Les masques d’altitude ont-ils fait leurs preuves ?

De plus en plus utilisés dans les salles de sport ou même sur certaines séances aérobies, les masques « d’altitude » contribuent-ils réellement à améliorer la performance aérobie et notamment la VMA de coureurs entraînés comme cela est parfois avancé ?
Une étude américaine s’est posée cette question. Ses résultats, sans surprises permettent d’en savoir plus et comme souvent nous invitent à prendre du recul et de nourrir la réflexion sur nos contenus d’entraînement.

Masques d'altitude

Quels effets avancés ?

Les masques d’altitude se placent sur le visage, englobant le nez et la bouche. Ils sont dotés d’orifices réglables destinés à ajuster le passage de l’air à travers le masque, comme un niveau d’hypoxie et simuleraient, selon leurs fabricants, des altitudes qui sont comprises entre 1 000 et 5 000 m.

Toujours d’après leurs fabricants, ces masques permettraient d’améliorer la performance dans les sports d’endurance en augmentant la VO2max (consommation maximale d’oxygène) ainsi que la capacité pulmonaire.

Sur le papier : un bon moyen de simuler les conditions d’un stage hypoxique à la montagne en restant s’entraîner… à la maison.

 

Quels effets prouvés ?

Pour mieux objectiver ces effets supposés, une équipe de chercheurs américains a récemment entrepris une étude de six semaines sur un groupe de 24 étudiants de l’Université de La Crosse, dans le Wisconsin.

Il a été demandé aux participants de l’étude  de réaliser deux fois par semaine une séance fractionnée consistant en une série de 10 répétitions de 30 secondes à haute intensité (au-dessus de VMA)  entrecoupées d’une minute 30 secondes de récupération.

Ce choix de fractionné très intense, aussi appelé HIIT a été utilisé en raison des nombreuses preuves de l’amélioration des performances subséquentes lors de leur utilisation durant une période d’entraînement en altitude réelle.

Tout au long du protocole, les participants ont été distribués en deux sous-groupes : le premier groupe réalisait les séances fractionnées sans le masque tandis que le second effectuait toutes les séances avec celui-ci.

Pour mesurer l’effet du masque, chaque participant a été testé avant et après la période de six semaines d’entraînement. Chacun a réalisé un test maximal progressif sur vélo pour déterminer sa puissance aérobie.

D’autre part, des tests de capacité pulmonaire et des prises de sang étaient réalisés à cette occasion afin de quantifier les adaptations physiologiques liées à l’entraînement.

 

En termes de performance, des progrès furent constatés dans les deux groupes mais ceux du groupe ayant porté le masque ont progressé de manière plus sensible.

Les gains de puissance de pédalage au seuil et de puissance atteinte en fin de test PMA étaient ainsi meilleurs pour le groupe « masque ».

 

Contrairement aux effets d’un stage en altitude réelle, ces progrès n’étaient toutefois pas associés à une quelconque stimulation de la production des globules rouges, de l’EPO, de la masse totale d’hémoglobine ou du pouvoir tampon (capacité à bloquer les ions H+ de la filière lactique).

Ainsi, si ces masques semblent intéressants pour varier l’entraînement et chercher de nouvelles stimulations, ils ne simulent en aucun cas les effets de l’altitude.

Leur intérêt est davantage dans le renforcement des muscles ventilatoires en les rendant plus endurants.

Il est également probable qu’ils exercent un effet sur le plan perceptif en augmentant la difficulté de l’effort perçu en raison du  plus grand travail demandé par le système pulmonaire pour un même effort et la difficulté accrue à lui fournir l’oxygène nécessaire.

 

 

Manipuler la pénibilité de l’effort pour passer des caps

Avant de continuer, il nous semble important de préciser que cette étude n’était pas randomisée. C’est-à-dire que les deux groupes de sportifs ne réalisèrent pas les deux conditions d’entraînement. Or, l’un des plus grands biais méthodologiques est justement le fait que le marketing autour des masques est associé à des messages positifs sur de futures performances pouvant être obtenues.

Il n’est donc pas incohérent d’imaginer un certain effet placebo sur les étudiants « masqués » que ce soit dans leur implication sur les séances de haute intensité ou lors de la réalisation des tests de contrôle.

Malgré tout, on peut présupposer que ces masques d’oxygène (et non d’endurance) puissent bien avoir un effet potentiellement positif sur la performance via leur impact sur la pénibilité de l’effort.

En rendant la respiration plus difficile, ces derniers augmentent la difficulté à produire un effort d’une intensité donnée où l’apport en oxygène est fortement nécessaire.

 

En conséquence, s’entraîner avec les masques d’altitude oblige à produire des efforts plus importants sans pour autant courir plus vite… et surtout à les ressentir comme plus difficiles.

Cette donnée peut facilement se transposer à une multitude d’autres stratégies d’entraînement qui ont en commun de durcir les séances sans avoir à nécessairement courir plus vite.

Ainsi s’entraîner sous une forte chaleur ou à l’inverse dans le froid, à jeun, avec une pré-fatigue musculaire, sans se réhydrater correctement, en réalisant des tâches mentales conjointement à celles physiques ou après une journée de travail éprouvante majorent la dureté d’un effort sans que l’effet positif constaté sur la performance soit de nature strictement physiologique.

 

Cette approche n’est pas nouvelle et confirme le fait qu’une augmentation du niveau de performance physique peut l’être par l’intermédiaire d’améliorations du système cognitif et notamment de sa capacité de tolérance à la douleur, la fatigue, la difficulté et non nécessairement et strictement via des adaptations physiologiques sur lesquelles nous sommes souvent principalement centrés en France.

De la même façon que nous avons pu vous montrer dans de précédents articles qu’à niveau physiologique proche, les athlètes possédant la meilleure efficience/économie de geste se distingueront, la même approche est évidemment valable sur des aspects mentaux.

Le « No pain, No gain » n’est pas usurpé. On le retient trop souvent lors de la réalisation d’une charge difficile. Or, comme vous le savez il est nécessaire d’alterner phase de travail ou entraînements « faciles » et « difficiles ». Et, sur ces entraînements difficiles, il faudra parfois innover pour choquer l’organisme à des fins centrées sur un (ou de manière conjointe sur des) aspect physiologique, musculaire et/ou mental.

 

Courir dans ces conditions rend les séances plus pénibles mais a également pour contrepartie de faciliter le ressenti associé à une vitesse de course ou une puissance à vélo donnée lorsque l’on supprime ces contraintes.

De ces exemples et par l’illustration apportée par l’étude sur les masques d’oxygène, on retient donc qu’une des clés pour progresser est de ne jamais systématiser des routines d’entraînement trop confortables. 

Apprendre à sortir de temps à autre de sa zone de confort reste ainsi une clé de la progression. Et peu importe finalement les artifices requis pour y parvenir. C’est ensuite à vous de faire des choix en fonction de vos envies et besoins.

Une chose est certaine, si votre objectif est de viser les adaptations liées à l’entraînement en altitude, le meilleur choix restera de s’entraîner à la montagne.

Tout est une question de choix, mais n’oubliez pas, que ce soit via ces masques ou d’une autre façon que les aspects mentaux sont souvent trop négligés dans l’entraînement, alors qu’ils pourront avoir un impact important sur la performance chez de nombreuses personnes.

 

 

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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