Les sportifs doivent-ils utiliser l’électrostimulation ?

La réponse à cette question doit être nuancée : il convient de cerner les intérêts et limites du procédé. Ilan Vannier, entraîneur nous explique qu'elles sont les vertus de cette méthode et où sont ses limites.

 

Historique

Commençons par un peu d’histoire. L’électrostimulation dont les premiers vrais utilisateurs ont été les kinésithérapeutes (cadre de la rééducation) a été l’objet d’un intérêt considérable dans le domaine de la préparation physique et tout particulièrement dans celui du développement de la force. On peut affirmer que de nombreux entraîneurs et chercheurs se sont particulièrement intéressés durant les années 70-90 à l’apparition de cette nouvelle technique d’entraînement pour améliorer la performance des sportifs de haut niveau (utilisation dans la pratique sportive : Zruback 1970 et Kotz 1971); plus  tard, elle a gagné le monde de la forme. Il fallait absolument que des études soient menées car de nombreux fabricants d’appareils ou de générateurs de courant se sont mis à intégrer « le milieu » et à vanter, parfois avec quelque mauvaise foi, la suprématie de cette technique de travail par rapport à celles plus traditionnelles que nous avons ou que nous avions l’habitude d’utiliser (méthodes plus « naturelles » utilisant des contractions volontaires).

 On provoque une contraction musculaire à partir d’une stimulation exogène

Voici comment G. Cometti, l’un des pionniers de la recherche dans ce domaine, introduit le sujet dans un article scientifique qui a longtemps fait office de référence : «  L’entraînement par électrostimulation ne peut être considéré comme une forme de dopage. Les méthodes actuelles de musculation, en particulier le travail excentrique et certaines situations de sauts en contrebas, couramment appelées « entraînement pliométrique », exigent une sollicitation maximale (et même supra maximale) des groupes musculaires impliqués dans la performance. C’est pour ces raisons que l’électrostimulation a été introduite dans l’entraînement afin de savoir si elle pouvait constituer une alternative intéressante et efficace au travail classique. Les premières investigations expérimentales confirment son efficacité sans pouvoir montrer des résultats supérieurs à ceux des méthodes traditionnelles. Toutefois l’électrostimulation semble présenter certains avantages qui en font une méthode complémentaire intéressante et non négligeable pour les sportifs de haut niveau. Parmi les avantages qu’elle semble présenter nous pouvons souligner : une action efficace sur la masse musculaire, sur la force maximale concentrique, sur la force isométrique et surtout la force excentrique. Dans plusieurs disciplines sportives (athlétisme, natation, ski de fond, triathlon, sports collectifs) la méthode s’est avérée bénéfique » G. Cometti (« Intérêt de l’électrostimulation dans l’entraînement des sportifs de haut niveau » ; Unité de formation et de recherche en STAPS, Dijon). Mais comme nous le verrons par la suite, les intérêts de l’électrostimulation peuvent être autres et multiples…

18e siècle: découverte du contrôle externe et artificiel de la contraction musculaire par Luigi Galvani, sur les muscles de grenouille

Le principe

« Par définition, l’électrostimulation correspond à l’utilisation d’un faible signal électrique transmis aux muscles grâce à des électrodes placées sur la peau afin de provoquer une contraction musculaire « non volontaire ». En effet, la contraction dite volontaire, se fait par la transmission d’un signal électrique au niveau des nerfs moteurs (ou motoneurones). Démarrant par une commande du Système Nerveux Central, le signal va se propager le long du nerf moteur jusqu’à la plaque motrice du muscle. Cette plaque, que l’on peut comparer à une centrale de distribution électrique du signal, va ensuite déclencher la contraction des cellules musculaires (ou fibres). Le principe de l’électrostimulation va lui permettre de « court-circuiter » ce mécanisme en agissant directement sur le nerf moteur pour activer les cellules musculaires, la contraction est donc « non-volontaire ». E. Chiron & M. Bonnand (article référencé plus bas)

L’électrostimulation présente des vertus mais elle ne peut être considérée comme une méthode miracle

Ses intérêts avérés

L’électrostimulation peut être bénéfique dans les contextes suivants :

  • Pour gagner ou ne pas perdre de la masse musculaire. Elle est considérée comme une technique efficace pour augmenter la densité musculaire ; en shuntant la commande nerveuse, l’électrostimulation permettrait l’hypertrophie du muscle beaucoup plus rapidement qu’en entraînement volontaire. C’est pour cela qu’elle est très régulièrement utilisée dans la rééducation et la réathlétisation des athlètes blessés, afin de minimiser les effets négatifs (perte de masse musculaire et transformation des fibres) liés à l’immobilisation d’un membre.
  • Pour diminuer les contraintes tendineuses ou les aspects liés à la mobilité du sujet.
  • Pour décharger les pressions exercées sur un plan articulaire. Décharge simple du squelette ou pour diminuer par exemple, à l’extrême, la dangerosité de certains protocoles d’entraînement, dans le cas de charges très lourdes
  • Pour gagner en force musculaire. Le principe peut également agir sur la force de contraction maximale volontaire du muscle ciblé ou « force musculaire ». En effet, l’électrostimulation peut être comparée, selon le programme choisi, à un entrainement en musculation de force, sans pour autant en avoir les conséquences néfastes. Cependant, il faut noter que pour obtenir des effets intéressants, la stimulation imposée doit être quasi-maximale (au seuil de douleur).

Les effets sur le développement de la force sont réels mais inférieurs à ceux obtenus dans le cadre de la musculation traditionnelle

Pour détailler brièvement les effets musculaires de l’entrainement, les gains en force peuvent être traduits par deux types de modifications :

  1. Des modifications nerveuses avec une augmentation du nombre d’unités motrices recrutées (Complexe motoneurone-plaque motrice) qui permettront ainsi, pour un même signal, de recruter plus de cellules musculaires ;
  2. Des modifications structurelles par des adaptations au niveau des fibres musculaires, qui se divisent pour pouvoir produire plus de force (augmentation du nombre de ponts actine-myosine).

On observe une grande variabilité des gains ; elle est en adéquation avec la variabilité des protocoles d’entraînement et des techniques utilisées

  • Pour accéder rapidement aux fibres rapides: l’excitabilité d’une fibre nerveuse est directement proportionnelle à son diamètre et les unités motrices de type rapide ont des fibres nerveuses de gros diamètre. L’électrostimulation permettrait d’inverser l’ordre de recrutement
  • Dans le cadre d’un entraînement en endurance (stimulation basse fréquence de longue durée) ; on observe une modification après entraînement en électrostimulation des caractéristiques fonctionnelles du muscle, identiques à celle d’un entraînement classique
  • Pour équilibrer des chaines musculaires en isolant certains muscles considérés comme des faiblesses réelles ou potentielles du sportif (prévention des blessures). Dans ce cadre, l’électrostimulation peut être considérée comme une technique intéressante pour œuvrer au maintien musculaire (par tonus interposé)
  • Pour optimiser le temps et dans le cadre d’un moindre coût énergétique / séance / muscle(s) isolé(s) grâce à un travail musculaire passif. Pendant que le générateur travaille, le sportif se repose…
  • Pour activer et optimiser la récupération. L’électrostimulation peut être utilisée avec efficacité dans ce cadre précisément, soit dans le cadre d’un programme en préparation sportive, soit dans le cadre de douleurs post-entraînement ou post-compétitif (utilisation de courants à très basse fréquence de type 10 Hz maxi). La plupart des générateurs nouvelle génération permettent aujourd’hui la mise en place de programmes, dits de capillarisation.
  • Pour évaluer l’état de fatigue d’un muscle en testant sa contractilité. Si vous relevez le seuil liminaire ou rhéobase (intensité du courant au-dessous de laquelle la stimulation électrique n’est jamais efficace) de contraction d’un muscle à l’état de repos et que vous le testez à l’état de fatigue, vous pourrez constater un delta qui correspond à la fatigue du complexe « plaque motrice-système contractile »
  • L’électrostimulation peut également être utilisée en guise de pré-fatigue ou de post fatigue. Ou comme moyen d’activer les zones concernées par le travail à accomplir
  • Elle peut être couplée à de l’imagerie mentale

Les vertus avérées de l’électrostimulation

 

graph-3Ses limites et ses contre-indications

  • L’un des plus grands reproches adressé à l’électrostimulation (lorsqu’elle est de nature passive) concerne le fait que le sujet ne fait pas appel à sa propre commande motrice. Il peut ainsi y avoir un certain nombre de décalages entre la pensée (le système de représentations) et l’action (capacités sensori-motrices permettant le contrôle du mouvement et assurant sa protection). D’un autre point de vue, on peut envisager l’économie qui peut résulter de la mise au repos du système central.
  • Un autre reproche est lié au fait que l’électrostimulation s’adresse la plupart du temps mais pas toujours à des muscles isolés (cas des combinaisons d’électrostimulation par exemple), elle trouble le fonctionnement des synergies dans lesquels ils sont immergés. L’utilisation de l’électrostimulation si elle n’a pas été bien pensée peut conduire à des déséquilibres importants dans l’expression d’une fonction ou d’une chaîne musculaire (par exemple : relation agonistes-antagonistes)
  • L’électrostimulation permet de s’adresser aux muscles superficiels mais elle reste difficile à utiliser lorsque l’on veut toucher les muscles profonds.
  • On reproche également à l’électrostimulation de ne renforcer les muscles que dans des situations simples (angles et directions), c’est-à dire dans des situations qui ne mettent pas en jeu la coordination générale… qui occultent en quelque sorte la complexité des réponses motrices (vitesse et spatialité du mouvement). Mais il faut noter qu’elle est dans le cadre du développement de la force de plus en plus couplée avec une sollicitation « naturelle » et « complète » (entraînement combiné ES + CMV).
  • On note chez ceux qui abusent de l’électrostimulation un décalage entre le niveau de force développé par les muscles et le niveau de résistance des tendons
  • Les sensations désagréables ou douloureuses associées à la stimulation: un problème de sensibilité interindividuelle (durée, fréquence et intensité du courant)
  • Risques de surentraînement : il y a des risques de surentraînement pour tous ceux qui abuseraient de l’utilisation de cette technique.
  • Enfin l’utilisation de la technique est déconseillée dans de nombreux cas : personnes rencontrant des problèmes allergiques (électrodes, gel) ou dermatologiques (plaies ou maladies de peau type eczéma, psoriasis, etc(…) ; personnes présentant des troubles de la coagulation : sportif sous anti-coagulant, hémophilie, ou antécédents de thrombose veineuse ; sportives enceintes,  personnes atteintes  d’épilepsie, les porteurs de pacemaker. Elle est enfin déconseillée aux enfants…

Les limites de l’électrostimulation

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Comment faire : procédures

La nature, l’intensité, la fréquence, la zone d’impulsion, la forme du courant, permettent d’obtenir des effets sur la relaxation musculaire, la récupération, la force musculaire, la contractilité musculaire et la diminution de la douleur. Nous conseillons à ce propos la lecture de l’excellent article du Docteur P. Bacquaert, médecin du sport (référence plus bas) qui explicite la nature des courants à utiliser en fonction de la cible visée.

Conclusion

L’électro-stimulation ne peut se substituer ni à l’entraînement ni au renforcement musculaire traditionnel. Il reste un complément intéressant et utile aux méthodes classiques d’entraînement chez le sportif, quel que soit son niveau.

L’électro-stimulaton est une méthode complémentaire ou une alternative aux méthodes traditionnelles

Bibliographie conseillée : références

  • Gilles Cometti, Intérêt de l’électrostimulation dans l’entrainement des sportifs de haut niveau. In : http://entrainement-sportif.fr/electro-stimulation.pdf
  • Bacquaert, Renforcement musculaire par l’électrostimulation, In : http://www.irbms.com/download/fiches-pratiques-irbms/fiche-pratique-renforcement-musculaire-par-electrostimulation.pdf
  • Couturier, Electrostimulation et Renforcement Musculaire, Laboratoire de Physiologie INSEP. In : http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/dusmedecinedusport/dubioentrainementsport/electrostimulationcouturier05/electrostimulationcouturier05.pdf
  • Emilien CHIRON et Mathieu BONNAND – Préparateur Physique OPTISPORT in http://www.u-run.fr/31818-les-bienfaits-de-electrostimulation

 

1 réaction à cet article

  1. Bonjour,
    Je pratique la boxe thaïlandaise le midi (sauf mercredi et weekend), le mardi soir du krav maga et le jeudi soir du judo jujitsu. Je rajoute deux séances de musculation pour l’entretien musculaire le lundi après-midi et le vendredi après midi. Repos le mercredi et le samedi dimanche.
    Je voulais savoir si lelectrostimulation pouvait être utile pour moi. Vu les tarifs je ne ferais qune fois semaine. Vaut il mieux le faire a la place d’une des deux séances de musculation ou en prefatigue avant la séance ?? Je précise que je ne pratique pas mes différents arts martiaux en compétition en mais uniquement dans une optique de self défense. Merci

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