarse, parfois un peu plus parfois légèrement moins.

Quoiqu’il en soit, n’oubliez pas lors des premières sorties de prendre votre clé avec vous afin d’ajuster si vous sentez vraiment de grosses douleurs, sinon laissez-vous deux à trois séances afin de voir comment réagit votre corps. Surtout, n’allez pas faire une longue séance juste après votre nouveau réglage, qui ne laissera pas le temps au corps de s’habituer et engendrera à coup sûr des tendinites.

Quelle rotation appliquer aux cales ?

Voyons maintenant l’orientation des pieds dans l’espace ou comment régler dans le sens horaire ou anti-horaire vos cales.

La première des choses à faire est de vous assoir sur votre table de salle à manger, pieds nus et de regarder comment naturellement vos pieds s’orientent dans le vide.

Imaginer une ligne droite qui part du centre de votre rotule, qui passe par votre cheville et qui se projette vers l’avant et regardez quelle angulation ou quelle rotation votre pied réalise. Si votre ligne imaginaire passe au niveau du 2nd orteil, c’est que vous avez les pieds dans l’axe. Si la ligne se retrouve au niveau de votre gros orteil, voire à gauche de ce repère, cela signifie que votre pied fait une rotation externe assez importante. Vous pouvez également positionner un laser et chercher à le faire passer par les articulations citées précédemment ce sera peut-être plus simple.

N’oublions pas que nous appliquons du poids sur la pédale quand nous faisons du vélo, alors il est bon de reproduire un ou deux tests ou le pied sera en « charge » c’est-à-dire avec du poids dessus afin d’observer ce que nous avons repéré auparavant.

Premièrement, marchez naturellement face à un miroir et regardez comment s’orientent vos pieds quand vous marchez.

Deuxième test, en position debout, positionnez un laser qui passe de nouveau par votre rotule, votre cheville et ensuite votre 2ème orteil, mettez-vous en appui sur cette jambe et réalisez un tiers de squat. Regardez si votre genou part vers l’intérieur, l’extérieur ou reste dans l’axe. Vous aurez ainsi une idée de la stabilité de votre jambe et vous pourrez affiner votre réglage de cales.

L’exemple parle souvent mieux que de long discours. Lorsque je réalise ces tests sur ma propre personne, j’observe un pied gauche parfaitement aligné à la rotule et la cheville et un pied droit qui s’ouvre d’environ 10° vers l’extérieur.

Au tout début de ma pratique, je ne tenais pas compte de ce genre de choses, je réglais mes cales bien au milieu des marques sous mes chaussures, quelles conséquences pour moi ?

Jambe gauche, pas grand-chose si ce n’était parfois des douleurs sur le tendon rotulien et une envie de pousser mon pied vers l’avant dans la chaussure. Pour la jambe droite, pas de douleurs rotuliennes, mais une tendance à avoir un ligament externe de cheville douloureux et parfois des tensions apparaissaient au niveau de l’adducteur. Ah oui et aussi une base arrière droite du vélo rappée, le talon de ma chaussure droite également….

Pas mécanicien pour deux sous et âgé d’à peine 15 ans, je m’étais dit que ce n’était pas grand-chose et j’ai protégé ma base, ce qui limita l’usure sur le vélo mais pas celle de la chaussure. Un jour après une randonnée de cross-country un peu plus longue qu’à l’accoutumée (50 km), j’ai eu mes premières vraies tendinites et j’ai modifié mes réglages.

Aujourd’hui grâce aux différentes mesures de mes pieds, je sais que mon pied gauche est 1 mm plus court que le droit mais reste dans l’axe, je n’ai qu’à reculer ma cale du pied gauche d’1 mm de plus en arrière par rapport à la droite. Dans mon cas je me situe 7 mm en arrière de mon 1er métatarse avec une cale dans l’axe de ma rotule et de ma cheville.

Côté droit, comment faire puisque j’ai toujours une rotation externe de 10° ? Cette rotation tibiale est bien entendue liée à un problème de tensions musculaires trop importantes au niveau du tenseur du fascia latta et du biceps fémoral (ischios jambier). Quelle posture ai-je adopté selon vous ? Le bien connu « faites ce que je dis et pas ce que je fais… ».

Au lieu de réaliser des exercices d’assouplissement de ces groupes musculaires, j’ai appliqué une rotation sur la cale. Ceci est un vrai jeu de dupes car moins je m’étire, plus je ressens le besoin d’accentuer la rotation de la cale, c’est le serpent qui se mord la queue.

Ne faites donc pas comme moi, commencez par travailler vos étirements, TFL, ischio-jambiers passez par les fessiers et finissez sur les psoas, vous ressentirez vite le bien être. Pour la cale aussi contre intuitif que cela puisse paraitre, il va falloir orienter la tête de la cale vers la manivelle, c’est-à-dire faire une rotation anti-horaire.

Pour une rotation tibiale de 10° dans le vide, j’applique une rotation de 3 à 5° sur a cale. Une fois la chaussure clipsée, je sens du jeu (salvateur) quand je ramène mon talon vers l’intérieur et plus aucunes contraintes, plus de douleurs musculaires ou tendino-ligamentaires et plus de cadre abimé.

Dernier élément qu’il faut forcément aborder à ce moment des explications, l’amplitude des mouvements que propose les cales de vélo. Il faut savoir que toutes les marques ne proposent pas la même liberté angulaire.

Si l’on prend la marque Look, nous somme sur trois coloris de cales (Photo 3) pour pédales de route : noires, grises et rouges avec respectivement 0°, 4,5° et 9° de liberté, un réglage latéral possible de 4 mm et un réglage longitudinal (avant en arrière) de 12 mm.

Chez Shimano, trois coloris également, rouge avec 0°, bleu avec 2° et jaune avec 6° de liberté (Photo 4). Chez Wahoo Speedplay, c’est un peu différent mais on peut avoir des réglages compris entre 0 et 15°, 13 mm d’avant en arrière et 6 mm de droit à gauche.

Je vous déconseille formellement les cales fixe avec 0° de liberté car si la rotation ne se fait pas au niveau de l’interface pied/pédale, elle va de fait s’appliquer sur les genoux…. Et je vous le recommande encore moins en phase de puberté car ce sera des tendinites à répétition assurées.

Pour les autres degrés de liberté, il faut essayer, mais sachez que si vous souffrez d’instabilité chronique sur vos articulations, avoir un trop grand degré de liberté va empirer les tensions sur les genoux. Il est parfois bon de réduire la liberté angulaire pour retrouver un peu de stabilité.

Essayez déjà une cale avec 4,5°/6° de liberté et vous verrez si vous avez besoin de plus ou non mais cela sera forcément dépendant de la marque de pédales que vous avez choisie.

Quel est l’élément qui permet de déterminer le réglage latéral des cales ?

Ici, on entre dans les réglages liés au plan frontal, c’est-à-dire le mouvement de votre cale qui se rapproche ou s’éloigne du pédalier. C’est véritablement un trait de recherche quasi inexploré. Pour expertiser ce domaine les chercheurs regardent le Q-factor, qui correspond à la distance horizontale entre les axes médians des pédales.

Généralement cette distance se situe aux environs de 15 cm sur les vélos de route et est plutôt autour des 18 cm en vtt. Afin de faire varier cette distance, les spécialistes de ce type de réglage ajoutent des spacers (écarteurs) comme l’illustre la photo n°5, petites pièces d’aluminium, que l’on vient positionner entre la manivelle et le filetage de l’axe de la pédale. On trouve même chez Shimano des pédales avec deux Q-factors différents et si vous souhaitez avoir une marque qui va beaucoup plus loin dans ce choix, il faut choisir Wahoo Speedplay, qui propose 4 Q-factors différents, sur chacun de ses modèles de pédales.

En 2005, Silberman et al. ont effectué une première tentative d’explication de l’importance de ce type de réglages sur l’interface pieds/chaussures.

Ils statuèrent sur l’idée que des pieds trop proches l’un de l’autre, pouvaient entraîner des douleurs latérales externes des genoux (TFL), alors que des pieds trop écartés allaient provoquer des douleurs médiales des genoux (Patte d’oie). Thorsen et al. en 2019, examinèrent l’effet de l’augmentation du Q-factor avec des écarts de 15 ; 19,2 ; 23,4 et 27,6 cm à 80, 120 et 160 W, le tout à une cadence fixe de 80 rpm.

Ils trouvèrent que plus le Q-factor augmentait, plus le genou réalisait un mouvement d’abduction, c’est-à-dire qu’il rentrait vers l’intérieur au pédalage.

En outre, plus la puissance augmentait, plus cette tendance se confirmait également. Alors gare à votre tendon de la patte d’oie (face interne du genou). Il faut donc être très prudent lorsque l’on souhaite corriger cet aspect du réglage de cale ou du Q-factor.

Mais comment savoir si nous avons besoin de toucher ce réglage car vous savez maintenant qu’en plus de la marge de manœuvre de ± 4 mm que permette les cales, vous avez en plus la possibilité d’ajouter des extenseurs d’axe de pédales jusqu’à 1 voire 2 cm.

On entre ici dans des aspects plus complexes mais un œil averti peu débroussailler le terrain.

Premier élément assez basique, on va regarder si notre manivelle est usée, signe de frottements entre la chaussure et la manivelle. Dans ce cas, on peut déjà jouer sur l’écartement du pied sans imaginer mettre des pièces supplémentaires. Pour ce faire nous allons toucher aux 4 mm de déport latéral que la cale peut apporter.

Deuxième solution, mettre votre vélo sur home trainer, tout en vous assurant que le vélo et le home trainer soient positionnés de niveau.

Vous allez monter sur votre vélo et demander à une personne de venir positionner ce fameux laser utilisé précédemment, afin que son rayon passe par le centre de l’articulation de votre 2nd orteil du pied, de votre cheville, de votre rotule et vienne au niveau de votre crête iliaque (centre de cuisse), en somme une ligne droite parfaite.

L’idée est ici de s’assurer que le laser passe par le centre de la cheville et la crête iliaque. Si c’est le cas, mais que votre genou par vers l’intérieur, ce que l’on nomme un valgus, ou vers l’extérieur, ce qui s’appelle un varus, c’est qu’il faudra intervenir sur la correction de l’assiette du pied…. Encore autre chose… Il ne va jamais s’arrêter. Toujours la même logique, si vous n’avez jamais eu de douleurs, on laisse tel quel, si vous rencontrez des douleurs, on va utiliser des entretoises inclinées entre la semelle de la chaussure et la cale.

Si votre laser passe par vos chevilles, mais qu’il est extérieur à vos crêtes iliaques, c’est que le Q-factor est trop important. Si vous n’avez aucune douleur continuez comme ça. Par contre, si vous ressentez des douleurs, la seule façon de réduire ce Q-factor et de réaligner cheville et hanche, est de trouver soit un vélo à la bonne taille (plus petit), soit trouver des pédales avec un axe réduit.

Si maintenant votre laser passe par l’axe de la cheville mais est à l’intérieur de la crête iliaque (intérieur de cuisse), vos jambes formeront une sorte de triangle avec son sommet vers le pédalier et une base représentée par vos hanches.

Autre façon de constater cela, positionnez directement le laser au niveau de votre crête iliaque et vous observerez qu’au niveau du pied, le faisceau arrive certainement à droite de votre second orteil voire carrément à l’extérieur de la chaussure. Vous êtes dans le cas d’un bassin large, si vous avez des douleurs, il faudra alors changer vos pédales pour des axes plus long ou simplement ajouter des entretoises de quelques mm ou des extenseurs de pédales selon le besoin.

Anecdote, j’ai eu un jour à positionner un ancien rugbyman avec des mensurations de 1,95 m pour 120 kg, tout en muscles, qui souhaitait préparer des Ironman. Il avait donc un vélo de type contre la montre et lorsque j’ai réalisé son positionnement, j’ai eu besoin afin de réaligner ses segments de lui proposer des extenseurs de pédales de 1 cm de chaque côté. Sa réponse fut très explicite dès le test… soit 2 min de pédalage, à 200 W, à cadence libre : « Je ne ressens plus aucunes tensions musculaires ».

Si vous observez ce genre de situation, je vous encourage toujours à beaucoup de prudence, ne cherchez absolument pas à compenser totalement la différence de longueur. Dans l’exemple de mon rugbyman qui avait 3 cm d’écart entre axe de cheville et crête iliaque à droite et à gauche, j’ai su que j’avais le bon écartement après avoir testé des spacers de 2 mm, puis être passé à des extenseurs de 4 mm, 1 cm et 2 cm.

C’est grâce à la confirmation d’une meilleure répartition des forces au pédalage, une meilleure phase de poussée qui est devenue plus équilibrée et des sensations ressenties comme meilleures, que j’ai validé ce choix. J’ai donc compensé à hauteur de 1 pour 3.

Comme vous le lisez depuis le premier article, le sujet du choix et du réglages des chaussures et des cales est vraiment riche.  Afin de vous apporter un maximum d’informations et d’être le plus complet possible, je vais ensuite aborder les notions relatives aux ajouts possibles entre la semelle de chaussure et la cale, afin de compenser les différences de longueurs de jambes ou de corriger des avants pieds pronateurs ou supinateurs. Mais cela se passera dans la suite alors restez connecté.

Cyril GRANIER

Docteur en sciences du sport

Facebook : @CyrilGranierPerformance

Instagram : cyrilgranierperformance

Pour aller plus loin :

  • Bini R, Carpes F. Biomechanics of cycling. Springer.2014.
  • Fife, A. N., Buddhadev, H. H., Suprak, D. N., Paxson, S. B., & San Juan, J. G. (2020). Effect of Q-factor manipulation via pedal spacers on lower limb frontal plane kinematics during cycling. Journal of Science and Cycling9(1), 33-43.
  • Millour, G., Janson, L., & Bertucci, W. (2018). Effects of cycling shoe cleat position in performance and physiological variables during cycling and subsequent running in simulated Olympic distance triathlon. Journal of Science and Cycling7(2). 
  • Paton, C. D. (2009). Effects of Shoe Cleat Position on Physiology and Performance of Competitive Cyclists, International Journal of Sports Physiology and Performance, 4(4), 517-523.
  • Paton, Carl D. and Timothy D. Jardine. “The effects of cycling cleat position on subsequent running performance in a simulated duathlon.” Journal of Science and Cycling 1 (2012): 15-20.
  • Silberman MR, Webner D, Collina S, Shiple BJ. Road bicycle fit. Clin J Sport Med. 2005 Jul;15(4):271-6.
  • Thorsen T, Strohacker K, Weinhandl JT, Zhang S. Increased Q-Factor increases frontal-plane knee joint loading in stationary cycling. J Sport Health Sci. 2020 May;9(3):258-264.
  • Viker T, Richardson MX. Shoe cleat position during cycling and its effect on subsequent running performance in triathletes. J Sports Sci. 2013;31(9):1007-14.

1 réaction à cet article

  1. Bonjour,

    Tout d’abord merci pour cet article très complet et passionnant,

    Que pensez-vous des pédales type Look Touring (2018) qui ne permettent pas de réglages, ni avant/arrière, ni droite/gauche, ni rotation?
    c’est pour un usage cyclotourisme, pas tant la performance à la poussée que l’endurance qui est recherchée pour ma part.

    Salutations,

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