Douleurs aux cuisses après 45-50 km de Trail : Comment y remédier ?

Un internaute souffre de douleurs aux cuisses après une distance de 45 à 50 kilomètres en Trail. Notre médecin du sport, le Docteur Jacques Pruvost, lui répond.

Question :

Bonjour, Je pratique le trail et je remarque toujours la même chose qui se produit après 45 à 50 km. A ce moment exact, j’ai des courbatures en pleine course au niveau des cuisses. Jamais aux mollets. Quand ces maux surviennent, mais jambes deviennent lourdes et mon pace ralentit énormément, cela me fâche parce que j’ai ensuite du mal a rencontrer les temps limites pour les barrières horaires lors d’ultra trails.

Les jours suivants, j’ai ces courbatures aux cuisses qui se poursuivent pendant 3 jours et le plus difficile est la descente des marches, pour la montée ça va.

Après ces trois jours(de repos) tout entre dans l’ordre, ça disparait, c’est pourquoi je doute qu’il s’agisse de claquage ou autres pathologies graves. D’après vous de quoi s’agit t-il sachant que ces courbatures en pleine course arrivent TOUJOURS au même moment (45-50 km) avec 1000 à 1500 mètre de dénivelée positif et toujours soit sur la face interne des cuisses près des genoux et (ou) sur le dessus des cuisses (les deux en même temps aussi), toujours le même scénario.

Comment pourrais-je y remédier ? J’aimerais vraiment me rendre au bout de mes ultras, j’ai beaucoup d’endurance et aucun problème gastrique, seulement ces douleurs aux cuisses handicapantes qui rendent mes jambes très lourdes et me ralentisse considérablement.

Merci beaucoup de m’aider…

 

Précisions: Cela fait 2 ans que je m’entraine sérieusement pour des compétition d’ultra trail ( je cours depuis 10 ans env.), j’ai 39 ans. Je fais entre 80 et 120 km par semaine quand j’approche d’une compétion, sinon entre 60 et 80 km à l’année, une journée de congé par semaine. J’ai fait (depuis 2 ans d’entrainement pour le trail) 5 très longues sorties en sentier (65 km, 1200 m de dénivelée) pour me mettre en situation de compétition. J’ai tenter un premier ultra l’an dernier et comme dans ma question le même mal est survenu au 50 eme km (même chose pour mes entrainement de 65 km)…

 

La réponse de notre médecin du sport : 

 

Bonjour,

Vous décrivez des douleurs qui irradient sur la face antérieure et surtout sur la face interne des cuisses « toujours sur le même scénario » , pour reprendre votre excellente expression. Chez un sportif, les douleurs qui surviennent pendant l’exercice, toujours au même moment et empêchent de poursuivre la course au même rythme doivent faire penser en priorité à un problème circulatoire au niveau artériel. D’autres causes peuvent être envisagées mais je pense que chez vous, en premier lieu, il serait utile d’éliminer une « endofibrose iliaque externe ».

Il s’agit d’une pathologie artérielle retrouvée au niveau des artères situées dans le bassin chez les sportifs d’endurance : cyclisme, course à pied et trail, ski de fond. L’artère est atteinte au niveau des zones de plicature le long de son trajet dans le bassin, avant sa sortie au niveau de l’aine et à la racine de la cuisse, par un épaississement sur toute sa circonférence interne. Cette épaississement de l’intérieur de l’artère est bien supporté sur des durées et des intensités d’exercice courtes mais la circulation artérielle ne se fait plus si les durées d’exercice sont longues et intenses. Le sportif décrit alors des douleurs de la face interne de la cuisse qui peuvent être paralysantes avec « impression de cuisse morte » ou des impressions de gonflement avec sensation «de cuissard trop serré ». Ces douleurs ou sensations désagréables limitent la puissance ou l’intensité de l’exercice et disparaissent totalement à l’arrêt de l’effort.

Ce type d’atteinte vasculaire a été d’abord décrite chez les cyclistes mais elle est aussi fréquente chez les traileurs.

Dans votre cas, deux éléments un peu inhabituels sont à prendre en compte :

– en cas d’endofibrose iliaque externe, les douleurs sont souvent asymétriques avec une cuisse qui est plus douloureuse que l’autre. Est-ce votre cas ?

– vous continuez à souffrir à l’arrêt de l’exercice et vous décrivez des douleurs à type de courbature qui peuvent durer plusieurs jours. De ce fait, je me permets de vous conseiller de ne pas « forcer » sur la douleur et de vous arrêter dès qu’elle survient. En effet, il est toujours possible de compliquer cette limitation circulatoire transitoire par une « ischémie aiguë », c’est à dire un blocage total de la circulation artérielle dans la cuisse et la jambe. Il s’agit alors d’une complication grave devant être prise en charge très rapidement par un chirurgien spécialisé dans les problèmes vasculaires.

L’écho-doppler est l’exploration à envisager pour explorer vos artères. Il s’agit d’un examen simple, facilement réalisable chez un angiologue, médecin spécialiste des veines et artères. Pratiqué au repos, cet échodoppler va très souvent montrer un épaississement de la paroi artérielle et une zone de rétrécissement qui s’aggrave avec la flexion des hanches. Au cas ou cet examen ne serait pas positif, il faudra sans doute aller jusqu’à l’artériographie, c’est à dire injecter un produit de contraste dans le système circulatoire pour dessiner l’intérieur de vos artères. Cet examen sera positif en montrant une plicature, un rétrécissement voire un véritable siphon à la flexion de la cuisse sur le tronc au niveau de l’artère iliaque externe.

Quel traitement ? Désolé, mais il n’existe pas de traitement médical pour ce type d’atteinte vasculaire. Le traitement ne peut être que chirurgical et consiste à raccourcir la longueur de l’artère iliaque externe de 3 à 4 cm. Ce traitement doit être réalisé par des chirurgiens spécialisés. En France, Il n’existe que quelques centres capables d’explorer et de prendre en charge les sportifs atteints de cette pathologie.

Pour conclure, je vous conseille de consulter un médecin du sport reconnu dans votre ville ou votre département. Il saura vous orienter vers le service de chirurgie vasculaire capable d’explorer et de prendre en charge vos douleurs. En attendant cette consultation, je me permets d’insister et de vous conseiller de ne pas « forcer » sur la douleur car les risques de complications, bien que faibles, sont réels.

Tenez-nous au courant.

Cordialement

Dr J.Pruvost

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