Quelle part de mental et de physique dans ma performance ? Question souvent posée et presque impossible à résoudre…
Une récente étude s’y est attaquée apportant des éléments concrets permettant d’y voir un peu plus clair.

Lors d’interviews d’après compétition nous entendrons souvent : « Celle-là j’ai été la chercher au mental » ou encore je pense : « que mon sport repose à X% sur le mental ».

Pourtant pour ces deux constats aucune affirmation ne semble possible. Déjà, il nous semble que la plupart d’entre nous créons et réalisons nos séances d’entraînement à partir d’objectifs physiologiques : augmenter mon VO2max, améliorer mes seuils ventilatoires, être plus économique, plus rapides plus fort musculairement… Et à l’arrivée ce serait notre tête qui fait la différence ?

 

Il y a sans doute un peu de vrai et un peu de faux dans tout ça. Très clairement même lors d’entraînements physique nous ne développons pas que notre physique, pourtant c’est presque toujours ce qui nous sera enseigné lors de nos formations d’entraîneurs et notre carrière d’athlète.

Mais évidemment la part mentale ne se limite pas qu’à cela sinon il n’y aurait pas des professionnels compétents sur la question.

 

Enfin pour la part de physique vs mental sur une performance ou dans une discipline nous ne nous aventurerons pas personnellement, cela dépend de tant de facteurs : profil du sportif ou de la sportive, antécédents, déroulé de la compétition, conditions, etc.

 

 

Que dit cette étude sur le sujet ?

Une nouvelle étude scientifique publiée dans le European Journal of Sport Science, menée par une équipe de recherche de l’Institut fédéral Suisse du sport dirigé par Phillip Röthlin a tenté de le faire.

L’étude a porté sur 25 athlètes (17 garçons, 8 filles) de l’équipe nationale junior Suisse.

Après une série de tests physiologiques et psychologiques permettant de connaitre leurs profils, ils devaient réaliser un contre-la-montre en bosse.

Après quoi, différentes analyses statistiques devaient tenter d’apporter une réponse quant à l’importance relative de divers traits et paramètres dans la performance sportive.

 

La principale mesure physiologique l’a été évidemment au travers d’un test VO2max, qui reste la mesure de référence du niveau aérobie et permet pour rappel de quantifier la quantité et la rapidité à laquelle votre cœur et vos poumons peuvent fournir de l’oxygène aux muscles sollicités lors de l’effort demandé.

Sans surprise les valeurs étaient relativement hautes pour un public de 17 ans de niveau international, avec une moyenne de 63 ml/kg/min pour les femmes et de 71 ml/kg/min pour les hommes.

 

 

Attention au mythe du VO2max

Premier biais à cette étude,  il faut rappeler que plus nous serons loin du très haut-niveau plus le « score » de VO2max sera un indicateur du niveau de forme et de performance physique dans les sports à forte dominante aérobie. Cela semble plutôt logique lorsque l’on connait son rôle.

A très haut-niveau, on sait désormais très  qu’elle est un indicateur beaucoup moins fiable – d’autant plus lorsque l’activité demande de fortes dimensions techniques dans le geste comme en course à pied ou natation par exemple – car pour arriver à ce niveau de compétences, tous les athlètes présenteront un VO2max haute liée au caractère inné de ces sportifs (la principale cause d’un haut VO2max) associé à un entraînement poussé et volumineux des années préalables à cette arrivée au niveau élite.

Donc, même d’un point de vue physique, ce seront souvent d’autres facteurs qui pourront déterminer le classement final (efficience de geste, capacité anaérobie, endurance musculaire, force musculaire, raideur des tendons, etc.).

Donc, rien qu’en disant cela, le facteur psychologique vient mécaniquement tout de suite prendre une place de choix dans le puzzle de performance qui a fait que le niveau compétitif devient important (ce qui est le cas de ces volontaires).

Certains chercheurs ont proposé, à juste titre de notre point de vue, d’associer VO2max à la vitesse ou puissance de fin de test VO2max et à celle du temps maximal pour la maintenir (la PMA ou VMA) mettant forcément en avant dans une certaine mesure celles d’économie et de valeur des seuils lactiques. 

Puisque si vous « ne savez pas » courir, pédaler ou nager, un gros moteur ne vous servira pas à grand-chose car les rapports de votre boite de vitesse passeront pour des vitesses/puissances moins importantes et vous trouverez donc très rapidement une 5ème vitesse pied au plancher !

Maintenant que les éléments critiques à cette étude ont été notés, regardons ce qu’elle a nous révélé, car elle a le mérite de tenter d’approfondir ce sujet central pour la performance sportive, autant pour l’athlète que pour l’entraîneur.

 

Cinq facteurs psychologiques différents ont été mesurés chez les athlètes :

  • Techniques mentales : l’utilisation du discours intérieur, de l’imagerie, de l’établissement d’objectifs, de l’activation (c’est-à-dire de l’excitation) et de la relaxation
  • Auto-compassion : gérer les erreurs et les faiblesses personnelles sans autocritique sévère
  • Force mentale : persévérance, rebondir après un échec, être performant même dans des conditions difficiles
  • Motivation à l’accomplissement : besoin de réussite et de recherche de l’excellence
  • Orientation = action et état : se recentrer rapidement après des erreurs ou des échecs (orientation action) ou avoir tendance à s’y attarder (orientation état)

 

Chacun de ces paramètres a été évalué à l’aide de questionnaires psychologiques et quantifié sur des échelles.

Le contre-la-montre était une montée relativement courte de 1 320 mètres et 546 m de D+.

Le contre la montre en côte a été choisi pour limiter les effets de la résistance de l’air et de l’aérodynamique et se concentrer en priorité sur les facteurs physiques.

La distance est une autre élément important à garder à l’esprit, car les contributions relatives de l’esprit et des muscles sont très probablement différentes en fonction de la durée de l’effort.

La logique voulant que des efforts courts demandent en priorité des facteurs centrés sur la tolérance à la douleur liée à l’intensité de l’effort alors que des efforts très longs demanderont sans doute plus une endurance mentale, une capacité à garder sa concentration tout en sachant lâcher prise, apprendre à ce que les signaux qu’ils soient positifs ou négatifs aient un impact positif sur la performance.

Les résultats sont exprimés en termes de « coefficients de régression standardisés », qui indiquent essentiellement la taille relative de l’effet, soit sa puissance d’impact (ici sur la performance). Le plus grand prédicteur, sans surprise sur l’effort demandé, était le VO2 max, présentant un coefficient de 0,48.

 

Cela peut sembler un peu abstrait, mais c’est un peu plus clair lorsqu’on compare différents facteurs.

Le plus grand prédicteur psychologique est ici la persévérance, une caractéristique qui relève de la motivation pour la réussite.

Par exemple, les personnes qui sont d’accord avec l’énoncé « J’ai du mal à maintenir mes efforts dans le sport sur une longue période de temps » seraient considérées comme ayant une faible persévérance. La persévérance avait un coefficient de 0,11, ce qui signifie que son influence était environ d’un sur quatre (c’est-à-dire 0,11/0,48) aussi fort que le VO2max.

Ce qui d’après nous démontre une part très importante dans un effort nécessitant autant le besoin de posséder un fort VO2max et sur un facteur sans doute peu travaillé spécifiquement ou du moins qui pourrait sans doute l’être encore plus.

 

D’un autre côté, les personnes qui ont déclaré avoir utilisé des techniques de relaxation mentale ont en fait obtenu de moins bons résultats lors du contre-la-montre. L’effet était très faible, avec un coefficient de 0,03 indiquant que le VO2max était 16 fois meilleur pour prédire les performances. Et plus précisément, c’est là que les inconvénients d’examiner la corrélation plutôt que la causalité (ce qui nécessiterait un essai dans lequel les participants sont assignés au hasard pour utiliser ou non des techniques de relaxation mentale) devient apparente.

Il est possible que ce résultat soit un coup de chance statistique ou plutôt présente un certain biais, par exemple si les athlètes les moins doués pour ce type d’effort ou les plus anxieux soient ceux déclarant devoir se calmer avant le départ car sachant en avoir besoin pour maximiser leur niveau de performance physique.

 

Et c’est tout ! À part le sexe (les hommes étaient, en moyenne, plus rapides que les femmes…logique !), aucun des autres prédicteurs n’était statistiquement significatif.

Ainsi, la conclusion statistique est que le facteur physiologique, ici VO2max, a 3,4 fois plus de pouvoir explicatif sur le niveau de performance que les deux facteurs psychologiques principaux, ce qui pourrait signifier de façon chiffrée que les contre la montre en côte chez des adolescents de sexe mixte et proches de l’élite sont à 77 % physiques et à 23 % mentales…

 

Evidemment il ne faut surtout pas prendre cette conclusion pour affirmation. Déjà elle est très spécifique au contexte et dépend des variables inclus et non inclus.

Malgré tout, de notre point de vue elle a le mérite de nous sensibiliser à la part des aspects mentaux dans nos performances physiques.

D’ailleurs, dans un monde parfait – mais il faut bien faire des choix – ils auraient inclus tous les facteurs physiques possibles comme par exemple ceux discutés en début d’article et d’autres facteurs mentaux.

Alors même si le VO2max serait sans doute resté en tête de façon générale pour cet effort très spécifique, nous aurions découvert que le et la plus forte des sujets ayant participé à l’étude aurait sans aucun doute possédé un classement dans le groupe de tête pour chaque facteur mais pas nécessairement pour le VO2max.

Un athlète bon partout, pas forcément exceptionnel partout et surtout avec peu de faiblesses peut s’avérer être le plus compétitif car chaque facteur de performance a une influence plus ou moins forte sur les autres et donc sur la performance compétitive.

 

On comprend alors beaucoup mieux pourquoi être « faibles » sur des aspects mentaux peut fortement impacter la performance physique. D’autant plus si dans cet exemple nos adversaires sont tous plus ou moins du même niveau physique.

On pourrait aussi prendre le problème dans l’autre sens et se dire que si l’on présente des limites physiques (l’âge, l’inné, les antécédents de blessures et d’entraînement, la difficulté à s’entraîner, etc.) il y aura alors tout intérêt à développer ses facteurs mentaux au travers d’entraînements physiques spécifiques ou avec des professionnels du secteur.

En clair, pour nous, il est essentiel d’arrêter de dissocier mental et physique ! Lorsque l’on entraîne l’un on a de l’impact sur l’autre.

Et d’autre part à la lecture de ces résultats il devient très clair qu’un ou une athlète performant(e) a forcément des capacités mentales largement au-dessus de la norme.

Donc lorsque l’on cherche à être forte ou fort cela passera nécessairement par un entraînement global où physique et mental auront autant d’importance, car comme pour vos choix entre séance d’endurance et de VMA par exemple, on ne peut pas tout faire tout le temps.

Il faut donc les maitriser pour faire les choix les plus justes et surtout les plus opportuns pour être performant et épanoui dans votre pratique.

 

 

Si vous souhaitez aller plus loin sur cette étude : https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17461391.2021.2018049?journalCode=tejs20

 

 

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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