Une saison de coureur de trail se compose d’une longue succession d’entraînements ponctuée ci et là de compétitions. Si les séances doivent s’articuler entre elles de manière logique en respectant les principes d’entraînement de progressivité, spécificité et complémentarité, chacune d’entre elles doit être structurée de manière à atteindre 2 objectifs : celui de la séance et celui du cycle de développement correspondant. Pascal Balducci vous propose donc d’ouvrir la séance et de la décortiquer.

A l’aube d’une nouvelle saison se pose la question de la planification et de la programmation d’entraînement. Pour réussir à l’échelle d’une saison et pour durer dans cet univers exigeant, chacun a compris qu’il fallait respecter sa physiologie en appliquant des principes fondamentaux en termes d’entraînement, de nutrition, gainage, étirements, récupération… Négliger un seul de ces paramètres, c’est prendre le risque de ne pas performer, de ne pas prendre de plaisir, et pire encore de se blesser.

A l’instar des autres disciplines sportives, l’entraînement se structure temporellement en répartissant la charge globale sur différentes entités de temps.

Fig 1 : Les temps de la programmation d’entraînement.
Fig 1 : Les temps de la programmation d’entraînement.

S’il est important de réfléchir au contenu de chacune de ces entités, c’est au court terme que nous nous intéressons aujourd’hui. La séance est l’unité fonctionnelle de l’entraînement, dissécable en sous-parties que nous allons entrevoir à présent.

Un objectif = un contenu

Chaque séance doit répondre à un objectif précis en terme de filières énergétiques développées, de stress induit, et donc d’adaptations attendues. Restons simples en considérant 4 types de séances. La séance d’endurance fondamentale, celle d’endurance active (footing au train), la séance autour du seuil anaérobie, et celle de développement ou de maintien de la Vitesse Maximale Aérobie.

  • La séance d’endurance fondamentale : elle se court à des intensités comprises entre 60 et 70% de la fréquence cardiaque de réserve, soit entre 60 et 70% de la consommation maximale d’oxygène. Sur le plat, cela correspond à des vitesses allant de 60 à 70% de la VMA que l’on aura préalablement déterminée par un test adéquat. La durée est variable, de 1h en début de cycle à 2h30-3h en fin de cycle, voire plus en stage ou lors des week-end intensifs de préparation. La rando-course est également une sortie en endurance fondamentale.

Précisons que ces pourcentages doivent être individualisés et que l’entraînement croisé (vélo, VTT, ski de fond, ski de rando) permet une approche moins traumatique de l’endurance.

  • La séance d’endurance active : elle peut se courir selon plusieurs modalités : en continu ou en discontinu. Sur le premier mode, il peut s’agir de courir 45 mn à 1h à des intensités allant de 70 à 80% de la FC Réserve. Sur le second mode, après un échauffement de 15-20mn, on enchaîne des durées relativement longues (> 15mn) aux intensités décrites ci-dessus. Cela peut aller de 2 x 15mn pour les débutants à 2 x 45mn pour les experts. La dénomination de cette séance peut varier : footing au train pour les uns, séance ‘’à bonne allure’’ selon Fabien Antolinos, international de trail. En discontinu, les allures autres que l’endurance active sont courues en endurance fondamentale.
  • Les séances qualitatives de seuil et de VMA : elles se construisent sensiblement sur le même modèle : Echauffement – éducatifs, accélérations – corps de séance – Récupération active.

Educatifs et accélérations sont facultatifs, ils dépendent de l’objectif recherché. Si on les occulte, le corps de séance sera alors d’intensité progressive.

Chauffe Marcel !

Toute séance doit débuter par un échauffement progressif. L’objectif de l’échauffement est de préparer l’ensemble du corps (systèmes cardiaque, circulatoire, pulmonaire et nerveux, muscles et articulations) à l’effort, et de prévenir les blessures. Sa durée peut osciller entre 15 et 30 mn et son intensité doit être progressive. Les muscles et articulations sont ainsi mis en condition pour le travail plus intensif de la séance.

Fig2 : Le système musculaire et tendineux. Source Larousse.fr

 

Les muscles et les tendons sont en période de repos à la température de 36 °. Or, on sait que leur rendement maximum se situe à 39° et qu’il faut selon la température extérieure un minimum de quinze minutes pour y parvenir. Cette chaleur accroît l’efficacité des réactions chimiques dans les cellules musculaires, provoque une dilatation des vaisseaux sanguins amenant plus de sang et donc plus d’oxygène aux muscles, abaisse la viscosité musculaire, augmente l’élasticité musculo-tendineuse, améliore de 80% la souplesse musculaire, augmente le débit d’oxygène sanguin et permet des réactions plus rapides aux impulsions électriques.

Le système nerveux (cerveau, moëlle épinière, nerfs périphériques) a lui aussi un fonctionnement optimum entre 38° et 39°. Ce système regroupe l’ensemble des circuits de commande, de contrôle et de coordination des actions du corps, il est donc très important qu’il soit parfaitement fonctionnel. Une augmentation de 2°C de la température centrale entraîne une accélération de la vitesse de contraction de 20% et une meilleure coordination neuromusculaire. Pour ces 2 raisons, un individu ‘’échauffé à 38°-39°’’  et qui sait conserver cette chaleur  peut ensuite travailler physiquement avec moins de fatigue, moins de traumatismes articulaires et avec une précision supérieure à celle d’un individu non échauffé.

Au niveau  cardio-vasculaire, l’augmentation graduelle du rythme cardiaque au cours de l’échauffement prépare le cœur à faire des efforts plus soutenus. Lors d’une étude menée auprès de 44 sujets âgés de 21 à 52 ans, on a noté des anomalies du rythme cardiaque sur l’électrocardiogramme de 70 % des sujets qui venaient de faire un exercice intense sans échauffement préalable. Par contre le fait de s’échauffer un peu réduisait ou supprimait ces anomalies par une ouverture des alvéoles pulmonaires inutilisées et une ventilation jusqu’à 5 fois supérieure.

Enfin, l’échauffement permet une mise en condition articulaire en fluidifiant le liquide synovial qui lubrifie nos articulations, favorisant ainsi l’amplitude articulaire ; et une mise en condition mentale car le stress se dilue dans l’action de l’échauffement.

Côté pratique, 2 questions reviennent souvent : Comment s’habiller et à quelle allure s’échauffer ? Partez couvert puis découvrez-vous au fur et à mesure que la chaleur endogène (celle produite par votre corps) s’équilibre avec la température extérieure, de telle sorte que vous n’ayez ni à lutter contre le froid en début d’échauffement, ni contre le chaud à la fin de celui-ci. Partez doucement, environ 50% de VMA, puis augmentez progressivement l’allure jusqu’à 70% de VMA. Plus l’effort à fournir sera court et violent, plus l’échauffement sera long et progressif.

Oui aux éducatifs, attention aux étirements

Mais courir à ces allures ne suffit pas à être totalement prêt à fournir un effort qualitatif allant de 80 à 120% parfois de la VMA selon les séances. C’est pourquoi il est utile de pratiquer des éducatifs et quelques accélérations à vitesse supérieure ou égale à celle demandée par la séance. Les étirements, nous le savons, n’ont aucun impact positif sur la performance et comporte même des risques qu’il est préférable d’éviter. Seul les athlètes avec pathologie particulière, type pubalgie, trouveront de l’intérêt à pratiquer des étirements ciblés. Pour les autres, ce sont les éducatifs (montées de genoux, talons-fesses, foulées bondissantes, foulées rasantes, pas chassés …) qui serviront d’étirements activo-dynamiques et balistiques propres à augmenter l’amplitude articulaire, renforcer l’action des muscles antagonistes et parfaire l’échauffement. Pour finir en beauté, quelques accélérations sur 50 à 100 m permettront de rentrer efficacement et sereinement en action.

Passons maintenant à la séance proprement dite. De nombreux paramètres sont à préciser : le volume global de la séance, l’intensité en % de VMA ou en % de FC Réserve, le nombre de séries, la récupération inter-fractions et inter-séries, l’intensité de la récupération en % de VMA ou en fonction de la fréquence cardiaque.

Prenons le cas d’une séance de VMA du type 2 séries de 4 x 2mn/1mn à 95% VMA et 50% VMA, avec 3mn trot entre les 2 séries. Notons que ce type de séance permet de passer 8 à 10 mn dans les zones physiologiques de la Vitesse Maximale Aérobie, favorisant son maintien et le développement du temps limite.

Paramètres Données
Volume global ~26 mn
Volume à 95% VMA 16 mn
Intensité des fractions 95% VMA
Durée et Intensité de la récupération inter fractions 1mn à 50% VMA
Durée et intensité de la récupération inter-séries 3 mn à 50% VMA
Terrain Piste, route, nature

Ainsi, on ne peut comparer 2 séances qu’en analysant chacun de ces paramètres.  Par exemple, un coureur qui réalise 10 fois 400m en 1’22 avec 1mn de récupération à 50% VMA fait une meilleure performance que celui qui les court en 1’20 avec 1’30 de récupération toujours à 50% de VMA. La clef de l’entraînement est de paramétrer avec justesse l’ensemble des paramètres cités selon l’objectif visé, et certainement pas de ne s’intéresser qu’à la vitesse des fractions. Rappelons qu’en trail, le VO2max (et la VMA qui lui est associée) est un critère important mais pas déterminant, loin s’en faut.

En nature, on peut délaisser le critère de vitesse et se fier aux fréquences cardiaques comme témoin de l’intensité de son effort, idem pour la récupération. Le préalable est d’avoir déterminé précisément les plages de FC qui correspondent aux zones de travail physiologique. La récupération entre les fractions et entre les séries lors des séances de seuil et de VMA se court idéalement à des allures comprises entre 50 et 60% de la VMA pour favoriser la métabolisation des lactates et le maintien dans les zones visées. Toutefois, certaines séances pourront se courir à 90 et 80% de VMA (intensité/récupération) pour travailler au plus près de la consommation maximale d’oxygène.

Dans la semaine (ou microcycle), il faut veiller à varier les séances pour réduire la monotonie de l’entraînement. C’est l’alternance des types de sollicitation qui permet d’augmenter la charge de travail en réduisant la contrainte.

Si la séance s’ouvre par un échauffement, elle se conclue par une récupération active. On commence par s’hydrater, on se couvre à nouveau pour éviter les refroidissements, et on trottine une dizaine de minutes pour de nombreuses raisons : clairance des lactates, retour au calme physique et mental, abaissement de la température interne… La vitesse de récupération peut aller progressivement de 40 à 60% de VMA, et dans l’idéal, on trottine pieds nus dans l’herbe pour le bien-être et la proprioception. Comme pour le début de la séance, on n’étire pas un muscle chaud. Cette récupération active associée à la douche qui va suivre aura un effet positif sur la qualité du sommeil à venir dans le cas des séances du soir.

On peut résumer le déroulement idéal d’une séance qualitative selon le schéma suivant, avec entre parenthèses les variables à définir :

Fig 3 : déroulement d’une séance qualitative
Fig 3 : déroulement d’une séance qualitative

Pour une séance en continu, donc moins qualitative, on veillera à partir à des intensités ne dépassant pas 60% de VMA (ou PMA) afin de permettre à notre corps l’échauffement nécessaire. Après une dizaine de minutes, l’intensité de l’effort pourra être augmentée.

Respecter ces règles simples de construction de séance, c’est s’autoriser à être plus performant, à mieux récupérer et à prévenir les blessures. Alors n’attendez-plus pour les appliquer !

Bibliographie

Performance Changes Following Active Warm Up and How to Structure the Warm Up
Bishop D. Sports Medicine, Volume 33, Number 7, 2003 , pp. 483-498(16)

Effects of Static Stretching on Energy Cost and Running Endurance Performance
Wilson and al. Journal of Strength & Conditioning Research, September 2010

Prevention of running injuries by warm-up, cool-down, and stretching exercises
W van Mechelen, H Hlobil, HCG Kemper… – The American Journal …, 1993

Réagissez