À la découverte du « 100-Up »

Pour vous maintenir en forme et progresser durant le confinement, une solution si simple mais terriblement efficace : le « 100-Up ».

En quoi consiste la séance « 100-Up » ? C’est l’exercice clé de la réussite de Walter G. George, mais qui est donc Walter G. George ?

Walter George est un coureur amateur puis professionnel qui a récolté le titre de « Champion de champions » dans les années 1880. Ce titre est loin d’être usurpé comme on peut le constater à la lecture de son palmarès.

 

Champion de Grande Bretagne amateur sur :

  • 880 yards en 1882 en 2’02.2
  • le Mile en 1880 ,1882, 1884
  • le 4 miles en 1880,1882, 1884

 

Il a également établi de nombreux records du monde amateur :

Sur le mile : 4’23.3 en 1880 ; 4’19.8 en 1882 ; 4’18.4 en 1884 (ce record amateur sera battu par l’américain Thomas P. Conneff en 4’17.8 en 1893)

 

2000 m : 5’44.0 en 1882 (temps de passage d’un 2 miles)

2 miles : 9’25.6 en 1882, 9’17.4 en 1884 (ce record ne sera battu par un autre incroyable coureur Alfred Shrubb en 9’17.0 19 années plus tard en 1903).

3 miles : 14’42.8 en 1881 ; 14’39.0 en 1884

6 miles : 30’36.0 en 1884 ; 30’21.5 en 1884

10 000 m : 32’09.0 en1882, 31’40.0 en 1884. (Ce record tiendra également 20 ans (A. Shrubb avec 31’02.4 en 1904 tout comme le record du 10 miles établi en 1884 en 51’20 (A. Shrubb en 50’40.6 en 1924)

Record de l’heure avec 18 555 mètres en 1884.

 

Dès 1882, Walter George qui vient pourtant à peine de passer sous les 4’20 sur mile challenge le meilleur coureur professionnel de l’époque e mais il ne recevra pas l’autorisation de courir contre un professionnel.

W.J. Cummings, un écossais ?  Né en 1858 comme W. George, Cummings est coureur professionnel depuis ses 18 ans en 1876. Il va progresser très rapidement, devenir champion d’Angleterre en 1978 et courir le mile en 4’18.4. Courant souvent aussi bien sur 1 000 yards (record du monde en 2’17.0) que sur 10 miles il domine le monde professionnel, battant facilement ses adversaires et contribuant par sa domination, à la lente morte de la course professionnelle.

 

W.George après avoir tout gagné chez les amateurs va passer professionnel en 1885 pouvant ainsi enfin affronter W.J. Cummings qui détient alors le record du monde professionnel sur le mile en 4’16.2 depuis 1881 et du 10 miles en 51’06.6 depuis 1885.

 

En 1885, un premier affrontement, doté d’une bourse financière très importante est organisé autour d’une série de 3 distances. Cummings gagnera le 4 miles et 10 miles et Walter George le mile.

 

Le match retour sur le mile aura lieu au Lillie Bridge Stadium le 23 aout 1896 devant 20 000 personnes. Cummings, spécialiste des longues distances possède un meilleur temps (recordman du monde du mile en 4’16.2) que Walter George. Mais Walter George est légèrement favori car la rumeur dit qu’il aurait réussi lors d’un test, l’incroyable temps de 4’10.2. Ce temps n’a pas été rendu public mais un chronométreur expert, Sir John Astley était présent et cette tentative a été observée en secret par un journaliste monté sur une colline voisine.

Pour cet affrontement, Cummings sait qu’il devra se préparer à subir le début de course de Walter George habitué aux départs rapides car il démarrait toujours ses miles avec un premier tour en moins de 60 secondes et un passage aux environs de 2’02.0 à mi-course. Dès 1882, W. George était déjà capable d’arriver régulièrement aux 1200 m en 3’08.0 mais ne disposait pas de la résistance spécifique suffisante pour tenir un dernier tour en 65- 66 secondes. Mais il s’est entrainé pour faire 4’12.0 le temps qu’il avait annoncé lorsqu’il a démarré l’entraînement.

 

L’objectif de Cummings est simple : « S’accrocher et ne pas lâcher ».

 

Walter George gagne le tirage au sort qui le place à la corde et s’élance en tête dès le coup de pistolet. Il passe le premier tour en 58.5 puis enchaîne un 2ème tour en 63.3 (2’01.8 à mi-course). Dans la ligne droite d’arrivée du 3ème tour Cummings se porte à hauteur de Walter George. Le chronométreur crie le temps de passage : 3’07.8, c’est à ce moment où Cummings accélère. Il prend 2, 4, 6 puis 8 yards d’avance alors que Walter George maintient son allure. Mais Cummings n’est pas en capacité de tenir cette allure suicidaire et Walter George va graduellement refaire son retard dans la ligne opposée. Il a toujours un yard de retard à l’entrée du dernier virage. Forcé de courir à l’extérieur il est en difficulté pour passer Cummings et ce n’est que dans la ligne droite d’arrivée qu’il arrive à prendre la tête. Il entend quelques instants derrière lui les foulées de Cummings puis plus rien. Mais il ne se retourne pas avant d’avoir franchi la ligne.

Lorsque Walter George franchit la ligne, Cummings avait disparu, il s’est écroulé, épuisé sur la pelouse à 60 yards de l’arrivée.

Chaque spectateur reste à sa place dans un silence religieux dans l’attente de l’affichage du chrono. Puis un formidable grondement monte des tribunes quand le temps est annoncé, les milliers de spectateurs déferlent de toutes parts pour entourer le coureur victorieux.

Walter George gagne en 4’12.8, nouveau record du monde qui efface celui de son adversaire de 3 secondes.

Ce record va résister pendant 30 ans avant que l’américain Norman Taber ne l’efface pour 2 petits dixièmes en juillet 1915.

 

 

L’histoire de W. George

Il est apprenti comme chimiste dans une pharmacie quand il quitte l’école en 1874, ses horaires de travail vont de 7 h le matin à 21 heures le soir avec une heure de pause. Ayant besoin d’exercice, il participe le week-end à des courses cyclistes et à des compétitions de marche.  Attiré par la course à pied, il s’est entrainé trois mois avant son 20ème anniversaire et a bien fait rire les membres du club des English Moseley Harries Running Club quand il leur a dit qu’il voulait courir le mile en 4’12.0 alors que le record amateur de l’époque était détenu par Walter Slade en 4’24.5. Walter George avait également noté dans son agenda, l’allure à suivre pour les réaliser (59, 2’02.0, 3’08).

Il va gagner sa première course, un mile handicap en 4’29.0, et dès lors ne plus s’arrêter.

 

 

 

L’invention du 100-Up

Dans l’incapacité de disposer, en raison de ses horaires, de la possibilité de s’entraîner à l’extérieur, W.George va inventer son fameux 100-Up qui va l’amener, il le dira lui-même, à ses plus grands succès.

Son objectif est de créer un exercice stimulant l’action revigorante de la marche et de la course en le simulant de manière naturelle.  « Nécessité est la mère de l’invention » écrit-il dans son petit ouvrage dédié exclusivement au 100 Up et publié pour la 1ère fois en 1908.

C’est son besoin d’activité physique alors qu’il reste enfermé pendant des heures qui l’amène à la création du 100-Up qu’il va tester sur lui-même, puis perfectionner pour en faire la pierre angulaire de son entrainement pendant les six premières années de sa carrière athlétique et qui restera une base fondamentale de son entrainement par la suite.

 

 

 

Qu’est-ce que l’exercice du 100-Up ?

C’est un exercice sans tension extrême avec des effets évidents sur les muscles et le système cardio-respiratoire. Il ne nécessite aucun équipement et peut être pratiqué n’importe où et n’importe quand. Il convient parfaitement aux pratiquants de tous niveaux et aussi aux sportifs qui font d’autres activités physiques autre que la course à pied.

C’est quoi alors cet exercice extraordinaire ? Tout simplement des montées de genoux !

 

Mais en quoi des montées de genoux peuvent elles apporter autant de bénéfices ? Tout le monde en fait.

Mais sont-ils bien réalisés techniquement, en nombre et durée suffisants ? Régulièrement ?

Rien n’est moins sûr car le « 100-Up » c’est bien plus que des semblants d’élévations partielles des genoux sur quelques mètres à la fin d’un échauffement.

 

Le « 100 Up » est un véritable exercice qui sollicite fortement le système locomoteur de la course. Dans son fascicule, Walter George décrit minutieusement la réalisation de l’exercice, la phase d’apprentissage, les défauts à éviter pour bien exécuter l’exercice. Il décrit toute la progression nécessaire pour le maîtriser et devenir un « centurion ».  Faire 100 montées de genoux bien exécutées d’affilée n’est pas à la portée de tous, même des coureurs de haut niveau auront des difficultés pour y arriver.

 

C’est en effet un exercice qui, s’il est réalisé correctement, est extrêmement sollicitant sur le plan musculaire et cardio vasculaire. Monter alternativement les genoux à l’horizontale nécessite tout d’abord un bon placement, donc un dos solide et un bien bassin gainé mais cela nécessite surtout des fléchisseurs des jambes sur la cuisse, en particulier le muscle psoas iliaque, extrêmement bien développés.

 

Beaucoup de coureur(se)s vont très vite se rendre compte qu’ils (elles) ont un déficit considérable dans ce secteur. Ce déficit, inhérent chez la grande majorité des coureurs est responsable d’un manque d’amplitude de la foulée, d’une fatigue précoce, empêchant de bien lever les jambes en fin de course.

 

Des montées de genoux bien faites nécessitent un placement avec un tronc droit, un bassin en rétroversion, des genoux qui montent au niveau de la hanche, des bras qui soutiennent le rythme avec un balancement coude haut à l’arrière. Bien les réaliser nécessite apprentissage et corrections.

 

Les principaux défauts d’exécution :

– Un bassin en antéversion (dos creux) va empêcher, d’un point de vue biomécanique, les genoux de monter.

– Un buste penché excessivement en arrière pour arriver à monter les genoux en compensant sera épuisant, et fera faire du sur place en course.

– Les montées de genoux sont quasi impossibles pour les coureurs qui courent avec une pose talon excessive avec également l’incapacité de faire des mouvements rapides. La pose du pied doit se faire, comme le dit W. George, sur la partie antérieure du pied.

 

Walter George préconise 3 phases dans la maîtrise de l’exercice

Phase préliminaire : tracer 2 lignes parallèles au sol, largeur de hanche. Posez chaque pied sur une ligne, les bras le long du corps puis montez un genou à la hauteur de la hanche puis redescendre le pied en le posant avec souplesse sur la ligne en plante de pied. Répétez 10 à 30 fois ce mouvement puis changer de jambe et répétez l‘exercice.

Attention ! Le genou doit monter à l’horizontale de la hanche avec le pied en flexion dorsale (en porte-manteau) et en gardant le buste droit. Commencez avec un rythme lent puis une fois l’équilibre bien maîtrisé vous pouvez accélérer le mouvement.

En répétant souvent l’exercice, les muscles fléchisseurs vont se renforcer et l’exercice paraîtra de plus en plus facile.

 

Niveau 1 : Même position de départ, mais l’enchaînement se fait alternativement sur une jambe puis l’autre. L’exercice pour être valide et efficace doit être effectué correctement, genou haut, jambe d’appui tonique qui résiste à l’enfoncement. Une fois bien réalisé, quantité et rythme d’exécution peuvent être augmentés

  • En augmentant progressivement le nombre de répétitions (10,20,30 …)
  • La vitesse d’exécution du mouvement
  • Le nombre de séries (1,2,3 …)

 

Niveau 2 : Les pieds sur les 2 lignes parallèles mais la position de départ se fait sur pointes de pied, le talon légèrement décollé avec le haut du corps très légèrement penché en avant, les mains les longs du corps, position qui nécessite équilibre et gainage. Puis montez alternativement de manière rythmique les genoux à hauteur de hanche puis ramener le pied à la position initiale (sur l’avant du pied). On a exactement l’action de course sauf le déplacement avec des bras actifs qui font le balancier comme en course.

Le principe de progressivité sera le même que pour le niveau 1.

 

Arriver à l’objectif des 100 répétitions n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît car le cardio est extrêmement sollicité.

Cet exercice pourtant fondamental pour la course à pied (pas que pour le sprinter) est souvent oublié et très souvent quand il est inclus dans une séance d’entraînement, il l’est très souvent de manière insuffisante en termes de nombres de répétitions et souvent mal exécuté donc inefficace.

Le plus grand entraîneur américain du début du 20ème siècle, Michael C. Murphy s’est fortement appuyé sur cet exercice (qu’il appelle « training by Dancing « dans son livre « Athletic Training » publié en 1914) pour maintenir les équipes olympiques de 1908 (Londres) et 1912 (Stockholm) en bonne condition physique pendant les semaines de traversée de l’atlantique en bateau pour venir concourir en Europe.

 

 

A quoi peut servir le 100-Up durant le confinement ?

Placer des séquences de montées de genoux est utile qu’il y ait confinement ou pas mais pendant une période où il est particulièrement difficile d’avoir accès à des pistes, le 100-Up peut s’avérer être un excellent complément ou même un véritable substitut à une bonne séance sur piste. On peut penser que réaliser 10 x 1’ de montées de genoux avec 1′ de récupération remplacera largement une séance de 10 x 400 m.

Pour information, Walter George réalisait ses séries d’exercices plusieurs fois par jour dès qu’il disposait d’un petit moment de temps de libre.

 

Quelques conseils :

S’échauffer quelques minutes au moyen d’un trot léger et quelques étirements (les mollets tout particulièrement) est indispensable. Au début, il faut faire un nombre de séries de répétitions (10 fois jambe droite et 10 fois jambe gauche par exemple) relativement limité (4 à 6) avec un temps de récupération suffisant afin de maintenir une exécution correcte.

Puis les séances peuvent être aussi variées et riches que des séances de fractionnés sur piste.

 

Exemple : 5 x 30 secondes avec une récupération de 45 secondes puis 4 x 45 secondes avec une récupération de 1’ puis 3 x 1’ avec une récupération de 1’15 puis redescendre avec des répétitions de 45 secondes puis de 30 secondes.

Pour ceux et celles qui veulent corser la difficulté de l’exercice, vous pouvez le réaliser sur les tapis d’un sautoir de hauteur ou de perche. Vous vous en rappellerez !

Alors bons « 100-Up » pour devenir « Centurion ».

 

 

Pour les curieux, quelques lectures intéressantes au sujet de Walter G. George.

100 UP. The Classic Exercise for Runners. (Publication originale 1908). Reprint en 2014 par Dormouse Press.

Hadgraft Robb (2006) lui consacre un livre : « Beer and Brine : the making of Walter George, athletics first Superstar ». Desert Island Books

Peter Lovesey, le grand historien de l’athlétisme, lui consacre un chapitre dans son ouvrage : « Kings of distance » paru en 1968. Eyre & Spottiswoode.

Le site « Racing Past », extraordinaire pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre discipline raconte dans le détail les duels Cummings – W.G.  George DE 1885 et 1886.

Cordner Nelson et Roberto Quercetani dans leur ouvrage majeur « The milers » – 1ere édition en 1973, seconde édition en 1985 – détaillent avec précision le parcours de W. George. Tafnews Press

 

 

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