Lucie Décosse : « J’ai besoin de défis ! »

L'ancienne championne de Judo a couru les 20 km de Paris le 13 octobre 2013, elle revient sur sa relation toute particulière avec la course à pied.

Lucie Decosse 20 km de Paris

Lucie Décosse a mis un terme à sa carrière de judokate  le 30 août 2013 à l’issue de sa participation aux Championnats du monde à Rio de Janeiro. Elle évoluait  dans la catégorie des moins de 70 kg après avoir combattu en moins de 63 kg. Elle fut numéro un française et mondiale dans les deux catégories, et s’est construit un palmarès exceptionnel puisqu’elle fut championne du monde 2005, 2010 et 2011, vice-championne du monde 2007, quatre fois championne d’Europe, vice-championne olympique à Pékin en 2008 et, enfin, championne olympique à Londres le 1er août 2012.

A Rio, elle se classe 5e et prend sa retraite d’athlète de haut niveau. Mais la jeune femme de 32 ans est une femme de défis…. Alors que sa relation avec la course à pied tout au long de sa carrière fut on ne peut plus complexe, elle était au départ des 20 km de Paris le 13 octobre 2013. Quelques mois après cette « performance », nous avons voulu savoir si elle s’était réconciliée avec la course à pied et si, surtout, elle allait récidiver.

Lepape-info : Lucie, quelle était votre vision de la course à pied avant de vous lancer sur les 20 km de Paris ?

Lucie Decosse 20 km de Paris
Lucie Décosse et son amie judokate se sont amusées à se prendre en photo durant la course

Lucie Decosse : Pour tout vous avouer, je n’ai jamais aimé courir car pour moi les footings ont toujours été associés à la perte de poids. Je me couvrais un maximum pour transpirer le plus possible et perdre de l’eau, c’était juste pour m’assécher et perdre du poids. Et je dois l’avouer, je n’ai jamais couru par plaisir, mais c’est le cas de beaucoup de judokas.

J’ai aussi des problèmes aux genoux qui sont survenus assez tôt dans ma carrière, de fait je ne faisais quasi pas de préparation en course à pied. Si je résume, je devais courir une fois par mois entre 20 et 40 minutes ! On est bien loin d’une pratique régulière !

Lepape-info : Quel était votre ressenti lorsque vous deviez faire cette séance mensuelle ?

L. D. : Avant d’aller courir, j’étais toujours motivée car l’objectif était de perdre du poids. Pendant, je m’ennuyais et j’étais pressée d’en finir. Après, je me sentais bien avec la sensation d’être lâchée, fraîche.

Lepape-info : Vu votre relation avec la course à pied, pourquoi vous être être inscrite sur les 20 km de Paris ?

L. D. : (rire !). En fait, j’ai décidé de faire les 20 kms de Paris le jour de la conférence de presse, soit 10 jours avant la course. J’étais présente à cette conférence car mon équipementier est partenaire de l’épreuve. A l’origine, je devais juste être au départ, sur le podium, pas au coeur du peloton ! Et puis, je me suis lancée le défi d’y participer, ce n’était vraiment qu’un défi, rien de plus. J’avais envie de savoir si j’en étais capable, et ce que cela faisait d’être au milieu de milliers de coureurs de tout niveau. Je ne connaissais que le haut niveau en sport, l’idée d’être dans la masse était séduisante.

Lepape-info : En dix jours, il n’est guère possible de parler de préparation…

L. D. : Effectivement, je n’ai pas eu le temps de me préparer, je n’ai même pas eu le temps de faire un footing la semaine d’avant ! Je ne devrais peut-être pas le dire, ça ! De fait, j’y suis allée sans aucune préparation en misant tout sur la motivation et le mental. Je me suis dit qu’avec mes années de compétitions à haut niveau, je devrais trouver les ressources d’aller jusqu’au bout.

Lepape-info :  Comment a réagi votre entourage à l’annonce de cette participation ?

L. D. : Etant donné que je n’aime pas courir et que,  surtout, je ne courais quasiment pas lors de mes entraînements de judo ( je faisais tout au rameur), les gens m’ont dit que je ne tiendrais jamais, que c’était impossible. Les seules personnes qui n’avaient pas de doutes, ce sont des amis, des vrais coureurs qui eux m’ont dit que sur 20 km je tiendrais car j’étais une athlète de haut niveau et que sur cette distance mon expérience suffirait.

Lepape-info : Vous êtes vous posée des questions avant la course ?

L. D. : Je ne me suis pas trop posée de questions, je n’avais qu’une envie : arriver au bout, franchir la ligne. Mais j’avoue que j’ai quand même douté un peu la veille….

Lucie Decosse 20 km de Paris

Lepape-info :  Comment avez vous vécu cette course alors ?

L. D. :  Très bien parce qu’en fait j’ai vraiment couru lentement. Mon cœur n’est jamais trop monté donc je n’étais pas vraiment dans l’effort. On peut dire que j’étais en mode balade (rire !).

Sinon, j’ai été étonnée par l ‘ambiance, c’était très cool ! Les plus rapides, on ne les voit pas. Mais tous les autres sont vraiment là uniquement avec l’objectif de se donner au maximum, tout en se faisant plaisir, c’est ce que j’ai aimé. J’ai même discuté avec pas mal de gens sur le parcours, je n’aurai pas imaginé cela. Il y avait des groupes de musiques, des personnes sur les côtés qui encourageaient. Oui, vraiment une bonne ambiance. Pour tout vous dire, je m’attendais à une course en mode compétition avec du chacun pour soi et tout le monde à fond.

Après, j’ai été fière de passer la ligne d’arrivée car beaucoup de gens ont abandonné. Je n’avais pas d’objectif de temps car je n’avais pas de référence mais je sais que j’ai fait un temps minable, 3h06. Le principal pour moi était de terminer. J’ai couru avec une amie judokate, qui n’aime pas courir non plus, et oui, je me répète, nous avons été très fières d’avoir relevé notre défi. On n’avait jamais couru plus de 45 minutes dans notre vie alors on était super heureuses !

Ce qui me faire rêver aujourd’hui c’est la Diagonale des fous

Lepape-info :  Est-ce que la championne s’est réveillée durant la course ?

L. D. : Dès le départ, je savais que je n’avais pas d’objectif de temps mais j’étais frustrée de voir autant de personne me dépasser pendant la course. Je suis une compétitrice, j’étais tiraillée entre courir tranquille et être certaine de finir la course, ou me donner à fond et prendre le risque de ne pas tenir.J’ai choisi la première option. Après je ne sais pas vraiment si j’ai pris du plaisir, mais en tout cas je ne me suis pas ennuyée, c’est l’essentiel.

Lepape-info : Est ce que cette course a changé votre vision de la course à pied ? 

L. D. : Hé bien, les jours suivants, oui… Je voulais aller courir tous les dimanches et très vite reprogrammer un autre 20 km pour battre mon temps. Mais depuis…. je n’ai fait que deux Lucie Decosse 20 km de Parisfootings. C’est beaucoup plus dur d’aller courir seule et ça ne me motive pas trop de mettre mes baskets, sans réel objectif.

J’aimerais quand même retenter un 20 km pour voir. J’ai des amis qui participe à l’Eco-trail de Paris et à la Diagonale des fous, ils ne cessent de me parler de toutes ces épreuves incroyables. Il paraît que la course à La Réunion est une expérience inoubliable. Ça me fait rêver mais c’est encore une autre histoire de participer…

Mais maintenant que j’ai arrêté la compétition, je suis à la recherche de défi, c’est un vrai manque. Je n’ai plus de rendez-vous sportifs programmés, d’échéances, il n’y a plus cette adrénaline qui monte. Je me suis aperçue qu’en course à pied, le mental avait une grande place et mes années de haut niveau m’ont permis de me construire un mental très fort. Bon, le mental ne suffit pas pour réaliser des chronos ou des courses très longues, car là il faut aussi parler entraînement mais je crois que j’ai déjà dans mon bagage une des données importantes. Reste à savoir si je trouverai l’envie d’aller m’entraîner pour participer à une épreuve de course à pied !

En fait, je ne suis pas sûre que la course à pied me fasse rêver un jour, car s’il me faut à chaque fois 20 000 personnes qui courent avec moi pour que je trouve ça fun, ça va être compliqué !! Et puis, il faut l’avouer, je n’ai pas vraiment le gabarit d’une coureuse ! Il faudrait que je perde du poids pour être plus à l’aise.

Ce qui me faire rêver aujourd’hui c’est la Diagonale des fous (Le grand Raid de la Réunion, ndlr), et pour le coup, on ne court pas beaucoup dans cette épreuve !!! Du moins à mon niveau, c’est à dire avec l’objectif de terminer.

Lepape-info : En dehors de la « course à pied « , maintenant que vous avez posé le kimono, comment envisagez-vous votre avenir ?  

L. D. : Je ne m’entraîne plus depuis début septembre, j’étais dans une phase de décompression on va dire. Mais dès janvier 2014, je vais reprendre plus régulièrement une activité sportive, et on va voir si l’envie de courir revient. De tout façon, il faut que je me trouve un défi pour relancer la machine…. on verra ce que ce sera…. Je vous tiendrai au courant !

La carte de visite de Lucie Decosse

Née le 6 août 1981 (32 ans), Chaumont

– 63 kg

2002 : Championne d’Europe à Maribor (Slovénie)
2004 : 7e des Jeux Olympiques d’Athènes (Grèce)
2005 : Championne du monde au Caire (Egypte) et médaille de bronze aux championnats d’Europe de Rotterdam (Pays-Bas)
2006 : médaille d’argent aux championnats d’Europe de Tampere (Finlande)
2007 : Médaille d’argent aux championnats du monde de Rio (Brésil) et championne d’Europe à Belgrade (Serbie)
2008 : Médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Pékin (Chine) et championne d’Europe à Lisbonne (Portugal)
2012 : Médaille d’or aux Jeux Olympiques de Londre (Grande-Bretagne)

– 70 kg

2009 : Championne d’Europe à Tbilisi (Georgie)
2010 : Championne du monde à Tokyo (Japon)
2011 : Championne du monde à Paris (France) et médaille de bronze au championnat d’Europe à Istanbul (Turquie)
2013 : 5e aux championnats du monde de Rio (Brésil)

Lucie Decosse a aussi été :
Médaille d’or aux championnats du monde par équipes 2006 et 2011
Championne du monde juniors 2000

et a fait 9 podiums au Tournoi de Paris dont 7 victoires en 2001, 2004, 2006, 2008, 2009, 2010 et 2011.

 

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