UTMB 2015 : Au coeur de l’OCC avec Germain Grangier, troisième de la course

Derrière l'Espagnol Marc Pinsach Rubirola (5h21mn38s) et le Français champion du monde de trail Sylvain Court (5h23mn25s), Germain Grangier termine troisième de l'OCC (Orcières-Champex-Chamonix) en 5h38mn27s au terme d'une superbe course. Son récit.

OCC 2015
Germain Grangier (3ème)

Mardi 25 Août 2015. Me voilà en route pour Chamonix et son mythique UTMB. Chaque année l’ensemble du Team Garmin se retrouve dans un chalet et nous vivons au rythme de l’événement tous ensembles. C’est très sympa, l’ambiance y est chaleureuse, nous sommes tous motivés pour nous surpasser. J’ai de gros doutes sur mon état de forme actuel. J’ai passé deux derniers mois assez difficiles sportivement avec beaucoup de fatigue à la clé, sûrement due à trop de surmenage et trop de volume d’entraînement, mais qu’importe, je suis avec mon équipe et reste positif dans l’amorce de la course.

Jeudi 27 Août 2015. Il est 5h du matin, nous nous levons avec mes coéquipiers, Jean-Christophe Bette et Virginie Govignon, sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller tout le monde. Nous profitons d’un petit déjeuné tous ensembles et nous nous préparons. Au programme, l’OCC une course qui fête sa deuxième édition avec 53 km et 3 300 mètres de dénivelé positif. Le ciel est clair et l’air déjà doux, une belle journée chaude s’annonce comme prévu. Nous sautons dans le « black truck » du Team et je conduis pour aller chercher nos amis qui travaillent chez Garmin France. En effet, « Djo », manager marketing outdoor chez Garmin, toujours ok pour se lancer des défis, court aussi l’OCC. Je lui laisse le volant et nous rejoignons Orsières en 1h de temps. Les blagues vont bon train, quelle humeur champêtre !

Pour l’échauffement, chacun part un peu de son côté. Pour ma part, je décide de me mettre en route 15 minutes avant le départ étant donné que je n’ai jamais couru plus de 32 km en course. Je n’ai pas envie de m’entamer et effectue un footing très léger sans accélération. Les rues d’Orsières sont bondées, ça parle Italien, on entend l’accent Suisse, quelle ferveur ! Je me rends au départ et rejoins mes coéquipiers déjà en place, Ludo Collet, le speaker, est fidèle à lui-même, à fond, et ça me fait plaisir de le retrouver. « The Eye of the Tiger » est lancé, j’ai envie de chanter mais je me retiens car j’ai quelques doutes sur le premier couplet !

OCC 2015
Germain Grangier (3ème)

Le départ est donné à 8h15. Je pars prudemment. Il y a pleins d’écoliers qui nous tendent des mains le long de la route, on en profite et eux aussi car après il y a école et c’est surement moins marrant ! « Hop, hop, hop », les Suisses nous encouragent chaleureusement dans la montée de Champex. Les cloches sonnent et les Cors des alpes sont de sortie. Je profite vraiment de cette montée, je suis en 30ème position et commence à remonter petit à petit. Je me sens très bien, je rejoins à Champex le groupe de tête et fait un ravito éclair. Je vois mon amie Kelly sur le bord de la route et cela me fait extrêmement plaisir. Nous sommes, une quinzaine, sur les rives du lac de Champex, c’est très beau, je pense un instant à revenir un jour pour faire du bateau sur ce lac et pêcher à la mouche… mais Sylvain Court ne s’attarde pas et relance fortement l’allure. C’est plat, il a l’air très fort. Tout le groupe lui emboite le pas sauf moi qui reste en dernière position. Le réalisme me pousse à me dire qu’il est champion du monde et qu’il est intrinsèquement plus fort que moi, surtout sur le plat. Je reste donc à mon rythme 500m derrière, n’oubliant pas que je n’ai jamais couru en course plus de 3h. Je me sens toujours bien mais cette partie de course est moins intéressante, il s’agit d’une piste large jusqu’au pied de la bosse de Bovine.

Et nous voilà dans la raide montée de Bovine où je rattrape plusieurs coureurs dont « JC » mon coéquipier. Je n’ai pas de bâtons mais j’adopte un style de marche/course. On s’encourage et poursuivons. Petit passage entre les vaches et nous voilà dans la belle descente qui nous mène à Trient. C’est la première descente, et je me sens bien, j’essaie d’être fluide pour ne pas m’entamer musculairement, je prends du plaisir à descendre. Me voilà à Trient où je rempli de l’eau. L’organisation m’accroche une balise GPS (sûrement encore un programme scientifique sur le suivi d’espèce) qui pèse plus lourd que mon bras, mais je l’oublie vite et me lance dans la montée de Catogne où je double encore un coureur. Le haut de cette montée est magnifique avec un sentier en balcon qui nous propose une belle vue sur le secteur d’Emosson. J’effectue la descente dans la même idée que la précédente mais je commence à avoir des crampes pourtant j’ai bien bu, je trouve ça bizarre d’être atteint si tôt et essaie de ne pas y porter attention.

J’arrive à Vallorcine où je retrouve toute mon équipe qui m’accueille dans une cacophonie énorme. Je comprends rien mais tout le monde est là et ça me fait vraiment chaud au cœur, j’adore cet état d’esprit. La partie qui nous mène au col des Montets est très dure car il faut retrouver de l’ouverture dans la foulée alors que nous avons enchaîné montées / descentes. Nous sommes en fond de vallée, il est 11h et je commence à souffrir de la chaleur… et mes crampes sont toujours là. Heureusement, mes amis sont à mes côtés et me disent que tout se joue dans la tête. Ils ont raison, je me focalise sur mon mental et pourchasse toute les pensées négatives.

J’entame la montée de la Flégère en 4ème position, où je croise un chamois bipède, Kilian Jornet qui m’encourage ! Je me dis alors que l’Espagnol Pinsach ne doit pas être trop loin, en effet, un spectateur m’annonce 5 minutes sur la tête de course. Je connais bien cette fin de parcours car j’y suis passé à deux reprises lors des deux dernières éditions du cross du Mont-Blanc sauf que là j’ai 40km dans les jambes et du coup la vitesse n’est pas la même. Je double l’espagnol Quesada assez rapidement. Je suis actuellement 3ème et commence à réaliser : 3ème  ! Ca veut dire que je suis sur le podium !!

Toutes ces personnes dans Chamonix, c’est juste grandiose et il n’y a qu’ici qu’on peut vivre ça.

Cette partie de montée est assez forestière et je ne vois personne devant ni derrière, j’ai tendance à m’enfermer dans un faux rythme jusqu’à déboucher sur les pistes de la Flègère où j’aperçois le deuxième au loin. Cela me remet du baume au cœur. Je retrouve des gens aux bords des sentiers et rentre dans le ravitaillement de la Flégère. Les bénévoles sont au top et me remplissent un bidon avec une boisson gazeuse marron !

OCC 2015 Germain GRANGIER
Germain Grangier

Surmotivé après avoir vu le deuxième, je me lance dans l’ultime descente pour tout lâcher. Et là c’est le drame ! J’ai des crampes de façon intégrale sur mes membres inférieurs. Dès que j’essaie d’être fluide, j’ai une crampe aux adducteurs, quadriceps, mollet, ischios…au choix tout est en stock !!

Je me dis alors que je ne finirais peut être pas dans les dix premiers. Je m’arrête pour me détendre mais cela ne passe pas. Je n’ai pas fait tout ça pour rien ! J’essaie de descendre de façon robotique. Qu’est-ce que ça doit être moche à voir ! Je raccourci la foulée, limite les chocs pour minimiser l’impact des crampes sur ma vitesse de descente. Par contre, ce qui est classe est que le coca cola dans mes gourde est sous pression avec les secousses et me garantisse un feu d’artifice des plus abouti toutes les 2 minutes !

Me voilà tant bien que mal dans les rues de Chamonix dans un style à ne pas montrer dans les écoles. Mes chaussures sont en train de rigoler en me voyant les écraser de la sorte ! Malgré ma descente chaotique, je suis toujours troisième et je me retourne par réflexe pour savourer mon arrivée. Que neni ! Je vois à 200m le français Romuald de Paepe à la bagarre avec un Espagnol. Il me faut relancer mais pas d’un coup sinon je vais avoir le droit aux crampes intégrales de nouveau. J’accélère tel un paquebot sortant d’un port (il me manquait juste le klaxon) et conserve l’écart jusqu’à la ligne !

Ouf ! Moi qui pensais perdre ma place, je l’ai gardé pour quelques secondes. Je suis tellement content, mon organisme se relâche et je verse une larme en pensant à mes trois opérations lors des six dernières années, ces années où j’ai tant galéré. Je suis assis par terre, je n’arrive pas à me relever, j’ai des crampes partout.

Toutes ces personnes dans Chamonix, c’est juste grandiose et il n’y a qu’ici qu’on peut vivre ça. Je pense à mon Team, à mes proches, à mon coach, mes partenaires et à tous ces gens aux bords des sentiers. Mes pensées sont interrompues pour que j’aille faire la photo du podium avec Marc Pinsach, le vainqueur et Sylvain Court le deuxième.

Que d’émotions et quelle aventure !

Germain Grangier

Retrouvez le compte-rendu de la course et les photos de l’OCC 2015

Profil-OCC-2015
Profil-OCC-2015

1 réaction à cet article

  1. Beau récit ,plein de sincérité d’humilité de cet athlète; Germain Grangier ! Félicitations pour sa 3 em places

    Répondre

Réagissez